Colombes à l’heure du bilan de la vague verte
Le nouveau groupe scolaire Dominique Frelaut a été inauguré avec un mois de retard samedi 4 octobre, juste après l’extension de l’école Marcel Pagnol. Colombes, décrétée Capitale de l’écologie solidaire, mode livraison.
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Après le 2e méandre aval de la Seine à Paris, en face d’Argenteuil, Colombes (92) est noyée dans l’agglomération parisienne avec un ancrage historique fort. On y bâtit en quelques semaines le premier village olympique (en bois) il y a 101 ans, non loin de l’usine de pneus devenue Kléber-Colombes après la guerre, et du stade de Colombes qui concentrera les ressortissants de nationalité allemande et apatride à la déclaration de la Seconde Guerre Mondiale.
L’après-guerre sera apparemment marqué par les décennies de mandature du maire communiste Dominique Frelaut, dont le nom baptise un groupe scolaire provisoire puis la nouvelle construction allée Agnès Varda, au sein de la ZAC Arc sportif, pour les 2 000 nouvelles familles ont besoin des 17 classes maternelles et élémentaires nichées dans un établissement compact en R+4.
Inauguration par le maire de Colombes, Patrick Chaimovitch, et les élèves de la nouvelle école. Ici, descente de la cantine vers la cour en longeant des bacs de végétation vernaculaire © Jonas Tophoven
Hat trick scolaire bois communal
La mandature de la ville de Colombes s’achève donc avec la livraison de trois écoles :
– le groupe scolaire et gymnase Langevin-Wallon et Camille Claudel (MOP, Hemaa, Colas et Mathis, gymnase en cours) ;
– L’extension de la rue Marcel Pagnol par Tracks avec Mathis et Tempère (MOP) ;
– Et le groupe Dominique Frelaut en MPGP par Maître Cube et l’agence Tectoniques (en complément du gymnase de la ZAC par ANMA Nicolas Michelin et Vinci).
De fait, il s’agit de trois ouvrages bois qui témoignent du travail d’une équipe municipale, élue avec la vague verte de 2020. Sur le front scolaire, cela compense un arrêt du projet de lycée engagé par la mandature précédente, justifié par des raisons démographiques.
Tout le travail du groupement : solives apparentes, équipement blancs sauf pales bois, panneaux AB en peuplier, dalles acoustiques Organic de Knauf. © Jonas Tophoven
Colombes laboratoire du scolaire biosourcé
En métropole du Grand Paris, voire en France, il n’existe sans doute pas, sur le plan scolaire, avec cette densité et qualité, de bilan de mandature comparable. Colombes donne aux jeunes turcs Tracks et Hemaa un moyen de s’exprimer et de se comparer, également avec la vieille garde complètement renouvelée de Tectoniques. Trois modalités : le neuf MPGP pour un aménageur, l’extension et la rénovation pour la ville. Le leader Mathis en interlocuteur direct ou indirect. Du vrai catch entre agences et entreprises (générales ou charpente). Colombes, le lieu à dézoomer en ce moment.
Couloirs avec des briques de terre compressée pour l'inertie thermique. © Jonas Tophoven
Le goût du bois vient en bétonnant
Pour la petite histoire : même si Patrick Chaimovitch est un ancien urbaniste, et que sa liste écologiste a fait de Colombes la seule ville verte de la métropole du Grand Paris de près de 90 000 habitants, l’envie de bois semble venue d’une image virtuelle de l’intérieur du gymnase remportée par ANMA, avec une ambiance bois qui n’a pas résisté à la réalité de la construction, mais qui rejaillit avec le choix de l’équipe du projet Dominique Frelaut, sans parler des deux autres écoles.
Par ailleurs, l’école Dominique Frelaut coûte cher et le paradoxe, c’est que cela a été rendu possible par une bonne commercialisation de la ZAC sans enquiquiner les promoteurs avec de l’écoquartier ou d’autres contraintes. On est en bordure d’A86 mais avec des bâtiments écran et l’opération a été démarrée par la mandature précédente pas non plus acquise au bois. La vague verte y supprime tout de même en dernier recours les parkings de la rue principale et ajoute de la végétation.
Maître Cube est satisfait : au centre Christian Piquet de CPL et directeur général de Maître Cube. Celui qui a fait de FiBois un acteur national il y a dix ans préside désormais un autre acteur national redoutable. © Jonas Tophoven
Vue imprenable
L’aménageur colombien et francilien Eco-urbain a donc lancé un MPGP orienté bois et le groupement Maître Cube - Tectoniques, aguerri par les écoles passives jumelles du Bourget (avec il est vrai Ajeance et A003 Architectes qui a monté l’équipe et Solares Bauen). La parcelle réservée de la ZAC Arc Sportif avec ses 2 000 nouvelles familles était étriquée, de sorte qu’il fallait d’évidence monter en hauteur pour ce groupe maternelle + élémentaire. SAM aux Groues sépare les âges par niveau, le groupement préfère un fer à cheval montant jusqu’à +4 avec deux ailes de cantines donnant sur deux terrasses babyloniennes qui permettent de redescendre par pallier jusqu’à la cour, en logeant des végétations locales précisément adaptées à la hauteur des différents étages. Les enfants découvrent la skyline de Paris, un peu comme aux Groues SAM révèle celle de La Défense sur une incroyable installation de toiture.
Lucas Jollivet, Tectoniques, représente la jeune équipe qui remet l'agence de Lyon en pôle position de l'architecture bois, avec le moteur d'une ingénierie intégrée en plus. © Jonas Tophoven
Les implications du sprinklage
Avec un projet bois R+4, le groupe s’est orienté dès le départ vers du sprinklage total, ce qui en fait sans doute une première en France, et une précieuse expérience pour la construction bois.
Cela a permis en principe de réduire les déflecteurs de la façade et de se passer du calcul C+D, de laisser le bois apparent à la fois en solives, mais pour des revêtements acoustiques muraux de AB Pano (Drouin) ou Organic (Knauf). Le groupement a tâché d’embellir le dispositif en recalant tous les équipements, notamment dans les classes et la cantine (luminaires, bouches de ventilation, sprinklers) sur la teinte 9006 (qui n’est malheureusement pas la même pour tous !). Les pales des brasseurs d’air systématiques sont par contre en bois.
La trame charpentière assumée
Tectoniques et sa jeune équipe prend le relais de la réputation constructive de l’agence et soigne sa trame : 1,20 m entre solives, au besoin 60 cm si le plafond porte des terrasses avec des plantes en pleine terre de 60 cm. Même le dessin des ailes non symétriques a été revu pour permettre cette régularité qui convient très bien à Maître Cube. Les planchers ne sont pas en CLT, mais en béton ancré par une vieille solution de connecteurs Maindron redécouverte par Maître Cube pour ses vertus de compatibilité avec la pose des fers à béton. Tectoniques trouve même des fenêtres en 3,60 cm, sans doute plus difficile à repérer si le label PassivHaus avait été appliqué ici.
Flocages
Pour monter à la cantine, il existe aussi aux deux angles du fer à cheval des escaliers circulaires amples imaginés en cours de projet en alternative des escaliers en zigzag courants. Le flocage du plafond supérieur n’a qu’une fonction acoustique, à la différence des circulations en CLT qui ont dû être ouvertes sur tout le plénum et floquées. Chez Eco-urbain, on évoque une commission incendie qui est revenue sur des accords passés, et aussi un bureau de contrôle qui a fait marche arrière. Supposons que la commission incendie a fait valoir que le plenum des circulations, supérieurs à 30 cm puisqu’ils masquent les conduits d’aération, auraient nécessité un sprinklage spécifique, et que sans plenum, la circulation où pend l’aéraulique doit être floquée pour protéger le CLT selon la doctrine des sapeurs-pompiers de la préfecture de police de Paris.
Quant au recul du bureau de contrôle, il s’agit sans doute des déflecteurs finalement imposés, ce qui se répercute sur le prix de construction mais presque pas sur l’élégance de la façade où Tectoniques développe encore plus qu’au Bourget son approche de plaquettes céramiques sur MOB. Au contraire, lorsque l’on sort de salles de classes si soignées avec leurs jolies pales, on se retrouve dans des circulations avec l’aéraulique visible, le flocage, les parois en brique de terre crue. Ce n’est pas grave et cela ressemble à l’esthétique frugale assumée de l'agence SAM aux Groues, mais le contraste avec les salles de classe est patent.
Le métier de la charpente soudée
La cour est oasis, ce qui devient la règle, et le bâtiment en zone inondable (près de la Seine) est conçu pour piéger l’eau dans des réservoirs. Les vieux des groupements MPGP ne sont pas des vieux, Tectoniques se réinvente, Maître Cube réussit le pari fou engagé il y a dix ans. Méha et CPL collaborent pour le bois, Pyrénées Charpente soude les ailettes d’une poutrelle destinée à limiter les retombées dans l’un des réfectoires. Alors que toutes les EG et les grands maçons se dotent les uns après les autres d’entités bois, la charpente indépendante fait mieux que résister avec l’association des leaders locaux sous Maître Cube.
L'auteur de cet article
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