Vers des systèmes tout hydrogène : chaudière + pile à combustible

Vers des systèmes tout hydrogène : chaudière + pile à combustible

Pionnier du développement des piles à combustibles en Europe, le groupe BDR Thermea met au point un système chaudière à hydrogène + pile à combustible pour le marché domestique.




Le groupe BDR Thermea, qui en France se prononce De Dietrich, Chappée ou encore Oertli, poursuit ses recherches sur la filière hydrogène pour des utilisations domestiques.

 

Le groupe n'a pas seulement mis au point une chaudière murale mixte à hydrogène : il a également établi un programme de développement de piles à combustible.

 

 

La première génération de pile à combustible Gamma 1.0, développée à Hambourg dans ce qui deviendrait le groupe BDR Thermea, contient une pile à combustible Ballard Power Systems. ©BDR Thermea

 

En 1992, déjà, European Fuel Cells développe des piles à combustible

 

L’histoire des piles à combustible dans le groupe BDR Thermea est déjà ancienne. En 1992, l’allemand European Fuel Cells, se crée à Hambourg pour mettre au point des piles à combustible. En 2002, l’entreprise est rachetée par le groupe Baxi, devient Baxi Innotech et se concentre sur la mise au point de solutions domestiques de cogénération, à base de piles à combustible.

 

En septembre 2008, Baxi Innotech participe au projet Callux, un programme qui mettra plus de 800 piles à combustible en field test à travers l’Allemagne. Callux, clos en décembre 2011, réunit des distributeurs d’énergie allemands et quatre industriels : Baxi Innotech GmbH, Hexis GmbH, Vaillant GmbH et Viessmann Werke GmbH & Co KG.

 

Hexis, qui développe une pile à combustible Sfoc (pile à oxyde solide utilisant un électrolyte en céramique) est racheté par Viessmann, qui, du coup, poursuit le développement de deux technologies de piles à combustible différentes : Sofc et PEMFC (Proton Exchange Membranes Fuel Cell ou pile à combustible à membrane échangeuse d’ions). Vaillant arrête son programme de piles à combustible. Seuls Viesmman et BDR Thermea continuent.

 

En 2009, pour sa seconde génération de pile à combustible, Baxi Innotech s’associe au canadien Ballard Power Systems, l’un des tous premiers fabricants au monde du cœur de pile à combustible. La gamme de piles à combustible Gamma 1.0 de Baxi Innotech, notamment déployée dans l’expérimentation Callux, contient des piles FCgen-1030 de Ballard.

 

A ce moment-là, le groupe Baxi est leader sur le marché allemand et européen de la microcogénération domestique, grâce à sa filiale Senertec qui fabrique des systèmes à base de moteur à gaz, vendus sous la marque Senertec Dachs. Comme de nombreux autres industriels, le groupe imagine un futur radieux pour la microcogénération et poursuivant en même temps le développement d’un microcogénérateur à base de moteur Stirling et de ses piles à combustible Gamma.

 

Une étude de marché du gouvernement allemand laisse entrevoir, à horizon de 5 ans, un marché annuel de 250 000 piles à combustible en Allemagne seulement.

La seconde génération de pile à combustible BDR Thermea, repose sur un cœur de pile Toshiba. ©BDR Thermea

 

En près de 30 ans, BDR Thermea a beaucoup appris sur les piles à combustible

 

La réalité, cependant, s’est avérée différente. La douzaine d’industriels qui développaient des piles à combustible pour le marché domestique en Europe a été décimée, au point qu’il ne reste plus que BDR Thermea et Viessmann. Ainsi qu’HPS (Home Power Solutions GmbH), une start-up berlinoise qui, après 4 ans de travail, propose Picea, une solution d’autonomie énergétique pour une maison individuelle.

 

Picea combine des panneaux photovoltaïques, une pile à combustible, un électrolyseur, un stockage d’électricité en batteries, un stockage d’énergie sous forme d’hydrogène qui permet un stockage saisonnier (rempli en été, utilisé en hiver), un caisson de ventilation double flux équipé d’un échangeur à enthalpie qui atteint 93% de taux de récupération de chaleur et convient pour un logement jusqu’à 300 m² de surface, un ballon pour la production et le stockage d’ECS et un automate pour piloter l’ensemble.

 

Picea délivre une puissance électrique de 1,5 kW, avec une pointe possible de 8 kW durant 3 heures ou de 20 kW pendant 5 secondes. Les stockages disposent d’une capacité saisonnière de 600 kWhth et 3000 kWhel, avec une restitution quotidienne utile de 20 kWhth et de 25 kWhel.

 

Le but visé est l’autonomie énergétique pour une maison individuelle ou un petit immeuble collectif qui consomment 3 000 à 6 000 kWhel/an. En janvier 2019, HPS a levé 7,5 millions d’Euros en capital pour financer son expansion. L’entreprise utilise des piles à combustible Ballard Power Systems.

 

En 2009, la pile à combustible Gamma 1.0 de Baxi Innotech délivre aussi 1,5 kW de puissance, grâce à sa pile à combustible Ballard. Mais Baxi Innotech, grâce à l’enseignement des field tests du programme Callux, a estimé que c’était trop important pour optimiser le fonctionnement annuel de la pile à combustible.

 

Et il a donc, toujours avec l’aide de Ballard, proposé une pile à combustible avec une puissance électrique de 1 kW, une puissance thermique de 1,7 kW, une température de départ d’eau de 70°C, suffisante pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire. En été, la pile à combustible peut donc fonctionner en base en fournissant l’électricité du logement et réchauffant un ballon de stockage d’ECS.

 

En 2009, le groupe BDR Thermea acquiert Baxi et confirme le programme de développement des piles à combustible. En 2011, Baxi I Innotech annonce une durée de vie de 25 000 heures, vérifiée par field test, et vise 60 000 heures pour les premiers systèmes qui devaient être commercialisés vers 2012. Mais le marché n’est pas au rendez-vous. Clairement, le prix des systèmes pile à combustible + chaudière gaz complémentaire – environ 40 000 € fourni et posé – est trop élevé en regard des économies d’exploitation engendrées.

 

 

 

La concurrence a beaucoup fondu au fil des années. Hexis qui développait une pile à combustible de technologie SOFC a été racheté par Viessmann. ©Hexis

 

L’expérience du marché japonais

 

Il fallait donc réduire les coûts. Andrea Manini, qui a rejoint BDR Thermea en 2010 en tant que Group Innovation Director, s’intéresse au marché japonais et en 2012 rend visite aux fabricants japonais de pile à combustible : Aisin (Toyota), Panasonic, Toshiba, etc. Le Japon est en effet le seul pays du monde qui possède un marché significatif pour les piles à combustible domestique. En 2014, le pays compte déjà plus de 100 000 piles à combustible installées, grâce à un important programme de soutien financier public à l’installation.

 

En 2014, BDR Thermea change de fournisseur de pile, choisit Toshiba. Comme Ballard, Toshiba fabrique des piles à combustible de technologie PEMFC et la série Gamma 2.0 de BDR Thermea utilise les piles à combustible Toshiba. Mais, le sort est contre eux.

 

En 2016, le groupe Toshiba a acheté Westinghouse Electric, un fabricant américain de chaudières nucléaires pour 5,4 milliards de dollars. Mais, Westinghouse accumule des pertes vertigineuses, 9 milliards de dollars de dettes et fait faillite. Toshiba est forcé de réduire ses coûts pour faire face à ses engagements et, conséquence malheureuse, décide d’abandonner la production de piles à combustible.

 

BDR Thermea cherche un autre fournisseur et conclut un accord avec Panasonic, qui déjà fabrique aussi les cœurs de pile PEMFC pour Viessmann. BDR Thermea reprend avec Panasonic, le co-développement d’un système complet, adapté au marché de la maison individuelle en Europe, produisant eau chaude sanitaire, chauffage et électricité.

 

Pour y parvenir, le système est alimenté en gaz naturel et contient un reformer qui extrait l’hydrogène du gaz naturel, une pile à combustible PEMFC, une chaudière gaz à condensation à puissance variable, un ballon de stockage d’eau chaude et une régulation de l’ensemble.

 

 

 

La nouvelle génération de pile à combustible BDR Thermea, présentée à ISH 2019, contient une pile PEMFC fournie par Panasonic. ©BDR Thermea

 

 

Avec plus de 200 000 piles à combustible domestiques installées aujourd’hui, le Japon est le seul pays au monde qui possède une réelle expérience de cette technologie. ©Panasonic

 

Un système tout hydrogène

 

Mais, ce coup-ci, BDR Thermea décide de prendre une longueur d’avance et développe aussi un système tout hydrogène. Le reformer disparaît et la chaudière à gaz naturel est remplacée par une chaudière murale à hydrogène. Au salon ISH 2019, ler groupe BDR Thermea a présenté la première étape du développement sous la marque Remeha.

 

Le système baptisé Remeha eLecta 300 contient une pile à combustible fournie par Panasonic (750 We et 1,1 kWth), un ballon de 300 litres, une panoplie hydraulique et une chaudière gaz à condensation modulant sa puissance de 4,8 à 20 kW. Chaudière et panoplie hydraulique sont prémontées sur le ballon. Le rendement électrique atteint 35% et le rendement global du système monte à 96% PCS.

 

Dans le même temps, BDR Thermea a développé en Italie une chaudière murale à hydrogène et travaille maintenant à son intégration dans un système complet, tout hydrogène. Selon Andrea Manini, le premier système tout hydrogène sera présenté au salon ISH 2021 au printemps. Á l’automne 2021, 500 systèmes seront en field test à travers l’Europe, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et même en France.

 

Andrea Manini est persuadé que le tout hydrogène pour des applications domestiques est véritablement une solution d’avenir. Il modère cependant son optimisme : le développement de systèmes tout hydrogène ne peut intervenir sans développement de réseaux d’hydrogène. Et ça, ce sera long. Même s’il existe déjà des expérimentations locales, notamment à Hambourg.

 

 

Hambourg a décidé de devenir la capitale européenne de l’hydrogène. La ville compte déjà plusieurs stations-services pour recharger des véhicule fonctionnant à l’hydrogène, ainsi qu’un petit réseau de distribution publique d’hydrogène dans une partie du quartier du port. ©PP

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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