Le parquet a annoncé l'arrestation de onze personnes en Serbie, dont un ex-ministre, dans le cadre d'une enquête pour corruption après l'effondrement meurtrier en novembre 2024 d'un auvent de la gare de Novi Sad, qui avait fait 16 morts, dont des enfants.
Deux entreprises chinoises, China Railway International et China Communications Construction (CRI-CCC), ainsi que l'entreprise française Egis et la société hongroise Utiber faisaient partie du consortium choisi pour les travaux de la gare.
Le bilan de l’accident, passé à seize morts le vendredi 21 mars 2025 suite au décès d'un adolescent blessé durant l'effondrement, avait déclenché un vaste mouvement de colère dans tout le pays. Quatorze personnes étaient mortes sur le coup, et une quinzième quelques jours plus tard. © Gouvernement de Serbie
L'ingénieur civil Danijel Daši? expliquait sur son compte X que l'auvent s'était effondré à cause de structures en verre et en cuivre supplémentaires qui ont été ajoutées lors de la rénovation : "l'effondrement est dû à l'ajout d'une structure massive en acier, recouverte de verre épais, à la console en béton armé existante, ancrée par des profilés en acier pour le toit. Cela a entraîné l'arrachement des ancrages et la rupture des supports de la console."
Le 1er novembre 2024, un pan de l'auvent en béton de la gare de Novi Sad, tout juste rénovée, s'était effondré, faisant seize morts, dont des enfants. Neuf mois après, jour pour jour, des milliers de personnes ont participé aux marches commémoratives organisées dans plusieurs ville du pays, notamment à Belgrade, à Novi Sad et à Nis, ainsi que l'ont rapporté les médias locaux. Car en Serbie, nombreux sont ceux qui pensent que l'accident mortel est le résultat de travaux de rénovation du bâtiment de la station inadéquats, dus à la corruption endémique du gouvernement, comme à la négligence et à l'irrespect des règles de sécurité.
À Belgrade, les gens ont marché vers une gare récemment rénovée, derrière une bannière blanche sur laquelle était écrit : "Nous sommes tous en dessous de l'auvent". "Les familles des seize victimes ont été dévastées à jamais, à cause du vol, à cause de la cupidité de quelqu'un, et parce que l'argent n'a pas été investi dans la sécurité", a lancé une étudiante à la foule rassemblée à Novi Sad, ajoutant que c'était "le combat contre le système dans lequel les vies humaines valent moins que les provisions dans des appels d'offres".
L'effondrement de l'auvent de la gare de Novi Sad se produit le 1er novembre 2024, vers 11 h 50 : la chute de la structure en béton, sur la façade de la gare, qui venait pourtant d'être rénovée dans l'année, s'effondre. © Mishyac / Wkipédia
Depuis novembre 2024, les manifestations se multiplient à travers la Serbie, certaines rassemblant des centaines de milliers de personnes, afin de demander :
– une enquête transparente ;
– Le respect de l'État de droit ;
– Ainsi que des élections anticipées.
La tragédie a été rapidement imputée à la corruption, et deux enquêtes ont été ouvertes : la première sur les circonstances de l'accident et une autre sur le volet corruption du dossier. C'est dans le cadre de la seconde que le parquet pour le crime organisé de Belgrade a annoncé l'arrestation de onze personnes.
L'ancien ministre de la Construction, des transports et des infrastructures, Tomislav Momirovic, a été arrêté, ainsi qu'une ancienne ministre adjointe, Anita Dimoski, tout comme Nebojsa Surlan, l'ex-directeur général par intérim de l'entreprise ferroviaire publique "Infrastruktura zeleznice Srbije" (IZS) et Sinisa Jokic, qui fut le directeur de l'Institut pour la protection des monuments de Novi Sad, mais aussi plusieurs responsables de compagnies privées.
Un autre ancien ministre des Transports, Goran Vesic, l'un des premiers à démissionner après l'accident et également visé par cette enquête, est actuellement hospitalisé, selon le parquet.
Deux entreprises chinoises, China Railway International et China Communications Construction (CRI-CCC), ainsi que l'entreprise française Egis et la société hongroise Utiber faisaient partie du consortium choisi pour les travaux de la gare. Selon le parquet, les anciens dirigeants politiques et cadres d'IZS visés par l'enquête "ont permis à l'entrepreneur CRI-CCC de facturer à l'investisseur une valeur totale" supérieure à 1,2 milliard de dollars (1,06 milliard d'euros) pour les travaux réalisés, et d'effectuer des travaux supplémentaires pour lesquels un paiement différé de 64 millions de dollars a été demandé. "L'entreprise CRI-CCC a obtenu un gain financier illégal" de 18,7 millions de dollars, tout en causant un préjudice au budget de la République de Serbie de 115,5 millions de dollars, "ce qui représente la différence entre les obligations financières assumées par l'État et le coût original du contrat", a précisé le parquet.