La loi protège la vie privée et l’intimité de chacun, ainsi, elle régit les ouvertures pratiquées en limite de propriété que sont les "jours" et les "vues". C’est pourquoi, avant la création d’une fenêtre, d’une porte, d’un balcon, etc., il faut notamment s’informer sur les distances à respecter entre l’ouverture envisagée et la limite séparative avec la propriété voisine. À défaut, le juge saisi par le voisin qui subit les indiscrétions peut prononcer l’obturation de l’ouverture voire sa démolition.
La loi distingue entre plusieurs types d’ouverture (articles 675 à 680 du Code civil) : les jours et les vues.
Un jour, dénommé également "jour de souffrance" ou" jour de tolérance" est opaque et non ouvrant (scellé dans le contour). Il ne laisse passer que la lumière et ne permet pas le passage de l’air ni de la vue. Il doit être composé d’un châssis fixe (qui ne peut pas s’ouvrir) et comporter un verre translucide et non transparent. Il doit normalement être doté d’un treillis de fer (grille) dont les mailles ont au maximum 10 cm d’ouverture.

Les jours permettent donc de gagner en luminosité sans créer de vue chez le voisin. © Freepik
Une vue est une ouverture non fermée ou pouvant s’ouvrir (une fenêtre par exemple). La vue permet de voir à l’extérieur, elle laisse passer l’air ainsi que la lumière. Elle autorise un regard normal sur le fonds voisin.
Sont considérées comme des vues, toutes ouvertures pratiquées dans un bâtiment (du type portes, fenêtres ou lucarnes de toit) permettant le regard, de même que les éléments de type balcons ou terrasses.
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L’énumération n’est pas limitative, et les juges peuvent y inclure d’autres types d’ouvertures, en fonction de leurs caractéristiques. Par exemple, la Cour de cassation a jugé qu’une fenêtre de toit permettant une vue droite sur la propriété voisine à l’aide d’une échelle était soumise aux mêmes règles que n’importe quelle autre vue (Cour de Cassation, 19 janvier 2005, n°03-19.179). © Freepik
La loi distingue entre les vues droites et les vues obliques :
– la vue est dite "droit" dès lors que le regard peut porter sur le fond voisin sans avoir à s’écarter de l’axe de l’ouverture ; c’est-à-dire, sans avoir à se pencher ni à tourner la tête ;
– La vue est dite "oblique" dès lors qu’elle permet de voir la propriété voisine, mais avec plus de difficultés : dans ce cas, il faut se tourner sur le côté ou se pencher vers l’extérieur pour apercevoir le fond voisin.
Les règles édictées par le Code civil ne concernent que des terrains privés contigus, c’est-à-dire accolés. Peu importe que les fonds soient situés en milieu urbain ou rural et qu’ils comportent ou non des constructions. Elles ne s’appliquent pas lorsque l’ouverture donne sur une voie publique.
La loi interdit de créer une ouverture à moins de 1,90 mètre de la limite séparative avec la propriété contiguë en vue droite ou directe et à moins de 0,60 mètre en vue oblique ou indirecte. Ces distances se mesurent depuis le parement extérieur du mur où l’ouverture se fait. S’il s’agit de balcons ou autres saillies, elles se mesurent depuis leur ligne extérieure jusqu’à la ligne de séparation entre les deux propriétés. En cas de vue oblique, il faut se placer à l'angle de l'ouverture la plus proche de la propriété voisine.
Quand la limite séparative est constituée par un mur, la mesure de la distance s'effectue différemment selon que le mur est mitoyen ou privatif (non mitoyen) : si le mur est mitoyen, la distance se calcule à partir de la moitié du mur et si le mur est privatif la distance se calcule à partir du bord extérieur.
Lorsqu’un propriétaire bénéficie d’une servitude de vue, il n’a pas l’obligation de respecter ces distances légales. La servitude de vue est la possibilité pour un propriétaire de déroger aux distances imposées par la loi, pour créer une ouverture ou une vue, vers la propriété voisine. Elle peut s’obtenir par un accord amiable entre les voisins signé devant notaire.
Les jours ne sont autorisés que sous certaines conditions techniques très strictes. Ils doivent être placés à une hauteur minimale pour neutraliser tout risque d’indiscrétion : ils ne peuvent être établis qu’à 2,60 mètres au-dessus du sol de la pièce qu’on veut éclairer si cette pièce est au rez-de-chaussée, et à 1,90 mètre au-dessus du plancher pour les étages supérieurs. La mesure s’effectuant à partir du plancher de la pièce. Ils peuvent donc être créés sans avoir à respecter une distance minimale par rapport à la limite de propriété, mais doivent toutefois être placés en hauteur. Ces conditions respectées, l’accord du voisin n’a pas à être demandé.

Sur un mur mitoyen, un voisin ne peut, sans le consentement de l'autre, pratiquer dans ce mur aucune fenêtre ni ouverture (jour ou vue) en quelque matière que ce soit, même à verre dormant. © Freepik
Sur un mur privatif (non mitoyen), les jours sont possibles sans autorisation du voisin même sur un mur contigu s’ils respectent les conditions techniques et de hauteur. Les vues ne sont licites qu’en respectant les distances de 1,90 m ou 0,60 m c’est à dire dans le cas où le mur n’est pas contigu à la limite de propriété du voisin.
En règle générale, créer ou agrandir une ouverture requiert une autorisation administrative. Or, lors d’une demande d’autorisation de construire, le service instructeur ne vérifie pas nécessairement si le projet respecte les règles du Code civil concernant les jours et les vues. Le porteur de projet doit donc s’assurer de la conformité de son projet au Code civil et aux éventuelles servitudes de droit privé.
Il est important de consulter les documents d’urbanisme de la commune concernée car ils peuvent exiger des ouvertures plus hautes, des distances plus grandes que celles fixées par le Code civil, interdire certains matériaux ou couleurs pour les menuiseries et/ou les volets, dans une zone restreinte ou dans toute la commune. Il est donc recommandé de se renseigner auprès de la mairie.
Lorsqu’une ouverture (jour ou vue) a été irrégulièrement pratiquée, le propriétaire voisin peut saisir le tribunal judiciaire et exiger la modification ou la suppression. Toutefois, aucune action n'est possible s'il bénéficie d'une servitude de vue régulièrement établie devant notaire ou si le voisin bénéficie d’une vue depuis plus de trente ans. Cette prescription de trente ans ne s’applique qu’en matière du vues, et pas pour les jours ainsi le voisin peut intenter une action même si le jour existe depuis plus de trente ans. L’assistance par avocat est obligatoire. Bien sûr, le dialogue et la résolution amiable du litige sont nécessaires avant d’intenter un recours en justice.
Les juges apprécient strictement les distances et hauteurs édictées par la loi. Ainsi, si l’existence d’une ouverture irrégulière est avérée, les juges confirmeront l’irrégularité. Selon les cas, ils peuvent exiger une démolition partielle ou la réalisation de certains aménagements, comme le rehaussement du mur séparant les deux propriétés ou la pose d’une cloison opaque sur un balcon, si cela suffit à supprimer la gêne subie.