RE 2020 : un rapport rendu début juillet propose de profondes modifications dès fin 2025

Un immeuble collectif neuf, bardé de bois, livré à Paris près de la Porte d'Italie. ©

Soixante-huit pages pour évaluer les surcoûts de construction, l’effet sur les consommations d’énergie, décrire par le menu les conséquences de la RE2020 et proposer 23 modifications, dont dix importantes.




La RE2020 est un feuilleton à rebondissements. Pour commencer, ses exigences environnementales, mais pas énergétiques, ont été renforcées au 1er janvier 2025. Ensuite, elle devrait être étendue à 10 nouveaux secteurs du tertiaire neuf dès le 1er janvier 2026. Enfin, trois ans après l’entrée en vigueur de la RE2020, Valérie Létard, ministre du Logement, souhaitait savoir si la trajectoire 2025, 2028, 2031 prévue pour la RE2020 est réalisable sans freiner l’accès au logement et quels verrous techniques et économiques subsistent.

Pour le découvrir, la ministre a confié une mission à Robin Rivaton, directeur général de Stonal. Stonal est une plateforme SaaS (Software as a Service) européenne qui optimise la gestion des données patrimoniales pour les propriétaires de bâtiments. Son rapport a été rendu le 30 juin à Valérie Létard.

 

Dans le secteur du bâtiment, la construction neuve emploie 1 759 000 actifs, en cumulant les 1 286 000 salariés, les 104 000 intérimaires en équivalent-emplois à temps plein et les 369 000 non-salariés. © PP

 

 

 

Un rapport de 68 pages

Le rapport rappelle, page 8, l’importance de la construction neuve : 46 % des 215 milliards d’euros de chiffre d’affaires hors taxes du secteur du bâtiment en 2023, 381 000 structures affichant un chiffre d’affaires positif, dont 36 000 de taille artisanale. Ces entreprises rassemblent 1 759 000 actifs, en cumulant les 1 286 000 salariés, les 104 000 intérimaires en équivalent-emplois à temps plein et les 369 000 non-salariés.

Les douze premières pages du rapport Rivation décrivent la RE2020, sa méthode de calcul et nous rappelle, surprise, que cette méthode assemble des éléments scientifiques de la physique du bâtiment et des notions directement politiques, comme le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire (2,3). Comme l’indique le texte, page 12 : "ce rapport, écrit en totalité par Robin Rivaton, a pour objectif de :

– documenter les surcoûts liés à cette règlementation, estimer leurs impacts sur l’offre et la demande de logements notamment, et mesurer l’efficacité de la politique publique ;

– Mesurer l’efficacité des outils de mesure et de calcul mis en place et aider à leur recalibrage si nécessaire ;

– Identifier les effets négatifs inattendus résultant d’un arbitrage avec les seuils de la RE2020 ;

– Formuler des recommandations concrètes pour renforcer l’efficacité, la lisibilité et l’équité de la réglementation dans la perspective des jalons 2028 et 2031."

 

 

 

 

 

 

Les coûts de construction et d’exploitation

 

Le coût de construction

Après avoir rappelé qu’il est compliqué de calculer des coûts ou d’obtenir des coûts de composants et de construction, après avoir énuméré plusieurs sources de coûts à travers des simulations de Pouget Consultants, d’ATMOsphères, des enquêtes de l’Observatoire de la Performance Energétique (OPEE), de Qualitel, de l’Ifpeb, le rapport propose les surcoûts moyens suivants engendrés par la RE2020 : "le surcoût d’investissement pèserait + 2 % pour l’isolation, + 3 % pour l’équipement de chauffage et production d’eau chaude sanitaire (~40 euros par m2 de surface de plancher sur 1 435 euros par m2), + 6 % pour la décarbonation (+ 2 % en 2025 soit 28 euros par m2 de surface de plancher là où le cabinet Pouget l’estime à 8 euros 18, + 2 % en 2028 soit 28 euros par m2 de surface de plancher, cohérent avec l’estimation de l’IFPEB de + 2 % maximum jusqu’à 70 % de l’effort, les 30 % restant étant sans doute plus onéreux et + 2 % en 2031) " . Le rapport ne le précise pas, mais toutes les analyses et enquêtes utilisées portent essentiellement sur le logement.

 

 

Le coût d'exploitation

L’analyse du coût d’exploitation, page 20 à 23, est plus confuse. Elle mélange les solutions individuelles et les solutions collectives, les coûts de passage d’une chaufferie gaz à des pompes à chaleur collectives dans le collectif social existant, l’augmentation des sinistres en raison de l’emploi de nouvelles technologies, etc. pour conclure qu’il n’apparaît pas de réduction du coût d’exploitation.

Mais, après l’avoir lue plusieurs fois, cette partie du rapport n’est pas claire. Il faut dire que la RE2020 est entrée en vigueur pour les permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2022 pour les maisons individuelles, les logements collectifs, les bâtiments de bureaux et d’enseignement primaire et secondaire. Il faut facilement un an après la demande de permis de construire pour qu’une maison soit prête à être occupée, 2, 3 ans ou plus pour un immeuble collectif ou un immeuble de bureaux. Bref, il existe encore aujourd’hui peu de bâtiments conformes à la RE2020, dont on pourrait mesurer les consommations d’énergie réelle et suivre les coûts d’exploitation.

Au passage, page 25 à 27, le rapport semble largement attribuer la baisse du nombre de logements construits à l’augmentation de leur coût et attribue celle-ci en totalité à la RE2020. Concluant : aussi un "surcoût, même léger, peut avoir des effets disproportionnés sur la capacité à faire. Il serait illusoire d’imaginer la filière changer ses habitudes rapidement, en tout cas pas d’ici 2028". Ce n’est pas gentil pour les entreprises du bâtiment, décrites comme incapables d’évoluer. Le rapport attribue également à la RE2020 la baisse prévue du nombre de logements mis en chantier durant la période 2025 - 2035 à la RE2020, qui a décidément bon dos.

 

Le rapport Rivaton porte principalement sur l’application de la RE2020 en collectif neuf, plutôt qu’en tertiaire. © PP

 

 

 

L’impact de la modification du calcul des FDES et des PEP

Depuis 2022, les FDES doivent être conformes à la norme NF EN15804+A2 et au complément national NF EN 15804+A2/CN. Depuis 2023, les PEP doivent être conformes aux Product Category Rules édition 4 (PCR ed4). Le PCR ed4 intègre les nouvelles exigences et recommandations des normes EN 50693 et NF EN 15804+A2.

Début 2024, il y avait dans la base INIES, 700 PEP PCRed3 à reprendre pour basculer en PCRed4, soit environ 200 PEP pour les produits CVC et 400 PEP sur l’appareillage. Passé le 31 décembre 2025, les FDES dans le format précédent, dit EN 15804+A1, seront archivées dans la base de données INIES et inutilisables. Ce changement de méthodologie, pointe le rapport, était connu avant la fixation des seuils 2025, 2028 et 2031 de l’indicateur ICconstruction de la RE2020. L’impact est double : modification des poids carbone des composants du fait de changement de calcul et fluctuation de la disponibilité des données sur la base INIES.

Pour caractériser l’effet de ce changement de méthode de calcul des FDES, le rapport fait référence à une note du CSTB datée du 3 juin 2025 "Synthèse des analyses sur le volet carbone". Je ne suis pas parvenu à la trouver sur le site du CSTB. Cette synthèse, plutôt optimiste, conclut selon le rapport Rivaton : en "considérant l’échantillon de 400 FDES regroupées en 79 types de produits, l’impact moyen du passage en A2 sur une ACV bâtiment est de + 0,4kg CO2/m2. L’impact le plus défavorable est de + 9kg CO2/m2, tandis que le plus favorable est de - 10,46 kg CO2 / m2.

Pour les PEP, l’échantillon est de 71 fiches réparties en 19 types de produits avec des impacts compris entre - 4.4 et + 0.5 kg CO2 / m2 avec une moyenne à - 0.4 kg CO2/m2. À l’échelle d’une ACV bâtiment, le passage en A2 semble avoir un effet limité sur l’impact carbone, de l’ordre de quelques pourcents. L’INIES, pour sa part, est nettement plus pessimiste et considère que sur "249 FDES dont le produit est bien le même, le passage à la norme A2 conduit à + 17 % en moyenne pour les produits. Pour 46 FDES, l’augmentation est supérieure à 30 %". INIES pointe une autre difficulté : si les FEDS contenant des données A1 sont archivées, cela entraîne le remplacement, automatique dans les logiciels de calcul, des données qu’elles contiennent par des DED (Données Environnementales par Défaut) nettement plus pénalisantes en charger carbone. "La base INIES estime que 61 familles sur 500 ont des FDES A1 sans FDES A2 à ce jour. Ça représenterait environ 340 FDES critiques", indique le rapport. Bref, il faut d’urgence que les industriels mettent à jour leur FDES.

 

Le rapport Rivaton appelle à juste titre à une modification de la prise en compte du rafraîchissement actif dans la RE2020, de manière à lutter plus efficacement contre les effets des canicules. © PP

 

 

 

Les effets négatifs de la RE2020

Le rapport Rivaton pointe encore d’autres effets néfastes de la RE2020 : la manières dont les surfaces extérieures (balcons, loggias, terrasse) sont prises en compte, la surface vitrée, la hauteur sous plafond, orientation du bâtiment, … qui poussent les concepteurs non-imaginatifs et avant tout soucieux du caractère règlementaire et du coût de leurs bâtiments – logements collectifs avant tout – à construire des logements dont l’habitabilité et le confort sont dégradés.

Enfin, le rapport rappelle que "la RE2020 a été construite pour limiter la production de froid, familièrement appelée la climatisation. Et ce pour des raisons sans rapport avec la question des émissions de gaz à effet de serre. Depuis l’entrée en vigueur de la RE2020, l’installation d’un système de refroidissement actif dans les logements neufs est rendue pratiquement irréalisable par la combinaison de plusieurs dispositions".

 

L’une des mesures proposées par le rapport Rivaton est la modification de la méthode de calcul. C’était l’un des buts du projet Cible, lancé en 2023 par l’Ademe et le CSTB et dont on n’entend plus parler. © PP

 

 

 

23 mesures, dont 10 principales

Les pages 57 à 62 du rapport énumèrent 23 mesures destinées à améliorer la RE2020. Mais la page 7 contient un tableau listant les dix principales propositions.

 

– Pour contenir la hausse des prix (depuis l’entrée en vigueur de la RE2020) à 11 % :

  • Recalculer le point de départ de la RE2020 (autrement dit augmenter la valeur plafond initiale de ICconstruction),
  • Recalculer les valeurs par défaut : les DED sont trop pénalisantes, il faut les rapprocher des valeurs des FEDS collectives.

 

– Pour limiter la baisse de la construction dans les zones climatiques B2 et C :

  • Autoriser la substitution d’un produit à FDES ou PEP égal, sans recalculer la totalité de l’opération, comme c’est aujourd’hui l’usage,
  • Investir dans la diffusion du savoir, donc organiser des formations des acteurs de la construction sur la RE2020, créer des plateformes didactiques, ...

 

– Pour encourager la conception et la construction de bâtiments plus durables en rééquilibrant l’ACV :

  • Créer un indicateur ICcarbone global, somme des deux indicateurs ICconstruction et ICénergie. Ce qui donne sa chance au progrès technologique dans les systèmes de production de chaud et de froid,
  • Avoir des renouvellements < 1 pour valoriser les composants pour lesquelles la FDES ou le PEP indique des durées de vie en œuvre supérieures à 50 ans.

 

– Pour encourager la qualité, préserver la désirabilité du logement neuf et atténuer l’effet des canicules :

  • Réviser la prise en compte du confort d’été, en conservant la formule de calcul, mais revoyant les scénarios climatiques et le scénario d’occupation,
  • Introduire des modulations de qualité d’usage : hauteur sous plafond au-delà 2,50 m, valorisation de la surface des espaces extérieurs (balcons, jardins privatifs et collectifs, loggias) sur la surface totale,
  • Libérer le refroidissement. Abaisser le coefficient de conversion en énergie primaire à 1,9 (fait pour le DPE, la mise à jour du moteur de calcul de RE2020 devrait suivre), abaisser le facteur d’émission carbone de l’électricité pour refroidissement à 20 g CO2/kWh (puisque l’été ce sont les ENR et le nucléaire faiblement carbonés qui produisent l’électricité), abaisser le multiple du besoin en froid du Bbio à 1 et ne pas considérer le groupe comme fermé automatiquement la rendrait possibles la déclaration de solutions de refroidissement et leur installation,
  • Exempter les surélévations et extensions de la RE 2020 pour encourager la sobriété foncière, tant qu’elles demeurent inférieures à 30 % de la surface initiale du bâtiment.

 

 

Les treize autres recommandations portent sur une refonte de l’outil de calcul, l’inscription de clauses de revoyure pour les étapes 2025 et 2028, ne pas soumettre les IGH au-delà du seuil 2025 de la RE, favoriser les logements neufs dans un calcul de DPE, etc.

Pour l'instant, on ne sait pas quelles suites seront données à ce rapport.



Source : batirama.com / Pascal Poggi / © Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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