L’après-Solidéo et la planification biosourcée

La maîtrise d'ouvrage sur les rangs pour structurer l'offre biosourcée

La structure créée pour piloter la construction des ouvrages olympiques a acquis un savoir-faire environnemental utile pour affronter la mutation climatique du bâtiment.




Quand on a candidaté pour les Jeux de 2012, il était question d’aménager le village des Athlètes à Batignolles et l’instance finalement créée pour ce grand espace est devenue Paris Métropole Aménagement, sans doute l’aménageur le plus en pointe en France en matière de conversion écologique, si l’on se réfère aux exigences imposées Porte des Lilas pour les lots de la rue Paul-Meurice.

 

 

 

Que va devenir la Solidéo ?

La Solidéo, dirigée par Nicolas Ferrand précédemment patron de l’aménageur public EpaMarne, n’aura pas de pérennité. Elle se fond techniquement dans Grand Paris Aménagement sans garantie de reprise du personnel. Ce qui signifie que le savoir-faire écologique de la Solidéo se dissout ou au mieux se concentrera sur le Grand Paris. Reste les employés de la Solidéo qui ont développé un savoir-faire unique.

 

Atelier A3, Forum Bois Construction 13, 4 avril 2024 : Serge Le Nevé (FCBA), Stéphane Hameury (CSTB), Eric Dibling (Ingeneco), Christian Garcia, Groupe SMA-BTP, Philippe Estingoy, AQC. Table ronde " Sécuriser l’offre bas carbone pour la pérenniser" : l'assurabilité contrôlée par les organismes de référence conditionne l'offre industrielle. © Michel Laurent

 

 

 

Premièrement, ils ont élaboré un programme pour un périmètre énorme dépassant tout ce qui s’est fait jusqu’à présent. Ils l’ont élaboré avec l’objectif de réduire les émissions de carbone de moitié par rapport aux Jeux de Londres. Ils ont dû déchanter face au plan directeur minéral de Dominique Perrault pour le village des Athlètes, mais se sont battus pied à pied face aux groupements de promoteurs qui ont acquis les cinq lots de ce village. Ils ont élargi le cahier des charges à de multiples fonctions sociales et environnementales, suscité l’innovation ou au moins, et ce fut une première, la mutualisation de démarches d’appréciation technique expérimentale. Dans le cas du bois, ce furent les revêtements de façade en terre cuite sur FOB bois, et les douches sans ressaut sur plancher bois.

Le Club des industriels créé par l’association AdivBois en 2019 a bien servi pour finaliser ces Atex, mais la Solidéo a joué un rôle moteur pour mobiliser les promoteurs et sortir de l’impasse réglementaire qui leur aurait permis, dans le cas contraire, de réduire encore plus la part du bois dans le village.

 

 

 

La Solidéo, meilleur outil de la planification écologique

L’État n’a pas choisi Nicolas Ferrand par hasard, puisque ce dernier avait, à la tête d’EpaMarne, instauré un quota de constructions bois opérant depuis dix ans maintenant. La Solidéo pousse alors les principes environnementaux à un tout autre niveau. Les outils de calcul du bilan carbone ont été développés, des options, comme l’acheminement fluvial, testées, et l’ensemble des installations représente un laboratoire réel dont on va pouvoir bénéficier pour changer la construction à l’avenir.

 

Selon Serge Le Nevé, on pourrait enfin aboutir à une convergence entre les exigences MOB/FOB et menuiserie extérieure avec pré-cadre pour les façades. © Michel Laurent

 

 

 

Malheureusement, la chance des JOP n’a pas été saisie, alors que la planification écologique gouvernementale semble se concentrer sur le remplacement des équipements de chauffage pour cadrer avec les objectifs européens de Fit for 55. Et pourtant, dès 2028, sauf remise en cause par une Europe virant au nationalisme, toutes les constructions neuves européennes devront présenter un bilan carbone.

Sur la route de la neutralité carbone en 2050, il aurait été utile de disposer de l’accompagnement d’une structure qualifiée permettant d’adapter des quartiers entiers de villes françaises aux changements climatiques sans y contribuer, comme c’est le cas aujourd’hui, par des émissions de GES supplémentaires et massives.

 

 

 

Structurer l’offre par la maîtrise d’ouvrage

Grand Paris Aménagement n’est pas à proprement parler un aménageur ouvert à la construction biosourcée. Selon cette instance, la surface bois de toutes ses constructions représente 1,8 %. On est bien loin de l’objectif de 33 % fixé par Nicolas Ferrand pour EpaMarne, il y a dix ans.

 

Eric Dibling en clôture avec Emmanuel Viglino, ARCORA et Léonard Hamburger, AREP. Hamburger évoque un phénomène de rejet de la réglementation RE2025 sur le mode des agriculteurs, les ignorants l'emportant sur les prévoyants. © Michel Laurent

 

 

Au 13e Forum Bois Construction d’Epinal/Nancy en avril 2024, l’atelier A3 était consacré au thème suivant : "Répondre à la demande de la maîtrise d’ouvrage, du démonstrateur au changement d’échelle". Modéré par Eric Dibling d’Ingeneco, qui pilote le Club des Industriels avec l’appui du CODIFAB, l’atelier évoque le chemin de l’association AdivBois. Cette dernière a tenté il y a dix ans de susciter des démonstrateurs d’ouvrage en bois de belle hauteur, avec beaucoup de déboires. Finalement, AdivBois s’est trouvé une nouvelle fonction en relayant les attentes de Solidéo, à la fois sur le plan de la sécurité incendie et sur celui du développement de solutions techniques assurables et inhabituelles, par le biais de son Club des Industriels fraîchement créé.

 

 

 

Glissement vers les ATEX de cas A

Pour autant, l’idée selon laquelle une maîtrise d’ouvrage de quelque ordre que ce fut structure l’offre, ne se retrouve que par le travail que quelques promoteurs dont Woodeum, qui a mené depuis des années une politique d’Atex de cas B lui permettant de disposer seul d’un panel de solutions constructives pour construire en bois au-delà des règles de l’art et des avis techniques. À présent, le CSTB a permis le prolongement de ces Atex, ce qui en fait une sorte d’avis technique de promoteur.

En d’autres termes, dans ce cas précis qui a tendance à structurer le marché de la construction bois, l’assurabilité des solutions est moins régie par des avis techniques payés par des industriels, que par des Atex financées en principe par Woodeum. Pour autant, l’atelier A3 du Forum a révélé un glissement des Atex de cas B vers les Atex de cas A. Ainsi, Nexity offre au marché une Atex de cas A pour certaines façades FOB, un peu dans la foulée des Atex de cas B développée pour le village des Athlètes.

 

 

 

L’ère de la planification biosourcée

Alors que la métropole de Strasbourg était pionnière en matière de développement de la construction bois, c’est aujourd’hui la métropole de Nantes qui attire les regards. Sa volonté de réduire les émissions de carbone s’est couplé, via FiBois Pays de la Loire, toujours un peu en avance, avec la concertation des acteurs locaux. Cela a débouché sur des initiatives poussées pour associer au bois des isolants biosourcés et notamment la paille et le chanvre. Cette approche n’est pas isolée et se retrouve dans des initiatives à Rennes, Grenoble et ailleurs. Elle est l’écho lointain des démarches entreprises par la métropole de Strasbourg pour s’associer aux Vosges du Nord afin de préciser les enjeux constructifs.

 

 

 

La chance de la Solidéo a été gâchée comme celle de l’association AdivBois, mais les conséquences sont palpables avec un glissement des Atex de cas B vers le cas A du côté des promoteurs, une stimulation des Atex par le CSTB, des opérations structurantes des métropoles afin de construire en biosourcé local. Malgré les tentatives actuelles pour étouffer la RE2025, on est de fait entré dans une phase de la planification biosourcée.

 

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Source : batirama.com / Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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