Chaque année depuis 1998, l’IEA (International Energy Agency) publie son World Energy Outlook (WEO). Les 519 pages de la version WEO-2025 contienent trois scénarios, qui ne sont pas des prévisions, mais un effort d’analyse et de prescription. Dans les trois scénarios WEO-2025, la demande d’énergie augmente en raison du chauffage, de la climatisation, des usages domestiques de l’électricité et du développement des Data Centers pour satisfaire les besoins de l’IA. L’IEA estime que 580 milliards de dollars seront investis dans la construction ou l’agrandissement de Data Centers. Dans les trois scénarios, les besoins d’électricité croissent nettement plus vite que les besoins d’énergie globale.
Depuis déjà 23 ans, les énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque et l’éolien, se développent plus vite d’année en année toutes les autres sources d’énergie, même le pétrole et le gaz. Les prix du gaz et du pétrole devraient rester calmes. Malgré les tensions géopolitiques actuelles, le pétrole reste autour de 60 à 65 dollars le baril. Pour le Gaz Naturel Liquéfié (GNL), 300 milliards de m3 de capacité annuelle d’exportation devrait apparaître d’ici 2030, remplaçant largement les exportations de gaz russe et pesant sur les prix.

La Chine domine complètement les technologies ENR – PV, éolien – à la fois en termes de capacité de production et de production annuelle. © PP
Le WOE-2025 présente trois principaux scénarios d’évolution des énergies dans le monde d’ici 2025 :
– le Current Policies Scenario (CPS) analyse les diverses mesures et réglementation déjà mises en œuvre dans le monde et ajoute un prudent rythme d’évolution de ces dispositions : c’est le scénario de base ;
– Le Stated Policies Scenario (STEPS) suppose la mise en œuvre de tous les engagements auxquels ont souscrits les divers États à travers le monde ;
– Le scénario Net zéro émissions d’ici 2050 décrit un parcours pour atteindre une émission de GES Gaz à Effet de Serre nette nulle d’ici 2050.
L’IEA insiste sur le fait qu’en plus des traditionnels déséquilibres entre producteurs et consommateurs de pétrole et de gaz dans le monde, de nouveaux risques sont apparus : la Chine contrôle en effet la très grande majorité de la production et du raffinage des métaux rares – Gallium, graphite, manganèse, cobalt, lithium, silicium, tellurium, antimoine, germanium, indium et autres terres rares – ce qui pose de nouveaux types de risque dans le développement des batteries pour véhicules électriques, de l’industrie automobile, des automates et des Data Centers. Développer des circuits alternatifs pour la mise à disposition de ces matériaux prendra des dizaines d’années et requiert un effort politique prolongé. De plus, souligne l’IEA, la dégradation du climat multiplie les risques – inondations, incendie, montée des eaux, sécheresses, … – qui mettent en danger la production et la distribution d’énergie. Souvenons-nous des centrales nucléaires forcées de fonctionner à bas régime parce que le débit des rivières ne permettait plus de les refroidir sans mettre en dangers les écosystèmes de ces cours d’eau.


Une bonne partie de la croissance de la demande d’électricité en Chine, en Europe et aux Etats-Unis viendra de la construction de Data Center qui consomment à la fois pour faire fonctionner leurs serveurs et pour les refroidir. © PP / Telecity
Dans deux scénarios – CPS et STEPS – la demande d’électricité croît de 40 % d’ici 2035 et de 50 % dans le scénario Net Zéro. Pour l’instant, à l’échelle mondiale, l’électricité ne représente que 21 % de la consommation d’énergie finale globale. La demande croît au fur et à mesure que de nouvelles populations dans le monde – environ 720 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité aujourd’hui – sont raccordées aux réseaux de distribution d’électricité, mais aussi en raison de la croissance de la demande de climatisation (330 GW de puissance en 2035 dans le scénario STEPS), de chauffage électrique, d’électrification des usages domestiques, notamment la cuisson, mais aussi en raison de l’augmentation de la demande d’électricité dans l’industrie et de la rapide croissance des Datas Centers.
Un triplement de la consommation d’électricité des Datas Centers d’ici 2035 – une hypothèse conservatrice, selon l’IEA – ne représenterait pas tout à fait 10 % de la croissance de la demande, mais sera concentrée en Chine, aux États-Unis et en Europe pour les dix ans à venir. Ce qui met en danger les réseaux de distribution d’électricité qui ne reçoivent pas du tout des investissements comparables à ceux que l’on voit dans la production. Les investissements dans la production d’électricité ont atteint 1 000 milliards de dollars en 2024, soit 70 % de plus qu’en 2015.


Le rythme du développement de l’électricité dans les transports pèsera beaucoup à la fois sur la croissance de la demande d’électricité et sur la baisse de la demande de pétrole. © PP
Pour produire l’électricité dans les délais relativement courts imposés par le rapide développement de la demande, seuls les énergies renouvelables peuvent répondre. Il faut 18 mois à deux ans pour développer une ferme photovoltaïque, trois à cinq ans pour un champ d’éoliennes terrestres, dix ans pour un champ d’éoliennes en mer, seize ans pour l’EPR de Flamanville achevé fin 2024, mais pas encore en fonctionnement à puissance nominale.
Aujourd’hui, le photovoltaïque installe 540 GW de nouvelle capacité dans le monde chaque année. Les scénarios de l’IEA ne prévoient d’augmentation de ce rythme – en raison des vents contraires anti-EnR aux États-Unis, des freins mis en Europe, du contrôle de la production des modules PV par la Chine, etc. –, mais imaginent une stabilité. Le PV est notamment l’énergie la moins chère depuis plusieurs années.
Le nucléaire revient avec plus de 70 GW de capacité en construction en 2024, soit le niveau le plus important de puis trente ans. Mais le rythme de construction des réacteurs nucléaires ne correspond pas au rythme d’accroissement de la demande d’électricité à travers le monde. Seules les EnR peuvent combler le trou. Mais elles doivent s’accompagner du développement de stockage d’électricité sous les formes possibles – batteries, remplir les barrages pendant les heures creuses et durant les périodes de prix négatif sur les marchés de gros, etc. – pour faire face à leur intermittence. Ce qui nous ramène à la domination chinoise sur la fabrication des batteries et des matériaux nécessaires à la fabrication des batteries.
Bref, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Le temps de l’énergie est un temps long.
À court terme, seuls le PV et l’éolien sont capables de répondre à la croissance de la demande d’électricité. La part du nucléaire sera importante, mais il faut au moins dix ans pour construire une centrale. © PP