Le Sland, une innovation calédonienne née des résidus de l’industrie du nickel

Le sland, une innovation calédonienne née des résidus de l’industrie du nickel. © Doniambo Scories

Longtemps considérée comme un déchet industriel, la scorie issue du nickel devient aujourd’hui un sable calibré, intégré dans le béton sous le nom de "sland".

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À l’entrée de la ville de Nouméa, capitale de la Nouvelle-Calédonie, trône une "dame de fer" : une usine métallurgique couleur rouille, plus que centenaire, produisant du nickel. À ses pieds s’étalent 25 millions de tonnes de scories, un résidu industriel. "Un produit !", insiste Yves Veran, chef de projet valorisation de la scorie à la Société Le Nickel (SLN). Une ressource, même. Si, historiquement, les Calédoniens ont toujours utilisé ce matériau peu cher et disponible en très grande quantité pour de nombreux ouvrages, la scorie n’avait jamais été reconnue officiellement et labellisée comme matériau de construction. C’est chose faite depuis avril 2025.

 

L’usine SLN avec son stock historique de scorie qui empiète sur la baie. © Doniambo Scories

 

L’usine métallurgique de la Société Le Nickel. © Aurélia Dumté

L’usine métallurgique Société Le Nickel (SLN) existe depuis 120 ans. Le gisement de scorie actuel est de 25 millions de tonnes, stocké à l’entrée de Nouméa, capitale de la Nouvelle-Calédonie. © Aurélia Dumté

 

 

 

Dans le béton

La SLN produit désormais du sland : un matériau calibré aux grains de maximum 4 mm, aujourd’hui reconnu par le Référentiel de construction de Nouvelle-Calédonie (RCNC). "4 mm, ce format correspond à la norme du sable utilisé dans le béton. Nous ne remplaçons pas tout le sable, mais nous sommes à 40 % de sland", détaille Yves Veran. "4 mm également par rapport à une autre source de valorisation, qui est la partie abrasive, dans le sablage industriel. Cette partie-là est un marché ouvert à l’export, un marché pérenne aux États-Unis, avec deux bateaux (40 000 tonnes/bateau) envoyés cette année, via notre partenaire VPI – Valorisation Produits Industriels".

 

Yves Veran est chef de projet valorisation de la scorie à la Société Le Nickel et directeur de Doniambo Scories, entité en charge de vendre la scorie et le sland. Il se tient devant des stocks de scorie. © Aurélia Dumbé

 

 

 

Limiter l’usage du sable

La ressource scorie existe donc depuis près de 120 ans. En l’état, elle est principalement exploitée dans des travaux de VRD et de remblai. "20 % de la ville de Nouméa a été construite sur du remblai de scorie !", souligne Yves Veran. Mais l’usage restait encore limité. Avec ce criblage à moins de 4 mm, le sland peut désormais être exploité dans le béton, en remplacement d’une partie du sable. Le tout dans un cadre normatif assurant une garantie décennale aux clients.

Fiche technique du sland. © Doniambo scories

 

Ce cadre normatif permet également d’envisager une exportation vers les pays voisins – Australie, Nouvelle-Zélande, autres îles du Pacifique – mais également vers l’Europe. "Car la problématique du sable existe aujourd’hui chez tous nos voisins, à la fois sur la qualité et sur la quantité", souligne le chef de projet valorisation de la scorie à la SLN. Si avant tout, la SLN voit un intérêt économique à valoriser ce "produit", se pose également la question d’une économie circulaire : remplacer un produit naturel, parfois en tension, par un sous-produit présent en grande quantité. Et une question humaine : "La SLN a un devoir sociétal vis-à-vis de ses parties prenantes – les populations qui nous entourent notamment – de faire quelque chose avec sa scorie. Nous n’allons pas continuer à l’accumuler sur notre verse". Ainsi, entre la scorie brute et le sland, les usages sont aujourd’hui multiples :

– remblai ;

– Sous-couche routière ;

– Enrobage des voiries et réseaux divers ;

– Fabrication de matériaux ;

– Sablage industriel ;

– Et composition du ciment.

 

 

 

50 % de ventes en moins

L’obtention du cadre normatif, à renouveler tous les cinq ans, tombe en pleine crise économique en Nouvelle-Calédonie. En effet, après les violentes émeutes de mai 2024, qui ont détruit un grand nombre d’entreprises et fortement ralenti le marché du BTP, Doniambo Scories – "qui est la structure de vente sur le marché calédonien— a vu ses ventes s’effondrer de 50 %. Heureusement, quelques "gros projets structurants, comme la liaison Koutio-Ducos, sont maintenus" précise Yves Veran, également directeur de Doniambo Scories. En effet, un projet de voie rapide reliant le centre hospitalier territorial, à Koutio, à la zone industrielle la plus importante, Ducos, à Nouméa, et traversant la baie de Koutio-Kouéta, va nécessiter plus de deux millions de tonnes de scorie pour le remblai. Les travaux ont débuté fin septembre.

 

Avant même d’obtenir l’accord pour exploiter le sland dans le BTP, des exports de sland vers les États-Unis ont lieu depuis quatre ans, à raison d’un bateau (40 000 tonnes de scories) par an, pour être utilisé dans le sablage industriel. En 2025, deux bateaux ont été exporté. © Doniambo Scories

 

 

D’autres innovations en réflexion

La scorie est donc un déchet de l’industrie métallurgique, et existe dans de nombreux pays dans le monde. De fait, les industriels cherchent à valoriser ce sous-produit qui existe en grande quantité. À la SLN, 1,4 million de tonnes sont produites chaque année. Depuis près de 40 ans, l’industrie métallurgique calédonienne cherche à la valoriser. Doniambo Scories a été créée en 2017 pour vendre le produit, mais porte aujourd’hui l’innovation pour ce matériau.

 

L’usine métallurgique SLN produit près d’1,4 millions de tonnes de scories par an. © Doniambo Scories

 

Si la mise en place du sland est déjà une avancée, d’autres pistes de réflexion existent, comme "utiliser la scorie comme amendement pour les cultures – cela se fait au Japon", commence Yves Veran, ou "extraire un jour le magnésium de la scorie. C’est faisable d’un point de vue technique et cela permettrait de se décorréler d’une production majoritairement concentrée aujourd’hui dans un pays comme la Chine. Nous travaillons actuellement avec des sociétés australiennes sur ce processus. Les étapes ultérieures, ce serait de créer une usine dédiée à l’utilisation ou à l’extraction de magnésium de la scorie, d’ici trois ou quatre ans".

En attendant une potentielle usine de magnésium, Yves Veran souhaiterait que les pouvoirs publics calédoniens incitent les appels d’offres publics à demander l’utilisation du sland dans les chantiers, pour relancer l’économie et montrer l’exemple.




Source : batirama.com / Aurélia Dumté / © Doniambo Scories

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