TerraFibra ou l’art de l’éco-construction exposé dans un écrin architectural

La mairie de Hienghène. © Athanor architectures

Trois expositions, dont une consacrée aux projets calédoniens, valorisent l’éco-construction à travers des matériaux locaux comme le pisé, le bois ou la paille.




L’exposition itinérante TerraFibra Architectures, du Pavillon de l’Arsenal, a posé ses valises en Nouvelle-Calédonie avec une version allégée, surtout adaptée aux besoins de l’île. Elle s’accompagne d’une déclinaison locale : architectures calédoniennes durables, qui promeut les bâtiments éco-construits, et d’une exposition portée par des étudiants sur les matériaux bio- et géosourcés locaux.

 

L’exposition itinérante TerraFibra Architectures. © Aurélia Dumté

 

 

 

L'aventure TerraFibra

L’aventure TerraFibra désigne les trois expositions inaugurées mardi 29 juillet au Centre culturel Tjibaou, joyau architectural pensé par Renzo Piano et implanté dans la baie de Magenta, à Nouméa. Un écrin de choix pour accueillir ces trois volets : "Architectures contemporaines en terre et en fibres", "Architectures calédoniennes durables", et les travaux d’étudiants en BTS Étude et réalisation d’agencement sur les matériaux locaux géo- et biosourcés. Cette installation est portée, entre autres, par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui travaille depuis près de dix ans à valoriser les matériaux locaux durables et à réfléchir à une architecture océanienne adaptée au climat tropical et aux besoins réels des populations. "Cette exposition permet de valoriser un savoir qui est pour certains ancestral, et qui a été un peu oublié du fait de notre évolution et de notre histoire", souligne Petelo Sao, membre du gouvernement en charge de la construction et du développement de l’innovation technologique. "C’est donc essayer de nous rappeler nos racines profondes, celles qui nous lient et nous permettent de tisser des liens."

 

Petelo Sao, membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en charge de la construction, lors de la conférence de presse du mardi 29 juillet qui inaugurait les trois expositions de l’Aventure Terra Fibra, au Centre culturel Tjibaou. © Aurélia Dumté

 

 

 

Techniques d’ailleurs adaptées à ici

Architectures contemporaines en terre et en fibres est une sélection de 24 projets architecturaux primés lors des concours Terra Awards, Fibra Awards, Terra Fibra Award et Materia Awards. Cette sélection a été réalisée en collaboration avec Dominique Gauzin-Müller, architecte-chercheuse et commissaire de l’exposition, et Steven Meriadec, architecte et responsable de la cellule habitat et urbanisme de la Nouvelle-Calédonie. "Nous avons choisi des bâtiments selon deux critères : des projets situés dans la zone Pacifique ou utilisant des matériaux que l’on peut employer ici, en Nouvelle-Calédonie", précise Steven Meriadec. Pisé, paille, bambou, adobe… en Australie, en Afrique, en Indonésie… : ces 24 projets illustrent des techniques de construction simples, efficaces, adaptées à leur environnement.

 

Steven Meriadec est le commissaire de l’exposition Architectures calédoniennes durables, et le lien en Nouvelle-Calédonie pour la mise en place et le choix des bâtiments exposés dans Architectures contemporaines en terre et en fibres. © Aurélia Dumté

 

 

L’exposition se clôt sur le collège de Païamboué, à Koné, village de la côte Ouest, construit en majeure partie en béton de terre, et qui a été récompensé en 2016 par le prix Materia Awards. Chaque projet est accompagné d’informations techniques sur les matériaux et la construction. "C’est une exposition grand public dans laquelle la technicité des projets est expliquée, et l’aspect artistique de l’architecture est valorisé", ajoute Steven Meriadec.

 

À droite, le collège de Païamboué, réalisé en partie en pisé, et lauréat du Materia Award. © Aurélia Dumté

 

 

 

Des matériaux à légaliser

Une manière d’encourager l’usage de matériaux locaux, naturels, écologiques, souvent très économiques. Mais ces matériaux bio- et géosourcés ne répondent encore que rarement aux normes de construction en vigueur. Le gouvernement travaille donc, via son Référentiel de la construction de la Nouvelle-Calédonie (RCNC), à les référencer. "Il nous faut disposer de cadres législatifs pour utiliser ces matériaux et faire en sorte qu’ils soient reconnus. C’est toute la politique menée à travers le RCNC", explique Petelo Sao. "L’objectif est de légaliser leur usage, notamment pour assurer les garanties décennales. Ce travail est long, je le reconnais, mais nécessaire afin de protéger le consommateur."

En face de la salle Kavitara, qui accueille Architectures contemporaines en terre et en fibres, les visiteurs découvrent le travail des étudiants en BTS Étude et réalisation d’agencement. Pisé, fibre de coco, ouate de cellulose… des produits locaux existants, intégrables dans les constructions modernes, bien que certains ne répondent pas encore aux critères légaux. Le pisé, par exemple, est utilisé comme mur non porteur, en attendant son homologation.

 

Les étudiants en BTS Etude et réalisation d’agencement ont travaillé sur les matériaux de construction écologiques disponibles en Nouvelle-Calédonie, avec des échantillons installés dans le Centre culturel Tjibaou. © Aurélia Dumté

 

 

Des travaux sont menés, tant par des institutions que par des structures privées (entreprises, associations), pour développer de nouvelles filières, comme le bambou ou le chanvre de construction — deux plantes qui poussent facilement et rapidement sous les tropiques. Ainsi :

pisé ;

– Ouate de cellulose ;

– Sland (scorie issue de l’industrie du nickel, réutilisée dans le béton) ;

– Bambou ;

– Chanvre ;

– Bourre de coco ;

– Paille ;

– Feuilles de pandanus ;

– Bois.

 

… sont autant de matériaux bio- et/ou géosourcés déjà disponibles en Nouvelle-Calédonie, dont l’usage dans la construction est connu. Si certains sont déjà utilisés et référencés, comme le sland ou le bois local, d’autres, comme la paille ou les feuilles de pandanus, sont surtout utilisés de façon traditionnelle dans les cases kanak ou les farés océaniens.

 

TerraFibra, Nouvelle-Calédonie, chanvre. © Aurélia Dumté

 

 

TerraFibra, Nouvelle-Calédonie, fibre de coco. © Aurélia Dumté

 

 

 

Frugalité calédonienne

Le troisième volet de l’exposition met en lumière dix projets architecturaux calédoniens répondant à l’esprit TerraFibra. Architectures calédoniennes durables valorise des bâtiments dont les matériaux, mais aussi l’implantation géographique, culturelle et symbolique, répondent à l’idéal de la frugalité heureuse et créative. Un mouvement auquel Steven Meriadec, commissaire de l’exposition, se dit très attaché, et dont Dominique Gauzin-Müller, commissaire de l’exposition itinérante, est l’une des fondatrices.

La mairie de Hienghène, réalisée par Gilles Stangalino en 2012, en est un exemple marquant. Outre l’usage de pin local, son implantation mime celle d’un village kanak : la salle du conseil municipal représente la grande case, le pin colonnaire planté par Jean-Marie Tjibaou (homme politique, enfant du pays, assassiné en 1989) est intégré à la composition, les deux étant reliés par une allée centrale bordée de bureaux figurant symboliquement les cases familiales.

 

La mairie de Hienghène est un des dix projets architecturaux calédoniens exposés au sein de Architectures calédoniennes durables. © Agence Athanor

 

 

Autre projet, plus récent (2024) : le bâtiment d’accueil du parc provincial des Grandes Fougères, à Farino, conçu par l’architecte Vanessa De Intinis, également présidente des comités de décarbonation et d’économie circulaire au sein du gouvernement. Le bâtiment est sobre, sur pilotis, réalisé en bois local, et une grande partie de ses matériaux provient d’un chantier de rénovation et sont donc réutilisés.

 

Le bâtiment d’accueil du parc provincial des Grandes Fougères, à Farino. © Sud Tourisme Nouvelle-Calédonie

 

 

 

Une réalité à ancrer

"De nombreux projets calédoniens répondent aux critères de l’éco-construction, et ils sont d’excellente qualité", affirme Steven Meriadec. L’idée de cette exposition est donc de "s’inscrire dans un mouvement international de frugalité et d’éco-construction. Les crises (Covid, émeutes de mai 2024) nous rappellent que nous vivons sur une île aux ressources limitées. Il faut être capables de valoriser ce que nous avons", souligne Petelo Sao."De tout temps, l’homme a su tirer parti des matériaux à disposition. La mondialisation nous a fait croire que le marbre pouvait venir de partout. Mais la réalité, c’est qu’il faut apprendre à utiliser ce que nous avons localement. Ce n’est pas une mode. C’est une nécessité, une réalité à laquelle il faut s’ancrer si nous voulons construire durablement."

 

L’Aventure TerraFibra - au Centre culturel Tjibaou, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, jusqu’au 19 octobre 2025.




Source : batirama.com / Aurélia Dumté / © Agence Athanor

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Après un doctorat en Littérature française, puis un passage de quelques années dans l'enseignement (du français, notamment aux Compagnons du Devoir et du Tour de France), Laure Pophillat s'est tournée vers la rédaction web, ainsi que le journalisme. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent !

Aujourd'hui rédactrice en chef du bimédia Batirama, elle oriente la ligne éditoriale vers un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière bâtiment et construction, avec une prédilection pour les portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
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