Canicule : comment l’architecture peut-elle nous protéger ?

L'architecture au service de la protection contre les canicules. © Corinne Vezzoni & associés / Patrice Terraz

L’architecte Corinne Vezzoni propose trois principes simples pour bâtir des lieux adaptés aux fortes chaleurs : faire avec l’inertie, faire circuler l’air et faire avec le végétal.




C'est désormais une réalité : nos villes souffrent de plus en plus du réchauffement climatique et deviennent vulnérables. Pourtant, des solutions sobres mais efficaces existent, ce que défend l’architecte Corinne Vezzoni, dont les réalisations démontrent qu’il est possible de bâtir des lieux adaptés aux fortes chaleurs, et ce sans artifices énergivores et tout en sintégrant harmonieusement à l'existant.

À travers trois grands principes, que sont faire avec l’inertie, faire circuler l’air, faire avec le végétal, Corinne Vezzoni propose une architecture résiliente, prête à faire face aux enjeux climatiques d’aujourd’hui et de demain.

 

 

 

L'agence Corinne Vezzoni : construire avec le vivant plutôt que contre lui

Implantée à Marseille et Paris, lauréate de nombreuses distinctions, dont la médaille d’or de l’Académie d’architecture et le prix de la Femme architecte, l’agence Corinne Vezzoni, se distingue par une approche contextuelle et diversifiée de l’architecture ; elle est dirigée par Corinne Vezzoni, Pascal Laporte et Maxime Claude et compte une vingtaine de collaborateurs.

 

L'équipe Corinne Vezzoni & associés. © Edwige Lamy

 

 

Depuis plus de vingt ans, l'agence intervient dans des projets publics et privés, mêlant architecture, urbanisme et design urbain, et privilégiant des créations singulières adaptées à chaque projet, aux sites et aux matériaux, avec un credo : valoriser l’existant plutôt que de s’y imposer.

Parmi les réalisations emblématiques de l'agence Corinne Vezzoni figurent :

– le bâtiment Thémis, à Paris ;

– Le centre de conservation et de ressources du MuCEM, à Marseille ;

– Le lycée Simone Veil, à Marseille ;

– Le campus The Camp, à Aix-en-Provence ;

– Et le quartier Chalucet, à Toulon. 

 

Le centre de conservation et de ressources du MuCEM, à Marseille. © David Huguenin

 

 

 

Faire avec l’inertie

En Méditerranée, le relief peut parfois être un allié. En s’insérant partiellement dans la pente, les bâtiments exploitent la masse thermique de la terre : de la fraîcheur en été, une chaleur restituée en hiver ; les deux avec très peu d’énergie consommée. L’inertie devient un outil climatique discret mais puissant, stabilisant les températures intérieures et réduisant les besoins en climatisation et chauffage.

Pour rappel, l'inertie thermique d'un bâtiment est sa capacité à stocker, à conserver puis à restituer la chaleur de manière diffuse. De fait, plus cette inertie est élevée, plus le bâtiment mettra du temps à se refroidir en hiver et se réchauffer en été. Un bâtiment doté d'une masse thermique importante est donc capable de décaler dans le temps et donc d'aplanir les fluctuations du flux de chaleur.

 

 

 

 

 

Restanques, murs épais, creusement dans la roche, etc. sont autant de stratégies mobilisées dans des réalisations telles que le lycée Simone Veil, à Marseille, ici en photo, un projet sélectionné pour représenter la France à la Biennale d’architecture de Venise 2025. © Lisa Ricciotti

 

 

Cette année, à la Biennale d’Architecture de Venise 2025, les curateurs Dominique Jakob, Brendan MacFarlane, Martin Duplantier et Éric Daniel-Lacombe ont choisi le thème "Vivre avec - Living with", choisi pour explorer les réponses concrètes que peut apporter l’architecture face aux aléas actuels : épisodes extrêmes, déplacements de population, pénuries d’eau, canicules urbaines, etc. Ils ont donc sélectionné le lycée Simone Veil, un bâtiment qui illustre avec force la thématique "Vivre avec les vulnérabilités", entre gestion de l’eau, préservation des sols et sobriété énergétique. Ce projet exemplaire est à découvrir au Pavillon français jusqu’au 23 novembre 2025, ainsi qu’à Marseille dans le 13e arrondissement.

 

 

 

Faire circuler l’air

Dans le Sud, c'est la question qu'un architecte peut légitimement se poser, comme Thomas Coldefy pour la future folie montpelliéraine (les architectes de Oasis se sont inspirés des trois pins parasols du quartier Ovalie, des arbres qui à leurs yeux évoquent une casquette tout autant qu'une canopée permettant de se protéger du soleil) : et si la meilleure protection était un parasol ?

Il en est de même pour Corinne Vezzoni, pour qui, lorsque le climat le permet, un "simple abri, léger, qui protège les volumes nécessaires (pièces à vivre, bureaux, espaces communs) des intempéries et du soleil et laisse l’air circuler" est idéal. Une architecture épurée, vivante, ouverte sur son environnement, sans couloirs, ni halls fermés, favorisant la ventilation naturelle, la lumière et le lien au paysage. Le projet Alula en Arabie Saoudite et le campus The Camp, à Aix en-Provence, illustrent cette approche : un ensemble de modules coiffés par un gigantesque parasol, pour une ventilation naturelle et un rapport direct avec la nature. 

 

 

 

 

Le matériau retenu pour cette ambitieuse réalisation architecturale est le Précontraint TX 30 Serge Ferrari, choisi pour sa longévité, sa légèreté, sa transmission lumineuse très homogène, qui donne la sensation d’être suspendu et s’intègre avec élégance au paysage de Provence. Près de 8 500 m2 ont servi à la réalisation de cette toiture souple. ACS Production, en charge de la conception et de l’installation a travaillé étroitement avec Serge Ferrari pendant près de huit mois pour mener les études de faisabilité garantissant la résistance de la structure aux conditions climatiques (vent, neige, pluie), tout en répondant aux objectifs de confort et d’esthétique. © Lisa Ricciotti

 

 

The Camp allie légèreté, efficacité énergétique et simplicité constructive : plus besoin de systèmes mécaniques complexes, car les espaces deviennent respirants. © Lisa Ricciotti

 

 

 

Faire avec le végétal et désimperméabiliser les sols

Le végétal n’est plus un simple décor. Qu’il soit enraciné en pleine terre, grimpant sur les façades ou installé en toiture, il constitue aujourd’hui l’un des meilleurs climatiseurs naturels : il ombrage, filtre et rafraîchit l’air par évapotranspiration, favorise la biodiversité et adoucit l’expérience urbaine, même sous un climat rude. L’enjeu est donc de :

– planter partout où cela est possible ;

– Préserver les sols perméables ;

– Éviter le tout-minéral ;

– Et surtout de construire autour du végétal existant.

 

Cette approche structure depuis toujours le travail de Corinne Vezzoni et de son équipe, comme témoignent en plusieurs réalisations représentatives de cette alliance avec le végétal. 

 

 

 

Dans les Hautes-Alpes, deux grands sapins ont dicté l’organisation de la Villa Embrun, saluée par le Grand Prix départemental de l’urbanisme, de l’aménagement et de la construction durable. © David Huguenin

 

 

À Toulon, le jardin Alexandre Ier, cœur végétal de l’écoquartier Chalucet, Victoire d’Or du Paysage 2022, reconstitue un véritable écrin de verdure en milieu urbain. Construire avec le vivant plutôt que contre lui : telle est la ligne directrice de l’agence, qui défend une architecture sobre, respectueuse et profondément enracinée dans son territoire.

 

 

La médiathèque de l’écoquartier Chalucet,à Toulon. © Lisa Ricciotti

 

 

 

La villa Santa Lucia, à flanc de roche en Corse, parfaitement intégrée à la topographie abrupte et au paysage, sans altérer la végétation ni l’équilibre naturel. © David Huguenin




Source : batirama.com / Laure Pophillat / © Corinne Vezzoni & associés / Patrice Terraz

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Après un doctorat en Littérature française, puis un passage de quelques années dans l'enseignement (du français, notamment aux Compagnons du Devoir et du Tour de France), Laure Pophillat s'est tournée vers la rédaction web, ainsi que le journalisme. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent !

Aujourd'hui rédactrice en chef du bimédia Batirama, elle oriente la ligne éditoriale vers un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière bâtiment et construction, avec une prédilection pour les portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
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