Les célèbres toits en zinc transforment Paris en four : quelles solutions ?

Les célèbres toits en zinc parisiens. © Florence Pernet

Si les toits en zinc font le charme de Paris, ils rendent les logements invivables pour les habitants des derniers étages. Alors, quelles solutions existent pour les adapter au réchauffement actuel ?




80 degrés. Telle est la température record que l’on relève dans les déserts de Lout en Iran ou du Sonora au Mexique, mais également… sur les toits en zinc de Paris. Ce matériau fétiche du baron Haussmann utilisé dans la seconde moitié du XIXe siècle recouvre les deux tiers des toits de Paris. Alors n’en déplaisent aux architectes de France, le paysage des toits de la capitale pensé il y a 150 ans doit s’adapter au réchauffement actuel…

Aujourd’hui, les logements sous ces toits deviennent invivables pour les Parisiens des mansardes. "On fait face à une question de santé publique", alerte Dan Lert, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition énergétique. "Lors des épisodes de canicules, on a bien vu que les personnes âgées vivants sous ces toits ont quatre fois plus de chances de décéder." Revoir la configuration des toits de Paris n’est pas simple mais des solutions existent tout de même. Et le chantier à venir pour les couvreurs de Paris est titanesque…

 

 

 

 

Une petite minorité de toits isolés de la chaleur à Paris

Parmi les solutions les plus courantes et les plus efficaces, on retrouve l’isolation par le sarking. Cette méthode consiste à déposer les plaques de zinc et surélever la toiture de 15 à 30 cm pour ajouter une isolation en laine de roche ou de verre. L’avantage du sarking est qu’il ne diminue pas l’espace habitable pour les habitants. Alors que la température sous les toits peut allègrement dépasser les 40 degrés, cette solution peut s’avérer très efficace car le gain de température est de l’ordre de 10 à 15 °C !

Schéma du sarking, méthode qui permet d’isoler un toit en le surélevant. © Bigmat.fr

 

 

À Paris, (presque) tout reste à faire pour réaliser l’isolation des toits contre la chaleur. "Paris manque énormément d’isolation sur ses toits", constate Samuel Cajet fondateur et gérant du cabinet d’architecture SCA à Paris. "C’est un très grand chantier", abonde Dan Lert, mais qui prend d’autant plus de temps que les copropriétés n’ont pas encore pris conscience de l’importance de l’enjeu. "Ce qui nous freine, ce sont les syndics qui ne s’occupent pas bien des immeubles", explique Gin Dujardin, gérant de la société couvreur Dujardin Paris et qui réalise ce type de travaux

 

 

 

 

Changer la couleur des toits

Une autre solution se focalise sur l’albédo, c’est-à-dire la capacité d’une surface à pouvoir réfléchir l’énergie lumineuse. Plus une matière est sombre et plus elle absorbe la chaleur. Manque de chance, les toits en zinc anthracite de Paris s’avèrent particulièrement sombres.

Plusieurs options permettent de blanchir ces toits, la première étant d’appliquer une peinture blanche par-dessus, mais il s’agit là d’une solution éphémère qui de surcroît peut provoquer une pollution aux microplastiques si la peinture s’écaille et s’éparpille via les gouttières. Pour parer ce problème, l’entreprise bretonne Cool Roof propose une peinture innovante à base de coquilles d’huîtres. Celle-ci s’applique pour les toits plats, y compris en zinc et pourrait donc s’appliquer sur le terrasson (la partie plate des toits parisiens qui surplombe le brisis, la partie pentue avec les fenêtres).

Par ailleurs, il existe également des zincs clairs obtenus grâce à un revêtement de surface. Ces matériaux sont proposés par exemple par les entreprises VMvinc ou Rheinzink qui vient tout juste de sortir un zinc clair (Prismo blanc brossé+). "La commercialisation commence à peine mais ce matériau plait beaucoup aux architectes", témoigne Florent Vassal, directeur marketing chez Rheinzink. "La durée de vie d’une toiture zinc est d’environ 80 ans. Il s’en change tous les jours à Paris et ils pourraient être dès lors remplacés par des zincs blancs."

 

Rheinzink a tout récemment sorti en 2025 un nouveau type de zinc clair, permettant de repousser l’absorption calorifique. © Rheinzink

 

 

Le gain de température n’est pas négligeable : entre 3 et 6 degrés en moins pour les habitants. "Ces types de zinc sont en général un peu plus chers car la feuille de zinc est thermolaquée", précise l’architecte Samuel Cajet. Si le zinc clair couvre si peu de toits à Paris, le problème ne vient pas du coût du matériau… "C’est une question d’autorisation urbaine, qui n’a rien à voir avec le produit en lui-même", poursuit Samuel Cajet. "Les architectes des bâtiments de France autorisent ou non et dès que l’on touche au patrimoine, ces questions deviennent très sensibles. C’est la raison pour laquelle ce matériau n’est pas encore développé même si nous on en tant qu’architectes et membre de l’ordre, nous en parlons souvent."

 

 

 


Végétaliser les toits de Paris, oui, c’est possible

Végétaliser des toits en zinc ? Une start-up l’a fait et commence à bien se faire connaître des médias : Roofscapes. Cette entreprise créée en 2020 a l’idée de disposer des jardinières sur les toits en zinc pour absorber la chaleur. Son premier projet réalisé sur l’Académie du climat à Paris présente des résultats probants : sur le zinc situé en-dessous de la plateforme en bois, la température atteint 35,7 °C, contre plus de 67 degrés pour la partie non protégée. Sous le zinc, le relevé de température affiche 29,7 degrés contre 47 °C sous la surface non protégée.

 

Sur les toits de l’Académie du Climat, Roofscapes a réussi à faire baisser la température de plus de quinze degrés sur le zinc protégé par des jardinières. © Lionel Leduc

 

 

Ces installations sont relativement simples à installer. "On ne pose jamais directement sur les toitures et les charpentes mais sur les murs porteurs pour la descente de charge en appliquant des poutres par-dessus", explique Tim Cousin, un des fondateurs de Roofscape. "Si on n’augmente pas la descente de charge de plus de 10 %, il n’y a pas d’études complémentaires à réaliser sur les fondations. En général, la difficulté n’est pas le poids mais de trouver les bonnes dispositions des murs porteurs pour poser la plate-forme. On trouve toujours des solutions."

 

Les installations de Roofscapes sont posées sur les toitures en zincs et reposent sur les murs porteurs. © Lionel Leduc

 

 

Roofscapes a terminé son premier projet réalisé sur les toits de l’Académie du Climat et planche sur d’autres projets dans sept arrondissements de Paris. L’équipe doit notamment attendre l’obtention de permis car le développement de leurs toits végétalisés dépend de l’avis des défenseurs du patrimoine : les Architectes du Bâtiment de France qui peuvent mettre leur veto sur un projet mais également la Commission du Vieux Paris, et en l’occurrence la direction de l’Histoire de l’Architecture et de l’Archéologie de Paris qui peut rendre des avis consultatifs. 

 

 

 

Revoir complètement la morphologie des toits parisiens

Les idées comme celles de Roofscape pourraient métamorphoser le paysage de Paris en donnant aux habitants accès à une terrasse sur les toits tout en réduisant drastiquement la chaleur. Car la proposition répond à un enjeu encore bien trop peu exploité de nos villes : l’accessibilité. À chaque configuration de toit, la start-up trouve une solution d’accès. "Il existe déjà pas mal d’édicules qui donnent déjà accès au toit", décrit Tim Cousin. "S’il y a une courette, on peut aménager un escalier. Il y a parfois deux niveaux de bâtiments ce qui permet de sortir directement à niveau sur le toit. Si l’appartement se situe juste sous le toit, on fait une trappe pour accéder à la terrasse par un escalier depuis l’intérieur de l’appartement."

 

Pouvons-nous rêver d’un Paris végétalisé ? Cette image fictive que Batirama a généré à partir d’une intelligence artificielle permet de se projeter dans un Paris paré aux canicules récurrentes. © Roman Epitropakis

 

 

Directeur de maîtrise d’ouvrage immobilier à la SNCF, Franck Lirzin est l’auteur du livre Paris face au changement climatique et plaide pour un Paris qui ne soit pas un océan de gris et de métal. "Cela ne fait que 150 ans que le zinc recouvre les toits de Paris, avant cela était utilisée la tuile rouge de Bourgogne", décrit l’auteur. "Paris peut encore changer pour des couleurs plus bigarrées, plus de verdure car au final, ce ne sont pas les personnes les plus riches qui vivent sous les toits et souffrent de la chaleur. La question est : est-ce qu’on privilégie le maintien d’un passé qui à un moment donné va être dépassé ou est-ce qu’on accepte de se dire que le Paris de 2050 sera différent de celui que l’on connaît ?"

 


Source : batirama.com / Roman Epitropakis / © Florence Pernet

L'auteur de cet article

photo auteur Roman Epitropakis
Roman Epitropakis est journaliste, spécialisé dans l'industrie et l'économie. Il couvre les thématiques de l'économie du BTP, les techniques de construction et la transition vers la construction durable et l’urbanisme durable.
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