Fondée en 2017 par Matthieu Guesné, Lhyfe est un groupe européen dédié à la transition énergétique, producteur et fournisseur d’hydrogène vert et renouvelable. Ses sites de production visent à donner accès à un hydrogène vert et renouvelable en quantités industrielles, et à entrer dans un modèle énergétique vertueux permettant la décarbonation de pans entiers de l’industrie et de la mobilité.
Lorsque nous avons rencontré Matthieu Guesné le 30 avril dernier, lors d’un point presse, les mots industrie et industriel revenaient souvent dans sa bouche. Lhyfe développe en effet ou outil industriel pour la fabrication d’hydrogène vert (en réalité de dihydrogène H2 Vert). Rappelons au passage que le dihydrogène est l’élément chimique le plus simple, le plus léger et le plus abondant de l’univers. Il est composé de deux atomes d’hydrogène et noté H2.
Matthieu Guesné a créé Lhyfe en 2017. Aujourd’hui, l’entreprise emploie plus de 200 personnes. © PP
Lhyfe fabrique du H2 à partir d’électrolyse de l’eau. Les électrolyseurs étant alimenté par de l’électricité d’origine renouvelable, d’où la production de H2 vert, sans émission de CO2.
Ensuite, Lhyfe livre ses clients de deux manières. Soit en vrac par des remorques contenant jusqu’à une tonne de H2, directement à ses clients. Soit, pour des demandes supérieures à 2 t H2/jour, Lhyfe produit sur le site du client ou bien sur un emplacement très proche et achemine l’hydrogène directement par pipeline.
Lhyfe a rodé sa solution industrielle avec la construction de sa première usine à Bouin en Vendée et son démarrage en 2021 au quatrième trimestre. Sur une surface de 11 000 m2, elle possède une capacité d’électrolyse de 1 MW en cours d’extension à 2,5 MW. L’usine a produit jusqu’à présent 300 kg/jour de H2 vert. Sa capacité de production est en cours d’extension à 1 t/jour. Sa capacité de stockage de H2 passera en même temps de 700 kg à 5 t. Les électrolyseurs de l’usine de Bouin sont directement connectés à une ferme éolienne exploitée par Vendée Énergie et l’approvisionnement en électricité est sécurisé par un PPA (Power Purchase Agreement) à long terme avec Vendée Énergie.
La partie production de l’usine de Bouin comporte les électrolyseurs, le traitement de l’eau avant électrolyse, la purification de l’hydrogène en sortie d’électrolyse, une salle électrique, les compresseurs pour 6 stations de remplissage de tubes d’hydrogène (HTTFS) embarqué dans les remorques et un système de refroidissement. À Bouin, tout cela est rassemblé dans un même bâtiment. © PP
Pour sa seconde usine, installée à Buléon dans le Morbihan près de Lorient fin 2023 avec 5 MW de capacité d’électrolyse et une production de 2 t de H2 par jour, Lhyfe a rationalisé le processus de construction du site.
Il se compose d’une dalle béton, d’un mur en béton pour séparer la partie production de la partie remorque et livraison, puis de conteneurs pré-équipés posés côté production :
– le transformateur électrique en conteneur,
– la production de froid à l’air libre avec un gros groupe de production d’eau glacée,
– un conteneur avec les onduleurs pour la conversion du courant alternatif en courant continu,
– deux modèles empilés avec en bas le conteneur d’électrolyse, en haut celui qui contient le traitement d’eau, puis enfin deux modules de compression chacun dans son conteneur.
Cette usine, y compris le foncier, a coûté un peu plus de 10 M€ selon Matthieu Guesné. Cette formule est conçue pour des productions de 2 t H2/jour, mais est facilement extensible à 4, 8 et 10 t/j. Pour fixer les idées, le plein moyen pour un taxi requiert 5 kg de H2.
La troisième usine à Bessière près de Toulouse (2 tH2/jour et 5 MW d’électrolyse) a utilisé la même formule industrielle est en fonction de puis le premier trimestre 2024.
Les usines suivantes à Croixrault dans la Somme et à Le Cheylas en Isère font appel à la même structure. Leur génie civil est achevé depuis mars 2025 et elles démarreront leur production en 2026.
Le 17 avril, Lhyfe a annoncé que le gouvernement français lui accordait une subvention de 149 M€ pour un projet à Gonfreville-L’Orcher, sur un site de 28 000 m2 qui verra une installation de 100 MW d’électrolyse pour une production de 34 tH2/jour. Green Horizon, comme se nomme ce projet, a été sélectionné par l’État français dans le cadre de l’AMI (appel à manifestation d’intérêt) Hydrogène mené en France en 2021, intégré à la 3ème vague de PIIEC (Projets Importants d’Intérêt Européen Commun) sur l’hydrogène en 2022 et validé par la Commission européenne en février 2024. Un premier versement de 18 M€ est prévu d’ici juin 2025. Une seconde tranche d’avance sera débloquée dans les mois suivants en fonction de l’atteinte de jalons précisés au contrat et les paiements ultérieurs prendront la forme de remboursements des dépenses acquittées et dument justifiées par la mise en œuvre réussie d’étapes annuelles prédéfinies, sur une durée de 4 ans et pour un montant total maximum de 149 M€. Le site devrait commencer à produire dès 2029 et l’hydrogène vert sera livré principalement par pipeline, avec une liaison directe vers le site industriel de Yara au Havre.
Lhyfe possède 70 de ces remorques, pouvant livrer jusqu’à 12 t de H2. © PP
Les marchés porteurs pour Lhyfe, selon Matthieu Guesné, sont la mobilité et l’industrie. L’entreprise qui a effectué 500 livraisons chez ses clients en 2024 ne voit pas d’autres marchés se développer. Le secours électrique est techniquement prêt avec des groupes électrogènes disponibles, mais demeure une toute petite niche. Les emplois dans le bâtiment avec des piles à combustible ont fait l’objet d’une trentaine d’expérimentations à travers l’Europe et c’est tout. De plus, ces piles à combustible faisaient appel à du H2 extrait sur site d’un raccordement au gaz naturel. Viessmann mentionne encore ses piles à combustible, mais n’en vend pas.
Lhyfe, désormais présent dans douze pays d’Europe, dispose d’une flotte de 70 remorques contenant des réservoirs d’hydrogène, la plus importante flotte d’Europe, d’une expérience indéniable dans l’industrialisation de la production de H2 vert, d’un portefeuille de projets. Du point de vue financier, la première usine a permis de démontrer la fiabilité du processus aux banques : une usine proche des consommateurs. Mais comme les banques ne connaissaient pas du tout cet univers, Lhyfe a financé sa première usine sur ses fonds propres. La seconde usine et les suivantes sont financées par un mix de fonds propres, subventions et dettes. Fin 2024, Lhyfe disposait de 72 M€ de cash pour ses projets.
Côté mobilité, une dizaine de constructeurs mondiaux, notamment chinois, japonais, mais aussi européens, parient sur la pile à combustible. Embarquée dans un véhicule, elle produit de l’électricité qui alimente son ou ses moteurs électriques. En France, Michelin, Stellantis et Forvia ont inauguré en décembre 2023, SymphonHy, leur usine de piles à combustible au sud de Lyon. Elle doit produire 50 000 piles à combustibles par an d’ici 2026. Sa production est destinée plutôt aux utilitaires, bus et camions. C’est la plus grosse usine de piles à combustible d’Europe. © PP
Le ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Transition Écologique a commencé cette année à suivre la production en France d’hydrogène pur à 98 % ou plus. Il faut dire qu’une évolution dans les règles européennes en 2022 demande que l’hydrogène pur soit pris en compte à partir de 2024. Du coup, le ministère s’est livré à une évaluation des usages et des ressources d’hydrogène en France en 2022 et en 2023. Voici le premier constat.
En 2023, la production totale d’hydrogène pur en France est estimée à 245 000 tonnes, soit 8,2 TWh. Elle a augmenté de 18 % par rapport à 2022. L’hydrogène est commercialisé par une dizaine d’entités en France. En 2023, la production vendue d’hydrogène pur s’élève à 64 000 tonnes, soit 2,1 TWh. © Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Transition Écologique
L’hydrogène peut aussi être produit par des entreprises pour leur usage propre et ne fait pas alors l’objet d’une vente, ou bien être produit de manière fatale dans des processus industriels, c’est-à-dire sans être réutilisé directement, ni à des fins énergétiques ni à des fins non énergétiques. Cela concerne 181 000 tonnes (6 TWh) en 2023. Selon les raffineurs, seules 73 000 tonnes d’hydrogène pur sont produites en 2023 par les sites de raffinage. Seules 29 000 tonnes (1 TWh) sont ensuite utilisées pures pour le processus de raffinage et la production de chaleur. Les industriels hors branche énergie, dans la chimie essentiellement, produisent également de l’hydrogène (pour 108 000 tonnes en 2023, soit 3,6 TWh) qu’ils utilisent pour leurs besoins propres (autoconsommation). Malgré le développement de projets de production d’hydrogène bas carbone, l’hydrogène pur produit en 2023 provient très majoritairement de procédés émetteurs en CO2. L’essentiel des quantités (70 %) est obtenu à partir du gaz naturel à travers le vaporeformage ou SMR pour steam methane reforming, et l’oxydation partielle sans capture de carbone. Le vaporeformage ou l’oxydation partielle à partir de méthane avec un procédé de capture et de stockage du carbone est utilisé pour 10 % de l’hydrogène produit. L’électrolyse est encore très peu utilisée (9 %) pour la production de quantités significatives. Au sein de l’électrolyse, le procédé chlore-soude, qui génère les plus grandes quantités, concerne un nombre très restreint de producteurs. La production d’hydrogène à partir de produits pétroliers et d’autres procédés (à partir de méthanol principalement) est faible (moins de 10 % des quantités produites).
Le stockage et le transport de l’hydrogène sont encore très peu développés en raison de l’absence d’infrastructures conséquentes (sites de stockages et réseaux de transport) et d’enjeux spécifiques pour ce vecteur (faible densité, risques d’explosion ou de fuites). Les sites de production sont implantés à proximité des sites de consommation. Les importations d’hydrogène sont par conséquent encore très limitées (1 200 tonnes en 2023) tout comme les exportations (1 400 tonnes en 2023) mais elles augmentent par rapport à l’année précédente. En 2022, les quantités échangées étaient en effet encore plus faibles : 1 100 tonnes ont été importées et 700 tonnes ont été exportées.
En termes d’impact environnemental, l’hydrogène est issu de de l’électrolyse de l’eau utilisant une électricité 100 % renouvelable (éolienne, photovoltaïque, hydraulique) : 1,61kgCO2e par kilo d’hydrogène produit, 2,86kgCO2e par kg de H2 produit à partir d’électrolyse utilisant le mix électricité français avec une forte proportion d’origine nucléaire, donc peu carbonée et 11,81kgCO2e par kg de H2 produit par vaporeformage du gaz naturel.
Les usages de l’hydrogène acheté ou autoconsommé sont principalement la désulfurisation des produits pétroliers dans le processus de raffinage pour 21 000 tonnes en 2023 (0,7 TWh), la production de chaleur des bâtiments industriels et des sites de raffinage pour 49 000 tonnes (1,6 TWh) et les usages non énergétiques pour 100 000 tonnes (3,3 TWh), concentrés pour 95 % dans le secteur de la chimie. L’hydrogène est notamment utilisé pour la fabrication d’engrais.
La production d’électricité et la mobilité sont encore très peu concernées en 2023 par ce vecteur. Utilisé sous forme liquide depuis plusieurs décennies pour propulser Ariane, l’hydrogène fait toutefois l’objet d’investissements pour la mobilité lourde, en particulier sous la forme de carburants de synthèse dans l’aviation et le transport maritime.
L’hydrogène est actuellement utilisé de manière très marginale dans le transport fluvial et le transport routier. Seulement 50 bus, moins de 10 poids lourds, un peu moins de 200 camionnettes, un peu plus de 50 fourgons ou véhicules aménagés et près de 900 véhicules particuliers avec des piles à combustible (hydrogène) étaient en circulation en France au 1er janvier 2024, selon le répertoire statistique des véhicules routiers RSVERO.
Les Jeux Olympiques de 2024 ont poussé les voitures à hydrogène qui ont atteint 529 immatriculations en 2024, contre 306 en 2023. Pour fixer les idées : 290 614 voitures particulières électriques ont été immatriculées en 2024 en France. Les stations de recharge en hydrogène se trouvent avant tout en Normandie, Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et près de Nantes, à proximité des sites de production, notamment ceux de Lhyfe.