Au Salon des Maires et des Collectivités Locales, c'est le bazar climatique

La filière bois devient le pompier des risques climatiques et le CNDB parraine des conférences au SMCL. © Jonas Tophoven

L’adaptation au changement climatique devient le grand marché d’équipement des collectivités, sans toujours tenir compte de ses émissions de carbone.




Beaucoup de monde au Salon des Maires et des Collectivités Locales 2024 de la Porte de Versailles à Paris. Au congrès du même nom, on s’insurge contre les coupes budgétaires, mais un sas permet de rejoindre le Salon avec une ambiance beaucoup plus chaude. En principe, on arrive désormais en fin de mandature : l’an prochain le Salon des maires sera morne. Mais pas cette année, sans doute peut-on encore lancer quelques travaux électoraux et faire quelques petites emplettes en marché de gré à gré sur des montants réduits.

 

Marie Schweitzer raconte l'histoire passionnante du premier complexe de logements sociaux en bois de Paris et de France en 1980, qui n'a été suivi à Paris que 30 ans plus tard, alors que les logements sociaux en bois vont devenir la règle à Paris avec le nouveau PLU. © Jonas Tophoven

 

 

 

L’urbanisme s’adapte au climat

L’affluence s’explique aussi tout simplement par l’intérêt des édiles pour les nouvelles solutions d’adaptation à un changement climatique inéluctable et menaçant. Ainsi, Paris lance un concours d’architecture pour récompenser les constructions prévoyantes. En plein salon, la capitale dévoile son nouveau plan d’urbanisme, fortement axé sur l’idée que le climat de Paris ressemblera en 2050 à celui de Séville (celui d’avant ou celui de maintenant avec des pics à 50°C ?).

 

PiveteauBois avait déjà présenté à Batimat ses solutions d'ombrières photovoltaïques à base de pin autoclave, et déboule au SMCL avec toute une gamme de solution pour les mobilités douces notamment le vélo. © Jonas Tophoven

 

 

 

Le CNDB parrain bienfaiteur

Au Salon, le risque climatique est un fourre-tout merveilleux, et même si le bois est comme chaque année presque absent de cet événement en termes d’offre, le CNDB y organise au milieu des grosses journées des interventions d’une demie-heure sur le bois.

L’architecte Marie Schweitzer y raconte l’histoire des logements sociaux en bois de la rue Domrémy à Paris : il faudra attendre 30 ans, depuis ce projet de 1980, pour voir un autre bâtiment bois social à Paris, rue et passage du Mont Cenis.

Jean-Michel Martin, le président de l’UNA des métiers du bois de la CAPEB, insiste sur l’action par essence climatique des artisans qui interviennent dans un rayon limité avec des matériaux locaux.

Enfin, les communes forestières incontournables ici mettent l’accent sur un établissement de soin construit en bois des Alpes, d’ailleurs lauréat du PNCB de cette année.

En tout, le partenaire bienfaiteur CNDB a organisé trois rounds de 30 minutes, dont un le 21 novembre rendant hommage à Jean-Claude Monin, maire de Saint-Jean-d'Arvey, en Savoie, et précurseur absolu de la construction en bois local.  

 

Mathis leader français de la construction bois assure une partie sécurisante de son CA depuis des décennies avec le clef en main de salles de tennis ou de gymnase en bois. © Jonas Tophoven

 

 

 

L’ombrière photovoltaïque

Côté fournisseurs, Mathis est toujours présent avec ses solutions clef en mains de tennis et de gymnases, notant une demande accrue pour les rénovations et extensions. PiveteauBois est plus en cheville sur l’actualité avec ses ombrières photovoltaïques (gamme Pivolta) à base de pin autoclave, et surtout le développement d’une gamme de solutions pour le monde émergent de la mobilité douce et des vélos : glissière pour vélo, bornes d’accrochage… un terrain où l’un des autres rares exposants du bois, Rondino, est également présent. Technopieux, voisin, est le partenaire idéal pour les ombrières photovoltaïques ou les gymnases en bois, réduisant la part du béton dans les fondations.

 

Ferrari invente l'ombrière microperforée qui recueille les eaux de pluies. © Jonas Tophoven

 

 

 

Les aménagements extérieurs, un marché pour le bois

Si un maire ou son équipe veut construire en bois, biosourcé, géosourcé et en réemploi, faut pas aller au Salon des maires, il n’y trouvera même pas un conseil. Même mes CAUE, relais franciliens de l’architecture, ne sont pas présents. Mais ce salon est-il là pour donner des conseils de construction climatique ? Sans doute non, la construction nouvelle dépend surtout de l’implantation et de l’implication des tissus locaux, comme le montre actuellement les villes de Paris, de Strasbourg et de Nantes.

C’est différent pour les aménagements extérieurs, où les solutions à base de bois ont toujours été présentes Porte de Versailles, parmi de nombreuses autres en produits fossiles. Or, ce domaine d’équipement est de plus en plus confronté à la question de la surchauffe urbaine. Ce n’est donc pas un hasard si les solutions d’ombrières publiques se multiplient et que Sinallagma, la start-up des solutions en châtaignier sans colle ni vis, récolte l’un des neuf Prix de l’innovation territoriale du SMCL 2024.

 

Vincent Bechtel, fondateur de Sinallagma, apporte à la filière française des feuillus un Trophée de l'innovation territoriale et était l'invité d'honneur du cocktail ONF-Communes forestières à deux pas de son stand. © Jonas Tophoven

 

 

 

Un Prix de l’innovation territorial pour une start-up de la frugalité

Le jury explique : "L’adaptation au changement climatique est un enjeu pour toutes les collectivités. Les villes connaissent – et connaîtront – des vagues de chaleur, accentués par la configuration des villes et leur minéralité. Là où il n’est pas possible de planter d’arbres (sous-sol contraint par exemple), Sinallagma propose une solution innovante de structure bois combinée à une canopée végétale couvrante. Le modèle présenté, est une ombrière en châtaignier rectangulaire, modulable, baptisée Châtenay".

Pour le Forum Bois Construction de fin février 2025 au Grand Palais de Paris, Sinallagma monte une ombrière en structure réciproque de 6 m de diamètre qu’il propose en prévente fourni-monté à 15 000 euros TTC, soit un montant réduit qui entre dans le gré à gré, même si la végétation grimpante qui fait l’ombre ne se sera pas pleinement déployée d’ici les élections municipales.

 

Les visiteurs construisent l'ombrière et comprennent le fonctionnement des structures réciproques, le patron balance un parpaing dessus pour montrer que ça tient. © Jonas Tophoven

 

 

 

Construire avec les plantes

C’est d’ailleurs l’un des problèmes inhérents des ombrières qui recourent aux végétaux, comme celle d’Urban Canopée extrêmement répandues à Paris, Nantes, Toulouse, mais dont on voit pour l’instant le plus souvent les tiges de support nues. Il faut de l’eau pour les plantes, et il faut du temps pour qu’elles poussent. Sur le salon, d’autres compétiteurs, comme Serge Ferrari, jouent la carte de la récupération d’eau de pluie couplée à une microperforation des toiles et sans végétaux.

 

Maxime Brard, pionnier du passiv abordable et responsable commercial de la seule licorne bois en puissance, Woodoo. © Jonas Tophoven

 

 

 

Le monde fascinant des structures réciproques

Sinallagma s’est lancé au Salon des maires il y a deux ans ... et que de chemin parcouru ! La start-up coche les cases : bois local, sans colle, sans vis, rapide à monter ou démonter. L’approche structures réciproque, très ludique, ouvre la voie à des multiples configurations comme des treilles en courbes. Sinallagma a inauguré la Tribune des Innovations à Lille du Forum Bois Construction à Lille en avril 2023 et constitue l’une des valeurs sûres de la start-up France dans le bois. Elle est flanquée par The climate company, spécilisé dans l’identification des îlots de chaleur urbains.

 

 

 

Licornes en herbes

L’autre extrémité, c’est Woodoo, le modèle initial de l’innovation dans un domaine à l’époque presque dépourvu de R&D. Présente au Salon dans les allées par le nouveau directeur commercial Maxime Brard, un pionnier des constructions E+C- et de la construction biosourcée passive en petits appartements (Villeneuve-Saint-Georges), Woodoo produit du bois plus résistant que le meilleur béton, une option imbattable pour le marché en explosion des data centers. Macron n’a créé avec beaucoup d’argent public que 13 licornes sur les 25 voulues, mais Woodoo se rapproche dangereusement avec une levée de fond récente qui porte la valeur de l’entreprise à 300 millions d’euros, un chiffre totalement hors d’atteinte dans le domaine de la construction et du bois.

 

 

 

Un salon du survivre ensemble citoyen

C’est d’ailleurs le principal atour de ce Salon des maires : on s’y croise. Le brassage est impressionnant.

Le mercredi soir, le cocktail de l’ONF et des communes forestières sert un immense gâteau pour fêter la reconstruction de la charpente Notre-Dame. La configuration des halls change tout le temps et l’abondance de l’offre donne le tournis aux élus, l’efficacité commerciale est ce qu’elle est, mais rares sont les salons professionnels qui permettent à tous de lever la tête du guidon et de voir dans toute sa profondeur le marché potentiel des achats publics.




Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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