Pont de Gênes : moins de deux ans pour déconstruire et rebâtir

Pont de Gênes : moins de deux ans pour déconstruire et rebâtir

Le 14 Août 2018, le pont Morandi à Gênes s’écroulait partiellement. Le 5 Août 2020, le nouveau viaduc de San Giorgio sera ouvert à la circulation. Photo d’ouverture ©Andrea Botto.




Le pont original, conçu par l’ingénieur Riccardo Morandi avait fait l’objet d’importants travaux de maintenance depuis sa mise en service en 1964, mais ses problèmes de corrosion étaient connus et n’ont pas suffisamment été investigués par le concessionnaire de l’ouvrage.

 

L’investissement de maintenance structurelle s’est en moyenne élevé à 1,3 million d’Euros par an au cours de la période 1982 à 1999. En 1999, Autostrade, société publique exploitant les autoroutes italiennes et leurs ouvrages d’Art, a été privatisée. L’investissement annuel en maintenance structurelle est tombé à 23 000 € entre 1999 et août 2018.

 

D’une longueur totale de 1 102,5 m, cet ouvrage participant à la liaison autoroutière entre Milan et Gênes, était constitué de deux parties très différentes.

 

Premièrement, un viaduc avec un tablier à poutres en béton armé de 484,3 m, décomposé en 7 sections, s’appuyait sur des piles en chevalet. Deuxièmement, un viaduc haubané de 618,1 m de longueur comportait 4 travées de longueurs inégales, suspendues à 45 m au-dessus du sol et supportées par trois pylones, portant chacun deux paires de haubans.

 

Ces haubans étaient constitués de câbles d’acier enchâssés dans une gaine de béton précontraint. Le 14 Août 2018, deux travées du viaduc à haubans se sont effondrées brutalement, entraînant aussi le pylone qui les soutenait. Le bilan s’établit à 43 morts et 16 blessés.

 

Un design signé par Renzo Piano

 

Peu de temps après cette catastrophe, l’architecte Renzo Piano proposa de concevoir et d’offrir le design d’un nouveau pont. Il présente son projet le 7 septembre 2018 : une structure mixte acier-béton de 1067 m de longueur, portant 4 voies carrossables et deux voies d’urgence.

 

Le Président de la République italienne signe le 28 Septembre 2018, un décret d’urgence, dit « Décret de Gênes », qui premièrement permet la nomination d’un « Commissaire extraordinaire à la Reconstruction ». Après approbation de ce décret par le sénat italien le 15 novembre, le Maire de Gênes, Marco Bucci, est nommé Commissaire extraordinaire.

 

Deuxièmement, ce décret confère au Commissaire extraordinaire de considérables pouvoirs de contrainte. Autostrade per l’Italia, concessionnaire du pont Morandi, est considéré comme responsable de son effondrement. Il ne pourra pas participer à sa reconstruction, mais devra en assumer les coûts. L’entreprise doit procéder au virement des sommes nécessaires, dans les trente jours suivant l’injonction de payer que lui adresse le Commissaire extraordinaire.

 

En novembre 2018, le Maire de Gênes et simultanément Commissaire extraordinaire à la Reconstruction annonce que le projet de Renzo Piano est retenu. Le 14 décembre, il attribue le marché de démolition et de reconstruction. Deux contrats distincts, sont signés le 21 janvier 2019. La démolition est attribuée à ATI Demolitori.

 

Webuild (ex-Salini Impregilo, une entreprise générale et un bureau d’ingénierie, active dans le bâtiment et les TP, mais particulièrement reconnue pour son expertise dans la construction d’ouvrages d’Art : ponts, tunnels, …) et Fincantieri remportent l’appel d’offres pour la construction du pont en un an et  pour un budget total de 202 millions d’Euros. Il sera construit en 15 mois.  Le Covid-19 a en effet ralenti, mais pas stoppé, les travaux. Les deux entreprises créent une filiale commune pour la durée du chantier : PerGenoa.

 

La Maîtrise d’Ouvrage est assurée par Italferr, importante société d’ingénierie filiale des chemins de fers italiens, assisté de RINA, une sorte de très gros certificateur. Le contrat de RINA atteint 14 millions d’Euros.

 

Un rythme d’enfer

 

 

La démolition du pont Morandi a commencé le 9 février 2019, associant démontage de la structure et micro-charges explosives. ©Andrea Botto

 

 

 

 

 

Sur la partie Ouest du pont Morandi, la dernière travée horizontale est sectionnée de ses accroches et descendue le 15 mars 2019. Au cours des mois suivants, la structure du Pont Morandi sera complètement démolie. ©Andrea Botto

 

 

Les deux principaux pylones restant, les pylones 10 et 11, ont été détruits à l’explosif le 28 juin 2019 au matin, après évacuation de 4000 riverains, dont les logements sont condamnés à la démolition. Les 4 500 tonnes de béton et d’acier  des pylones s’effondrent en 7 secondes. ©Andrea Botto

 

 

 

 

 

Entre temps, la reconstruction avait déjà commencé. Le premier pilier du nouveau pont avait été mis en place le 15 Avril 2019. La première pierre du « Ponte per Genova » de Renzo Piano a été posée à la base du pilier 9 le 25 juin 2019. ©Andrea Botto

 

 

 

La première travée horizontale, préfabriquée dans une usine Fincantieri et acheminée par la mer jusqu’à l’embouchure de la rivière Polcevera, puis par convoi exceptionnel, a été hissée le 1er Octobre 2019 entre les piliers 5 et 6 et posée à 45 m de hauteur. ©Andrea Botto

 

 

 

Pour la mise en place des 19 travées, supportées par 18 piliers, trois grues ont été acheminées de Hollande, chacune capable de hisser 1200 t à plus de 130 m de hauteur. Ces travées en acier mesurent 50 m de long, sauf la travée centrale qui enjambe la rivière et atteint une longueur de 100 m pour un poids de 1800 tonnes. ©Andrea Botto

 

Les travaux ont continué pendant le confinement

 

 

Avant la pandémie du Covid-19, 80% de la structure était en place. La pandémie a ralenti les travaux, mais la première travée au-dessus de la rivière avait été posée en Février 2020, juste avant le confinement, tandis que le dernier pilier était en terminé le 18 Février. ©Andrea Botto

 

 

 

La dernière travée horizontale a été hissée et positionnée le 27 Avril, puis posée le 28 Avril 2020. RINA a alors inspecté la totalité des voies du pont terminé. A partir du 6 juin et en un peu moins de deux semaines, la dalle béton armé est coulée sur les travées d’acier. ©Andrea Botto

 

Le nom du pont - Viadotto Genova-San Giorgio ou viaduc Gênes-Saint-Georges - est officialisé le 21 juillet. Le pont est inauguré le 3 Août et ouvert à la circulation le 5 Août 2020, un peu moins de deux ans après l’effondrement partiel du pont Morandi.

 

 

 

Pour rassurer tout le monde, avant la mise en service du nouveau pont, il a été parcouru, sans dommage et dans les deux sens par un convoi de 56 camions de 44 tonnes chacun, soit presque 2500 tonnes. Le nouveau pont devrait accueillir 60 000 véhicules par jour. ©Renzo Pinao Building Workshop Architects

 

Pour mener à bien sa mission de contrôle, RINA a mobilisé 80 personnes à temps plein durant ces deux ans. L’entreprise a vérifié 3 200 documents techniques préalables qui avaient nécessité 220 000 heures de travaux d’ingénierie. RINA a réalisé 2 000 inspections en cours de travaux et revu 10 500 documents d’exécution.

 

Au total, la construction du nouveau pont a rassemblé 350 entreprises et réuni 1000 personnes sur le chantier. 24 000 tonnes d’acier et 67 000 m3 de béton ont été utilisés.

 

Les causes techniques de l’effondrement du pont Morandi sont clarifiées. La Commission technique chargée de les établir a rendu son rapport dès le 26 septembre 2018 et retient trois hypothèses qui reposent toutes trois sur la corrosion avancée des éléments d’acier des travées, haubans et pylones du pont Morandi.

 

Les responsabilités pénales, en revanche, ne sont pas encore définitivement établies .

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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