Moratoire sur les énergies renouvelables : le pire n’est pas encore certain

Installation de panneaux photovoltaïques sur le toit d'une maison individuelle. © Pascal Poggi

Un amendement à la loi sur la programmation nationale de l’énergie, adopté à l’Assemblée nationale, stopperait toute installation photovoltaïque, même individuelle, pendant une période indéfinie.




Le 12 juin 2025 à l’Assemblée nationale, l’amendement n°486 à la loi "Programmation nationale et simplifcation informative dans le secteur économique de l'énergie", déjà adoptée par le Sénat, a été présenté par les députés LR. Cet amendement a été adopté le jeudi 19 juin, essentiellement par les députés LR et RN, notamment parce que les rangs des députés des autres groupes étaient très clairsemés lors de cette séance. La loi doit passer devant l’Assemblée à nouveau mardi 24 juin.

 

Toutes les installations photovoltaïques et éoliennes, mêmes individuelles, seraient "suspendues", ainsi que le renouvellement des permis des installations existantes, pour une durée indéfinie. © PP

 

 

 

Que contient, dans le détail, le moratoire ?

Plusieurs mesures sont introduites par cet amendement. Premièrement, à "compter de la promulgation de la présente loi, il est instauré un moratoire sur l’instruction, l’autorisation et la mise en service de tout nouveau projet d’installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent éolien, terrestre ou maritime, ainsi que l’énergie solaire photovoltaïque, à l’exception des projets ayant déjà reçu une autorisation administrative préalable à cette date". La durée de ce moratoire est indéterminée, puisque, précise l’amendement, "le moratoire restera en vigueur pendant toute la durée nécessaire à la réalisation d’une étude objective et indépendante visant à déterminer le mix énergétique optimal pour la France, sur les plans économique et environnemental". Pendant la durée du moratoire, "aucune nouvelle demande d’autorisation, de permis ou de raccordement concernant de telles installations ne pourra être déposée ni instruite par les autorités compétentes."

 

 

 

Qui est concerné par l'amendement ?

Sont concernées par cet amendement :

– toutes les installations photovoltaïques sur toiture qui requièrent une autorisation d’urbanisme, c’est-à-dire vraiment toutes, y compris sur les maisons individuelles ;

– Les installations photovoltaïques sur les parkings ;

– Les installations photovoltaïques au sol ;

– Les installations éoliennes de tous types.

 

Le solaire thermique n’est pas concerné. Ce qui introduit un doute sur le solaire hybride thermique et photovoltaïque à la fois. Daniel Bour, président d’Enerplan, estime cependant qu’il est également visé par le moratoire. Le moratoire interdit aussi le renouvellement et l’extension de projets existants, puisque, comme l'indique l’amendement, les "installations existantes restent soumises à la réglementation en vigueur et peuvent continuer à fonctionner jusqu’à la fin de leur durée d’exploitation autorisée, sans possibilité de renouvellement ou d’extension au-delà de cette échéance."

De toutes évidences, si cette loi est promulguée avec cet amendement, le marché du photovoltaïque et de l’éolien s’arrête en France et les 120 000 emplois liés à ces deux EnR en France sont menacés.

 

L’obligation de solariser les parkings de plus de 1 500 m2 a déjà été supprimée par l’Assemblée, le 15 mai dernier. © PP

 

 

 

Le pire n’est pas certain

Lundi 23 juin, le SER, Enerplan et France Agrivoltaïsme ont défendu en conférence de presse l’idée que mardi 24 juin, les députés doivent voter contre cette proposition de loi. Ce qui, dans le cadre des travaux du parlement, renvoie le texte en commission mixte paritaire.

Si la proposition de loi est adoptée par l’Assemblée le 24 juin, elle devra encore passer au Sénat. Si le Sénat ne l’adopte pas dans les mêmes termes, elle revient en commission mixte paritaire. Si elle était adoptée définitivement – étant donné le calendrier parlementaire, ce ne serait sans doute pas avant la fin de l’année 2025 –, il faudrait encore qu’elle passe devant le Conseil d’État, après dépôt d’un recours, pour vérifier qu’elle n’est pas contraire au droit européen. Le cabinet Gossement avocats estime qu’elle l’est à l’évidence. Auquel cas, le gouvernement a le devoir de ne pas l’appliquer. Dans le pire des cas, nous ne serons pas fixés avant le début de l’année 2026, une fois tous les recours épuisés.

 

 

 

Accord de Paris : un objectif inatteignable ?

Le GIEC a tout récemment confirmé que l’objectif de l’accord de Paris maintenir la hausse des températures moyennes en-dessous de 1,5 °C – n’est pas atteignable.

Aujourd’hui, lundi 23 juin, EDF pourrait appliquer une baisse de puissance des centrales électriques installées au bord du Rhône parce que ses eaux sont trop chaudes en cette période de canicule précoce pour refroidir ces centrales correctement. Tout miser sur le nucléaire n’est donc pas une bonne idée.

De plus, ces chocs et renversements répétés dans la politique énergétique française ne rassurent pas les investisseurs, au contraire, et vont alourdir le coût du financement des investissements, même si cette loi ne voit pas le jour. Les projets de construction de gigafactories en France seraient arrêtés, faute de marché. Les fabricants de panneaux PV existants seraient condamnés à la faillite.

Au même moment, la Grande-Bretagne vient de décider que le photovoltaïque est désormais obligatoire sur toutes les maisons neuves ...

 

 

Autre leçon : il faut que les parlementaires soient présents en séance. L’amendement n°486 a été adopté par 65 voix pour et 62 voix contre, soit 127 députés en séance, alors que l’Assemblée compte 577 membres. Les absents sont responsables.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi / © Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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