MaPrimeRénov’ : Éric Lombard confirme la suspension et introduit de nouvelles incertitudes

Des immeubles collectifs dans l'Île Saint-Louis à Paris. © PP

Devant le Sénat, le 4 mai 2025, Éric Lombard, ministre de l’Économie, a confirmé la suspension de MaPrimeRénov’, invoquant l’encombrement des services de gestion ainsi que la fraude.




À deux reprises le 4 mai 2025, au Sénat, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a confirmé la suspension de MaPrimeRénov’ : d’abord en séance de questions d’actualité au gouvernement, ensuite devant la Commission des Affaires économiques. Plusieurs sénateurs, dont Ronan Dantec (écologiste) et Dominique Estrosi Sassone (présidente LR de la Commission des Affaires économiques) ont demandé des précisions au ministre. Ses réponses sont claires et confuses à la fois. Oui, MaPrimeRénov’ est suspendue, mais quand exactement, on ne sait pas. Et jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que les problèmes soient réglés, avant la fin de l’année sans doute.

 

 

 

 

Quels sont les problèmes liés à MaPrimeRénov’ ?

Les problèmes mis en avant ont évolué depuis avant-hier. Premièrement, Éric Lombard a confirmé qu’il n’y a pas de question budgétaire : "on a prévu 3,6 milliards d’euros, et on a dépensé probablement 1,3 milliard d’euros", a-t-il dit devant le Sénat. Mais il a évoqué une avalanche de demandes ayant encombré les services et il faut du temps pour rétablir la situation. Autrement dit, MaPrimeRénov’ est un succès, le gouvernement ne l’avait pas prévu, donc il faut arrêter un moment. Au passage, personne ne pointe la responsabilité de l’Anah, qui instruit les dossiers MaPrimeRénov’, dans cet engorgement. L’Anah avait insisté pour traiter elle-même à la fois les CEE liés au logement et MaPrimeRénov’ : visiblement, elle n’y parvient pas.

Troisième précision apportée par Éric Lombard, les fraudes : "16 000 dossiers suspicieux, soit 12 % du stock" a-t-il déclaré devant le Sénat. Pour l’instant, personne n’avait évoqué précisément le nombre de fraudes ou de dossiers suspicieux.

"On a bien l’intention de rétablir le fonctionnement avant la fin de l’année. Il ne s’agit pas de faire une économie en cachette, en bloquant le système", a-t-il conclu. Bref, on ne sait pas quand MaPrimeRénov’ sera rétablie, ni quels moyens le gouvernement entend mettre en œuvre pour rétablir le flux de traitement, ni lutter pour contre les fraudes. Il ne le sait sans doute pas lui-même.

 

 

 

 

La Capeb est furieuse

Ce même mercredi 4 mai, la CAPEB a déclaré qu'il s'agissait "d’un nouveau coup dur pour nos entreprises, dont l’activité est déjà en berne, qui s’étaient projetées sur le développement du marché de la rénovation énergétique. Pareille décision obéirait à une logique de court terme strictement budgétaire de la part du Gouvernement, ignorant l’ensemble des retombées économiques, sociales et fiscales du marché aidé de la rénovation énergétique et incompatible avec la nécessité de répondre aux besoins de nos concitoyens, aux objectifs environnementaux et à la crise que traverse l’artisanat du bâtiment".

"Depuis l’an dernier, le choix a été fait de privilégier les rénovations d’ampleur. Or, ces rénovations sont beaucoup plus coûteuses – donc plus consommatrices d’aides publiques – et plus attrayantes pour les fraudeurs, à la différence des mono gestes qui ont été réintroduits dans le dispositif grâce à la forte mobilisation de la CAPEB. Certains acteurs ont su tirer profit du système en adaptant leurs offres au plafond maximal de la prime, entraînant une surfacturation, avec pour conséquence un étranglement budgétaire du dispositif, un emballement du nombre de dossiers aux montants excessifs, ainsi qu’un effet d’éviction des ménages modestes et des artisans locaux."

"Au regard de la situation, la CAPEB déplore l’absence de programmation sur plusieurs années d’un tel dispositif et juge nécessaire de plafonner les montants pour éviter qu’une minorité de dossiers de montants très élevés n’absorbent la majorité des crédits. Elle continue de plaider pour la mise en place d’un parcours de travaux sur plusieurs années. La rénovation globale serait ainsi accessible avec la réalisation d’une succession de mono gestes moins onéreux et le versement d’aides publiques au fur et à mesure avec une bonification en fin de parcours, limitant de fait sensiblement l’intérêt de la fraude." Tout ça est parfaitement logique.

En sus, la CAPEB rappelle qu'au premier trimestre 2025, le volume volume d’activité des entreprises artisanales du bâtiment recule depuis huit trimestres consécutifs (- 5 % par rapport au premier trimestre 2024), enfoncçant d'autant mieux le secteur dans une crise structurelle.

Enfin, Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB a déclaré que "les artisans attendent maintenant des garanties claires sur le maintien de ce dispositif et la détermination de l’Etat à le renforcer en organisant une répartition des fonds avec pragmatisme. Ils veulent savoir si les dossiers déposés jusqu’au 30 juin 2025 seront effectivement tous réglés. Ils s’interrogent aussi sur l’avenir : s’agirait-il d’un simple gel temporaire ou d’une refonte complète du dispositif en 2026 ? Les entreprises artisanales du bâtiment ont besoin de visibilité et de stabilité, en particulier dans ce contexte économique compliqué où leur activité et leur trésorerie sont fragilisées."

 

Il pose là deux questions intéressantes : 

– est-ce que les dossiers acceptés avant la suspension seront payés tout de même ou bien faudra-t-il attendre l'automne? Ce n’est pas clair du tout ;

– Ensuite, le gouvernement prévoit-il une énième réforme de MaPrimeRénov’ pour 2026 ? La réponse est très probablement oui, puisque le gouvernement a indiqué qu’il publierait en juillet la nouvelle organisation de MaPrimeRénov’ pour 2026.

 

 

Nous attendons le prochain rebondissement.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi / © Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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