Ce matin, en ligne, Le Parisien annonçait que le gouvernement s’apprêtait à suspendre les paiements liés à MaPrimeRénov’ dès début juillet et jusqu’à fin décembre. La nouvelle, énorme, était aussitôt reprise par Les Échos et plusieurs quotidiens, dans un effet boule de neige.
Toutefois, dans la matinée, le ministère du Logement indiquait que rien n’était encore décidé. Contrairement à ce qu’indique Le Parisien, le ministère souligne que l’enveloppe allouée à MaPrimeRénov’ n’est pas épuisée. Elle avait baissé à 2,3 Md€ dans le budget 2025, mais si, comme le fait le ministère, on ajoute les CEE, l’enveloppe atteint 3,6 Md€.
La dernière fois que le gouvernement a abordé MaPrimeRénov’, c’était le 29 avril, lorsque Valérie Létard, la ministre du Logement, se félicitait d’un premier trimestre dynamique. Elle rappelait les chiffres annoncés par l’Anah pour le 1er trimestre 2025 : 63 509 ménages aidés dans leur rénovation depuis le début de l’année, dont 3 fois plus de rénovation d’ampleur qu’à la même période l’an dernier :
– 46 331 logements ont été rénovés "par geste", c’est-à-dire comprenant un type de travaux (isolation ou changement de chauffage par exemple), principalement pour l’installation de systèmes de chauffage décarbonés (pompes à chaleur, poêles à bois, poêles à granulés) ;
– 17 178 logements ont fait l’objet d’une rénovation d’ampleur (rénovations avec plusieurs types de travaux combinés, permettant de gagner plusieurs étiquettes énergétiques au DPE en une fois), soit trois fois plus qu’au premier trimestre 2024 (5584 rénovations) ; une tendance traduisant l’appropriation progressive du parcours accompagné et facilitant les projets complexes avec un appui technique et financier renforcé.
Et, complétait Valérie Létard, ministre chargée du Logement : les "chiffres de l’Anah montrent que MaPrimeRénov’ reste une politique essentielle pour les Français et leur pouvoir d’achat. Pour la première fois depuis sa création en 2020, j ’ai obtenu que nous ne changions pas les règles de financement de MaPrimeRénov' au 1er janvier 2025 afin de ne pas casser la dynamique. Plus que jamais, l’amélioration de l’habitat permet de soutenir l’activité économique et les emplois locaux, tout en contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique, à la transition démographique et à la cohésion sociale et territoriale. Cette stabilité est une réussite quantitative, preuve de la pertinence de cette politique publique et de l’attente des Français : ce doit désormais aussi être une réussite qualitative, ce à quoi nous allons dédier nos efforts des prochaines semaines."
Toutes les rénovations réalisées au 1er trimestre et financées par MaPrimeRénov’, indiquait Valérie Létard, représentent 1,4 milliard d’euros de travaux générés, pour 700 millions d’euros d’aides publiques mobilisées. 700 M€ sur un budget que le ministère annonce à 3,6 Md€ pour l’année 2025. Ce qui veut dire qu’en un mois, 3 Md€ auraient été consommés par une fulgurante accélération des rénovations : un miracle, que les entreprises n’ont pas vu sur le terrain.
Un membre du cabinet de la ministre déléguée au Logement évoquait ce matin à l’AFP un mélange de mauvaises raisons : Donald Trump, la nécessité de trouver 40 Md€ d’économies budgétaires, ... et concluait finalement que "si la décision du gel est prise, ça serait pour lutter contre la fraude et réduire les délais d’instruction". Autrement dit, ils nous prennent pour des imbéciles. Comment six mois supplémentaires de non-paiement vont-ils raccourcir les délais de paiement ? Et comment l’arrêt des paiement réduit-il la fraude ? Plusieurs proverbes viennent à l’esprit, dont celui de "jeter le bébé avec l’eau du bain".
En tout cas, le ministère du Logement a annoncé que nous serions fixés mi-juin, sans davantage de précision.
Du coup, de nombreux acteurs du financement de la rénovation se sont élevés contre cette rumeur d’annonce d’une mesure d’arrêt des paiements : Hellio, Hello Watt, effy, etc. Avec calme finalement, ils ne disent pas que c’est une idiotie qui va à l’encontre des discours rabâchés sur l’importance de la rénovation énergétique des logements dans la perspective européenne d’une économie neutre en carbone en 2050, … non, ils proposent plutôt des mesures constructives.
Ils demandent d’abord la stabilité réglementaire, au moins pour 2025. Hellio rappelle que "la stabilité garantit le succès et la confiance des ménages en ce dispositif, mais également la pérennité des entreprises et de toute la filière engagée dans le chantier du siècle". Hellio demande en plus un nouveau rôle pour les notaires : "faire du notaire le tiers de confiance d’un projet de rénovation énergétique : en tant que conseiller juridique et fiscal, le notaire sécurise les transactions immobilières et permet de garantir une valorisation performante d’un bien immobilier. En tant qu’officier public, la fonction de notaire doit prendre davantage de place dans la certification des pièces permettant de justifier les transactions financières inhérentes à un projet de rénovation énergétique".
Tous demandent à lutter de manière efficace contre la fraude, mais pas en arrêtant les paiements.
La FFB est plus nette. Juste avant 18 heures, mardi 3 juin 2025, elle a publié un communiqué cinglant. Après le blocage budgétaire de début 2025, voilà maintenant le spectre d’un gel total de MaPrimeRénov’ pour le second semestre, dit-elle. C’est incompréhensible et inadmissible ! poursuit-elle. La FFB s’y oppose avec force : un tel gel casserait la dynamique de décarbonation engagée, désorganiserait les entreprises du bâtiment et découragerait les ménages. C’est tout l’écosystème de la rénovation énergétique qui serait réduit à néant. Encore une fois, l’instabilité frappe.
Le cap fixé depuis le Grenelle de l’environnement en 2007 est en péril, finie la transition énergétique ! Olivier Salleron, le président de la FFB, alerte : "on ne peut pas appeler à accélérer la rénovation énergétique et, dans le même temps, saboter un des seuls outils qui fonctionne ! Il faut choisir. Pérenniser MaPrimeRénov’, c’est restaurer la confiance, redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes. Le gouvernement ne peut pas tergiverser sur un tel sujet, 100 000 emplois se trouvent menacés et la colère gronde !"
Ce matin, en présentant le rapport de la Cour des Comptes sur le DPE, Pierre Moscovici, son président, soulignait à quel point il serait intéressant de faire du DPE le principal instrument dans l’évaluation des dossiers MaPrimeRénov’. Il se félicitait, lui-aussi, de l’efficacité du dispositif MaPrimeRénov’. © PP
Bref, nous ne savons pas ce que le gouvernement décidera mi-juin. Et, croisons les doigts, nous espérons vraiment que cette quasi-annonce était un ballon d’essai et que les fortes réactions qu’elle suscite vont pousser le gouvernement à chercher ses 40 Md€ d’économies ailleurs.