La vente en viager est un contrat de vente immobilière aléatoire (articles 1968 et suivants du Code civil) dans le sens qu'elle dépend d'un événement incertain : la date du décès du vendeur. Aujourd'hui, la vente en viager est vue comme une solution pour les seniors qui souhaitent percevoir un complément de revenus et/ou continuer à vivre chez eux. Pour l’acheteur, l’achat en viager permet d’acquérir un bien à un prix (normalement) inférieur au prix du marché.
Le viager représente environ 1 % des transactions mais le chiffre connaît une importante croissance depuis la crise sanitaire (+ 5 à 6 % par an actuellement). La vente en viager est une vente de droit immobilier classique mais qui comporte des modalités particulières fondées sur la présence obligatoire d'un aléa.
Le contrat de vente en viager est une vente immobilière classique (même formalités, acte notarié, ...) mais il comporte une particularité dans le sens qu'il n’est valable qu’en présence d’un aléa, c’est-à-dire un événement dont on ne connait pas la date de survenance. Cet aléa est le décès du vendeur. L'acquéreur n'a donc la pleine propriété du bien immobilier qu'à la date de ce décès.
En l'absence d'aléa, la vente est nulle. Ainsi, le décès du vendeur doit être imprévisible à la date du contrat de vente en viager. La loi prévoit expressément que si le vendeur décède dans les 20 jours qui suivent la signature de la vente, ses héritiers peuvent obtenir l'annulation de cette vente au motif qu'il n'y avait pas d'aléa. En revanche, le grand âge d’un vendeur ne supprime pas à lui seul la notion d’aléa. De la même façon, la maladie n’empêche pas la vente en viager, si la date du décès reste imprévisible.
En mai 1965, Maître Raffray, notaire de 47 ans, achète en viager à Madame Jeanne Calment (90 ans) un appartement contre une rente viagère mensuelle de 2 500 francs. Il mourra le 24 décembre 1995 à 77 ans, avant Jeanne Calment, en ayant versé 920 000 francs de rente et en laissant la charge du viager à sa veuve et à ses deux enfants nés d'une précédente union. Madame Jeanne Calment, devenue entre temps la doyenne de l'humanité, est décédée a l'âge de 122 ans en 1997. © Maxppp
On distingue deux types de viager : le viager dit "occupé" et le viager dit "libre".
Le viager est dit "occupé" lorsque le vendeur conserve la disposition du logement et ce jusqu'à son décès : dans ce cas du viager occupé, le vendeur conserve toute sa vie l’usufruit ou un droit d’usage du bien vendu. Il s'agit de la situation la plus répandue en pratique. Le logement pourra être occupé par l’acquéreur à partir du décès du vendeur ou du dernier survivant lorsque le contrat concerne plusieurs vendeurs (exemple : un couple marié).
En principe, les charges (factures d'énergie, taxe foncière, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, ...) sont payées par le vendeur tandis que les grosses réparations sont à la charge de l'acheteur.
Le viager est dit "libre", lorsque l’acquéreur dispose entièrement du bien, qu'il peut occuper ou donner en location. En contrepartie, il est responsable et redevable de tous les travaux, charges et frais d'entretien courant.
Le contrat doit définir le prix de vente comme n'importe quelle vente c'est à dire selon la valeur du logement au plus près du prix du marché.
Le jour de la signature de l'acte authentique, l'acquéreur verse une somme d'argent, dénommée le "bouquet", librement fixée par les parties. Le bouquet correspond entre 10 et 50 % de la valeur du bien immobilier. Il est très fréquent mais pas obligatoire, le prix de vente pouvant être constitué uniquement d'une rente.
Une fois le montant du bouquet fixé librement entre les parties, le solde du prix est converti en rente viagère, somme que l'acheteur s'engage à verser régulièrement pendant toute la vie du vendeur. Ces versements réguliers sont aussi appelés "arrérages". La rente est mensuelle, trimestrielle ou annuelle, payable d’avance ou à terme échu.
Le montant total de la rente est estimé en fonction de plusieurs critères :
– l'existence ou non d'un bouquet et son montant ;
– L'espèrance de vie du vendeur en fonction de son âge et de son sexe ;
– La valeur du bien et le taux de rendement ;
– Le type de viager (occupé ou libre), etc.
Pour le calcul de l’espérance de vie du vendeur, on tient compte de son âge lors de la vente en viager. Des barèmes officiels sont à la disposition des notaires.
Les parties peuvent insérer dans l’acte de vente une clause d’indexation permettant la révision automatique du montant de la rente suivant, par exemple, un indice publié par l’Insee.
Il peut également être prévu au contrat une clause de réversibilité de la rente au profit du conjoint survivant. Dans le cas d'une clause de réversion, la rente ne s'éteint pas au décès du premier époux décédé.
Ces calculs sont complexes et doivent être effectués par un professionnel notamment pour éviter une éventuelle annulation de la vente pour abus de faiblesse ou pour défaut de prix réel et sérieux.
En cas d'incident de paiement de la rente par l'acquéreur, le vendeur dispose du privilège du vendeur (article 1978 du Code civil), ce qui lui permet de faire vendre le bien aux enchères et de se payer sur le prix.
Le contrat peut aussi comporter une clause résolutoire qui prévoit la résolution automatique de la vente constatée par un juge. Dans ce cas, la vente est annulée rétroactivement : elle est censée n'avoir jamais existé. Le vendeur récupère la propriété du bien et peut même obtenir auprès du juge la conservation du bouquet et des rentes déjà perçues à titre d'indemnisation.
Comme une vente immobilière classique, l'acte de vente en viager donne lieu au règlement par l'acquéreur des frais dits "de notaire" (émoluments du notaire et droits de mutation). © Laure Pophillat
Les rentes viagères à titre onéreux sont à déclarer aux services fiscaux. Elles sont soumises à l’impôt sur le revenu pour une fraction de leur montant, comprise entre 30 et 70 % et décroissante avec l’âge du vendeur (article 158 6° du Code général des impôts). Le bouquet est quant à lui exonéré d’impôt car il n'est pas considéré comme un revenu.
Lorsque la rente est vraiment dérisoire, la vente risque d'être requalifiée en donation par les services fiscaux, qui réclameront alors le paiement des droits de donation, plus des intérêts de retard et des pénalités.
Sauf cas de nullité ou de résolution de la vente pour non paiement des rentes par l'acquéreur, le viager prend fin par le décès du vendeur : celui-ci emporte l'extinction du viager. Ainsi, le versement, effectué pendant toute la durée de la vie du vendeur, bénéficiaire de la rente viagère, s'interrompt à son décès et l'acquéreur devient pleinement propriétaire.
Si l'acquéreur décède avant le vendeur, les héritiers de l'acheteur ont alors le choix soit de continuer à payer la rente, soit de revendre le bien.