Le marché du bois d’œuvre sous les projecteurs du salon CIB/Timbershow

Seul le beau temps manquait au CIB 2024. © Jonas Tophoven

Le Carrefour International du Bois affiche des records dans une conjoncture beaucoup plus circonspecte, mais reflète bien les investissements massifs actuels de la filière française du bois.




Malgré les investissements productifs censés structurer une filière française du bois au profit de la construction biosourcée, il n’y a guère d’événements majeurs visibles, sinon la mise en service du nouveau site industriel de CLT dans le Pays Basque, à défaut du site LVL de Thébault dont on coule encore la dalle.

 

Le hall XXL du CIB 2024. © JT

 

 

 

Au Carrefour International du Bois 2024, les grandes nouveautés se situent dans une approche disruptive et écologique côté produits et process : le séchage de Ways, le parquet de Deschaumes, les liants végétaux pour panneaux d’Evertree. Pour le reste, le salon reflète en plus beau et plus grand le marché traditionnel du bois, tandis que les conférences pointent les enjeux écologiques actuels.

 

 

 

La ressource en danger

En France, la météo pluvieuse entrave depuis des mois la récolte. Les scieries tournent à plein selon l’observatoire de la FNB, sauf dans les cas de chômage technique dus aux retards d’approvisionnement. Les prix sont bas et témoignent d’une fin de la bulle pandémique. La distribution annonce des reculs à deux chiffres qui vont bien avec le recul de la commercialisation et de la production de logements, mais qui signifient en gros qu’on est revenu à la normalité de 2019. Tout est prêt pour le passage à la RE2025 au 1er janvier 2025.

 

Samuel Deschaumes, passionné d'empreinte carbone. © JT

 

 

 

Le CIB témoigne d’une forte exposition aux importations de résineux d’ingénierie qui n’est pas nouvelle. En contrepoint, le bois de France s’organise, la lutte ne se limite plus au domaine politique, comme le Village des Athlètes du JOP 2024, mais descend dans l’arène de la distribution au sens large. Les prix baissent et encaissent de moins en moins les longs transports, enclenchant une sorte de spirale carbone vertueuse. Le temps de la France pays de déstockage de l’industrieuse Allemagne semblerait révolu ?

L’enfer environnemental étant pavé de bonnes intentions écologiques, la commission voulait faire mieux que sa "réglementation bois" perçu comme une raquette, même si elle avait généré des années de paperasse. Place au RDUE, la réglementation contre la déforestation, qui s’applique pour tout import ou export vers ou à partir de l’UE, en étendant les responsabilités un peu plus dans la profondeur de la chaîne de transformation. L’entrée en vigueur est retardée à cause du retard de mise en application dans les pays de l’UE, les élections européennes approchent, l’incertitude est là.

 

Evertree, tout sourire de mettre du liant végétal là où on l'attendait depuis des lustres. © JT

 

 

 

Le bassin du Congo n’arrive pas à se cadrer malgré toutes ses certifications, et les producteurs américains de feuillus tentent de répondre à la demande de l’UE par des propositions censées, présentées au CIB dans un séminaire ATIBT (Association Technique Internationale des Bois Tropicaux). En fait, les producteurs américains de feuillus sont aussi atomisés que les Français, le surplus de bois sur pied est comparable, leurs récoltes diminuent et la part du bois mort augmente, chiffrée à 160 millions de tonnes de CO2 par an. Bref, la forêt de feuillus américaine est déjà émissive, sans doute comme la nôtre. Fermer le marché européen, cela empêchera aux USA d’exporter la part nord et blanche de leur chêne rouge comme alternative au chêne blanc européen, mais pas d’empêcher que les forêts du monde, insuffisamment gérées, deviennent de puissants émetteurs de carbone.

 

 

 

 

Transformation inadaptée

S’il faut bâtir avec du bois de crise, le salon CIB n’en montre pas la couleur. Tout juste le bois bleu s’insinue-t-il dans certains bois épicéas collés. Le châtaignier se montre sous son plus beau jour chez Rahuel et on en oublie la rouille. Tout de même, le hêtre au cœur rouge se met en scène chez Manubois. Le peuplier est largement absent en termes de sciages, et le paulownia invisible alors que cet aspirateur à carbone défraye ailleurs la chronique.

 

3-Plis de Rema, l'avance technologique de l'Autriche en bois d'ingénierie résineux est manifeste.  © JT

 

 

 

Le pin maritime pourrait devenir un enjeu pour les bois d’ingénierie. Le projet ProPinLam, lauréat d’un appel à projets de l’ADEME, vise à promouvoir un classement mécanique en amont de la transformation pour sélectionner le C30 qui constitue la moitié de la ressource et passer en ACERLAM GL28. Mais cela durera des années. Parallèlement, la grosse nouvelle industrielle, à part l’annonce encore imprécise d’un site d’OSB landais, est cette mise en ligne de l’unité industrielle CLT de Hasslacher chez Egoin, associée à l’intégration de la commercialisation française dans le groupe ISB qui a déjà recruté Pascal Toussaint, responsable BE Conception R&D chez Mathis.

Potentiellement, le site basque de Hasslacher pourrait aussi presser du pin des Landes … d’autant que Piveteau presse parfois du pin, sylvestre voire maritime, avec des qualités mécaniques et une disponibilité supérieure à l’épicéa français de plus en plus scolyté.

 

 

 

 

Bardages : le grand élan

Le marché du bois devient de plus en plus un marché de parade. Les mélèzes de Russie ont disparu. C’est une opportunité pour le thermotraité, le bois brûlé et toutes sortes d’alternatives. Sivalbp s’est arrangé pour adapter son offre ancienne de bardages thermochauffés four Baschild au DTU façades. De fait, le thermochauffé revient, certifié même par le FCBA qui avait il y a dix ans contribuait au déclin de ce secteur désormais plus fort, avec les fours de Maspell en compétiteur de l’offre finlandaise Jartek.

 

Les belles dalles d'escalier en beau bois rouge de Manubois. © JT

 

 

 

Le marché, de son côté, s’étend aux grandes enseignes de distribution alimentaire et ses grandes surfaces extérieures, ou apporte une petite touche antiémissive et sympathique aux constructions en béton. On voit désormais arriver la préfabrication de murs complets en usine comme chez le constructeur LCA, demain la robotisation comme Mocopinus avec Erne SA.

 

 

 

 

Parquet, le rebond

Le marché français du parquet est exsangue. Certes, la labellisation UE des ventes privées semble avoir fermé le débat de la ressource, mais selon Nicolas Douzain, de la FNB (Fédération Nationale du Bois), c’est surtout à cause d’une mauvaise conjoncture intérieure chinoise. Côté contrecollé, il manque toujours le contreplaqué de bouleau, ce qui pousse BerryAlloc à proposer des solutions de fine épaisseur sans contrecollage, avec jusque un support HDF rainuré. Une possibilité pour relancer la compétitivité du parquet face aux matériaux concurrents. Sur le marché international, l’inflexion carbone n’a pas du tout eu lieu partout.

Par contre, chez les fabricants de parquet massif, on ne parle plus la prose de Monsieur Jourdain en insistant sur le stockage de carbone du chêne. Le travail engagé par Deschaumes et son Naofloor en fait LA solution écologique des revêtements du futur. Avec une franchisation et la possibilité d’acquérir les nouvelles moulurières de Weinig, une commercialisation dékilométrée est envisageable et s’ajoute aux autres qualités écologiques du produit.

 

 

 

 

Panneaux : à tomber dedans

Le marché hautement capitalistique des panneaux de process avait commencé sa mue écologique avec le site de Châteauneuf-sur-Loire de Swiss Krono pour l’OSB (Oriented Strand Board, soit en français "Panneau de lamelles orientées"). Désormais, le liant végétal d’Evertree est applicable sur les MDF (Medium Density Fireboard) et les panneaux de particules, tandis que la mise en place d’une offre (non française) pour l’OSB et le contreplaqué est prévue pour cette année.

Chez Elka, la maquette montrée au CIB ne montrait que la première étape de développement d’une solution adaptée à la terre crue, dans le contexte de l’utilisation de panneaux Claytec. Désormais, il est possible de projeter de l’enduit sur les panneaux.

 

 

 

 

Le bois collé tous azimuts

Le parquet est à la peine, mais le lambris revient en force. Il est porté par l’offre explosive du 3-plis, on dirait assister à la même rupture que pour le CLT, qui est une sorte de gros trois-plis structurel. Le 3-plis est plus cher que la plaque de plâtre, mais avec du 3-plis on fait aussi du mobilier, c’est un matériau polyvalent, y compris admissible en plafond. Les solutions de rainurage et languette 4 face comme chez l’autrichien Rema se développent et laissent envisager la démontabilité et le réemploi. Sans doute, le liant végétal s’imposera en collage de 3-plis avant de s’attaquer au BLC et au CLT. Malheureusement, les appels d’offres de l’ADEME n’ont pas fait ressortir un projet de production de 3-plis en France. Il faudra attendre encore quelques éditions du CIB et les inspirations techniques qui en émanent.

 



Source : batirama.com / Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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