Dernière ligne droite pour les Ouvrages Olympiques

Chantier de l'Aréna Paris Nord vu du ciel

Les multiples chantiers en cours pour accueillir les Jeux de Paris en 2024 sont à moins d'un an des échéances fixées pour une première étape cruciale qui ne doit pas faire oublier les enjeux de la phase Héritage.




Photo : Chantier de l'Aréna Paris Nord, ou Adidas Aréna, une salle de moyenne capacité située dans le quartier de la Chapelle, conçue par les agences d'architecture SCAU et NP2F et réalisée par Bouygues Construction Bâtiment Ile de France. © Nicolas Grosmond

 

 

Le défi est immense pour accueillir les compétitions d'une nouvelle édition des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Sans parler des 15 millions de visiteurs attendus à Paris 2024, le cœur du sujet est de construire ou rénover les ouvrages destinés à abriter sur une période relativement courte les multiples compétitions sportives, ceux destinés aux entraînements des athlètes et à leur hébergement ainsi qu'aux personnes les accompagnant. Un des plus ambitieux est celui du Village des Athlètes qui doit accueillir plus de 14.000 personnes durant les compétitions avant d'être transformé en 6.000 logements en phase Héritage. Ce Village Olympique et Paralympique est à cheval sur les trois communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et l'Île-Saint-Denis. Les journalistes et techniciens seront eux hébergés dans le Cluster des Médias à Dugny (93) d'une capacité de 1.300 logements.

 

Le chef d'orchestre est la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques), créée en 2017 et chargée de la livraison des ouvrages et des opérations d'aménagement comme la transformation de la Colline d'Elancourt. La Solideo exerce la maîtrise d'ouvrage directe sur certains projets comme le Village des Athlètes en partenariat avec la SEM Plaine Commune développement, le Cluster des Médias ou l'Aréna Paris Nord partagée à 50/50 avec la Ville de Paris. La maîtrise d'ouvrage des autres opérations a été confiée à différents opérateurs publics et privés, comme la Métropole du Grand Paris pour le CAO (Centre Aquatique Olympique) à Saint-Denis, la RMN (Réunion des musées nationaux) pour le Grand Palais ou encore Vinci pour l'éco-quartier Universeine.

 

 

Projet du futur éco-quartier Universeine à Saint-Denis

Perspective du futur éco-quartier Universeine à Saint-Denis porté par Vinci Immobilier, vue depuis la passerelle, comprenant la réhabilitation de la Halle Maxwell et du pavillon Copernc. © Vinci Immobilier

 

Le territoire le plus impacté en terme de transformation urbaine est sans contexte le sud du département de la Seine Saint-Denis, avec en particulier la construction du CAO en face du Stade de France, du Village Olympique, d'Universeine, etc. Autour de ces ouvrages gravitent les ouvrages et infrastructures du Grand Paris Express ainsi que de multiples projets privés dont la livraison est prévue avant les Jeux à l'exemple de la Tour Pleyel transformée en hôtel de luxe

 

Anticiper sur l'après Jeux

 

Tout le monde a en tête des Jeux Olympiques qui dans le passé, ont laissé en héritage des équipements sportifs surdimensionnés et difficiles à rentabiliser. Pour ceux de Paris 2024, l'ambition est de construire en pensant à l'après Jeux. Dans certains cas, des chantiers déjà prévus ont été adaptés, typiquement à l'exemple du Grand Palais. Démarré en 2013, le projet de rénovation a été complètement revu en 2020 et confié à l'agence Chatillon Architectes avec Ingérop à ses côtés dans la maîtrise d'œuvre. Colossal et doté d'un budget de 466 millions d'euros, le chantier doit être finalisé en 2025 avec une première étape en 2024 où la nef va accueillir les compétitions d'escrime et de taekwondo.

 

De nombreuses grues autour du futur village olympique

Pour les nouveaux ouvrages comme le Village Olympique, la conception, la modélisation BIM et l'organisation du chantier doivent tenir compte de ces deux usages, Jeux et Héritage. © CoBe Architecture et Paysage

 

Ainsi les logements devant accueillir les athlètes sont conçus dans un premier temps sans cuisine, et les salons sont cloisonnés en deux chambres. Dans la seconde phase de travaux, le salon doit être décloisonné et un coin cuisine sera créé. De plus un ascenseur sur deux sera enlevé pour tenir compte d'une densité d'occupation plus faible, permettant de libérer des m².

 

Un autre exemple confié à un tandem d'architectes et à l'entreprise Bouygues Bâtiment Ile-de-France est celui du Centre Aquatique et de la passerelle piétonne qui le relie au parvis du Stade de France. Laure Mériaud, architecte de l'agence Ateliers 2/3/4/ et co-conceptrice du projet avec l'architecte Cécilia Gross, associée et directrice de l'agence VenhoevenCS, affirme : "Le programme initial demandait deux bassins olympiques de 50m et de 20m pour le plongeon. Avec Récréa, le futur exploitant commercial du Centre, nous avons proposé de créer deux autres bassins plus petits, un bassin aqualudique et un bassin d'apprentissage de 25 m, dans l'idée de répondre aux attentes du territoire. Nous avons de plus proposé avec les exploitants Arkose et Le Five d'ajouter un programme de sports à sec (mur d'escalade, basket, padel tennis...) afin de créer un vrai centre sportif." Sur les 5.000 places assises prévues en phase Jeux pour les spectateurs de la grande halle bassin, la moitié peuvent être démontées pour laisser la places aux sports à sec. D'autre part le grand bassin de 70 mètres est configurable en différentes tailles de bassin du fait de ses murs mobiles.

 

Ambition environnementale

 

Les chantiers des JO sont aussi ambitieux en terme de cibles environnementales, performance thermique, objectifs en bas carbone et biosourcé, etc demandées par les différents intervenants, charte de la Solideo, Plan Climat de la Ville de Paris et demandes spécifiques des promoteurs. Il fallait composer avec les contraintes d'un projet hors normes dont la première échéance est inamovible. Ainsi sur le Village, certains immeubles de logements en 3ème famille (R+5) sont à ossature bois pour répondre au niveau de performance E3C2 et BBCA, et ceux en 4ème famille (R+11) sont à structure béton pour un niveau E3C1.

 

Un objectif affiché par la Solideo est de diffuser massivement l'expérience de la construction bois auprès de la filière, les architectes et les entreprises. En collaboration avec Adivbois dans le cadre de France Bois 2024, deux guides ont été édités et publiés  dont le "Guide d’aide à la conception d’ETICS sur construction ou façade à ossature bois" de novembre 2020. Par ailleurs, une quinzaine d'ATEx ont été obtenues par les entreprises générales sur les différentes enveloppes à ossature bois pour le risque incendie mais aussi pour le risque humidité. En effet en façades les FOB (façade à ossature bois) préfabriquées et isolées avec de la laine de bois, courent un risque de pourrissement dans le cas d'un taux d'humidité trop élevé. Aussi suite à des études avec le CSTB et le bureau de contrôle Socotec, des sondes ont été installées afin de surveiller le taux d'humidité et si besoin intervenir en ventilant. Pour les immeubles dont la construction a démarré ultérieurement, la laine de roche a été préférée pour l'isolation.

 

Les bâtiments sont été répartis entre 42 agences d'architectes, avec certaines assurant la coordination à l'échelle du quartier de 65 hectares (agence Dominique Perrault pour la coordination urbaine et atelier Georges pour le paysage) et d'autres à l'échelle d'un secteur. Par exemple sur le secteur E, la Maîtrise d'ouvrage mandataire est Nexity/Eiffage Immobilier avec en entreprise générale Eiffage Construction. Pour les sept agences d'architecture impliquées, CoBe Architecture et Paysage a assuré la coordination générale urbaine et Koz Architectes la coordination technique, l'idée étant de mettre en commun les grands principes constructifs.

 

 

interieur d'un des immeubles en bois du secteur E, en cours de construction

Ainsi le même système constructif est mis en œuvre pour les immeubles bois du secteur E, avec des noyaux et un socle en béton et un poteau poutre bois faisant contreventement. Les poteaux bois sont encoffrés tandis que les poutres sont apparentes sauf dans les pièces humides. © Koz Architectes

 

 

"Les planchers sont en béton pour la raideur et pour obtenir une épaisseur réduite à 28 cm du complexe de plancher en tenant compte de la dalle active. Les prédalles béton de 6 cm sont fixées entre les poutres bois qui arrivent de l'usine prééquipées de goujons pour la liaison avec les prédalles. Par dessus est coulée une dalle de compression de 9 cm puis le plancher chauffant réversible de 13 cm est mis en oeuvre", détaille Laurent Blanc, directeur opérationnel immobilier IDF chez Eiffage Construction.

 

La coordination architecturale et technique a favorisé l'usage de certains éléments préfabriqués comme les prédalles (voir notre article sur Rector-Lesage) et les caissons FOB en façades. La dalle active réversible basse température est relativement épaisse, ce qui apporte de l'inertie. Le quartier doit être raccordé au futur réseau de chauffage urbain du quartier Pleyel qui sera principalement alimenté par géothermie.

 

Piscine olympique en construction

Pour la prouesse technique, le Centre Aquatique est bien placé avec la toiture en bois de sa grande halle bassins, de 90m de portée. © Nicolas Hisquin

 

La forme courbe de la toiture de la piscine olympique tient compte de la hauteur des plongeoirs puis descend pour réduire le volume d'air à ventiler et à chauffer. Composée de 91 poutres catènes en arc inversé de 90 m de long, la charpente a été fabriquée et posée par l'entreprise Mathis en charge de la structure bois. Deux rangées de dix poteaux bois reprennent en tension la toiture et sont maintenus par des tirants en acier qui reprennent des efforts de 600 tonnes. Ces poteaux obliques de 23 tonnes et de plus de 20 mètres de long, ont été posés suivant des méthodes relevant du génie civil avec un retournement effectué à la grue. Les efforts sont repris par un socle en béton extrêmement ferraillé.

 

Un sujet est la souplesse de la toiture qui peut osciller sur quasi 50 cm sur ses deux poutres de rive. Il a donc fallu trouver des solutions pour garantir le clos couvert et l'étanchéité, en particulier à la jonction avec les deux façades vitrées situées aux extrémités, qui font 90m de long et plus de 10m de hauteur. L'attache structurelle entre le haut des façades rideaux et la poutre de rive peut coulisser librement verticalement.

 

Si la halle bassins est chauffée et déshumidifiée par la ventilation, des dalles actives ponctuelles sont situées dans le hall d'entrée, les déambulatoires, les vestiaires ainsi que les plages piscine. Un préchauffage permettant d'éviter les glissades. Là aussi un branchement est prévu sur le futur réseau de chaleur urbain de la Zac Saulnier qui sera chauffé à plus de 80% par EnR. À ceci s'ajoutent deux systèmes de productions sur site, un très grande centrale solaire PV sur la toiture d'une puissance supérieure à 800 kWc et une chaudière numérique de la start-up Tresorio partenaire du futur exploitant Dalkia, qui fournira de la chaleur fatale toute l'année.

 

réalisation de la dalle active dans la nef

La nouvelle dalle active la plus impressionnante est celle de la nef du Grand Palais d'une surface d'environ 7000 m². En béton armé et d'une épaisseur de 25 cm, elle repose sur un isolant en PSE de 10cm d'ép., à haute efficacité thermique et à haute résistance à la compression permettant l’accueil des poids lourds. © Patrick Tourneboeuf chez Tendance Floue pour la Rmn - Grand Palais, Paris 2023

 

"Les serpentins sont répartis uniformément pour une puissance globale de chauffe de près de 1 MW et en rafraîchissement de l'ordre de 380 kW. Le réseau de distribution est organisé en dix zones activée et contrôlée de manière indépendante par des vannes motorisées régulées", décrit Julien Guegan, directeur d'affaires CVC chez Ingerop. Du fait de la grande inertie thermique apportée par la dalle béton de forte épaisseur, la régulation est prévue à un rythme saisonnier avec une mise en chauffe programmée par paliers.

 



Source : batirama.com / François Ploye

L'auteur de cet article

photo auteur François Ploye
François Ploye, de formation ingénieur ECP, est journaliste freelance de la presse écrite depuis plus de vingt ans. Après une première expérience professionnelle en maquette numérique 3D et en effets visuels, il a poursuivi sa carrière comme journaliste à la suite de l'écriture d'un livre sur les changements climatiques publié en 2000. Après de premières collaborations (Jeune Afrique, Sonovision, 01 Informatique...), il s'est spécialisé depuis quinze ans dans l'écriture d'articles pour le bâtiment, les énergies renouvelables, l'architecture et la ville. Avec un engagement, celui d'accompagner les mutations d'un secteur confronté à de multiples défis environnementaux et sociétaux.
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