Matériaux biosourcés : des solutions applicables sans surcoût aux bâtiments de faible hauteur

Matériaux biosourcés : des solutions applicables sans surcoût aux bâtiments de faible hauteur

Le Hub des prescripteurs bas carbone a décrypté la filière des matériaux biosourcés sous l’angle de la neutralité carbone. Et livre certains messages clés.




Légende : L’isolation des murs en ossature bois est en laine de bois, fabriquée par Isonat à Mably (42), après défibrage des chutes de résineux provenant de scieries ou rémanents de forêts de haut-Beaujolais.©Herrgott & Farabosc

 

Après un premier brief sur la filière béton ainsi qu’un book innovation, le hub des prescripteurs bas carbone* a choisi de décrypter la filière des matériaux biosourcés sous l’angle de la neutralité carbone.

 

Les récents arbitrages de la RE2020 ont mis sur le devant de la scène les matériaux biosourcés : quelle sera alors la place des biosourcés dans la construction horizon 2030 ? Quels seront les enjeux de disponibilité ? Quelles filières et produits sont d’ores et déjà matures pour être déployés à grande échelle ?

 

Autant de questions auxquelles les membres* du hub ont tenté d’apporter un éclairage, avec dans un premier temps un brief, basé sur les messages clés du biosourcé, et dans un second temps, les résultats d’un appel à innovation.

 

Premier message du Hub, le bois occupe aujourd’hui environ 8% des parts de marché de la construction en France. Ce qui est faible au regard des enjeux puisque la filière bois forêt vise 20 à 30 % des constructions d’ici à 2030. Il va donc falloir modifier les pratiques, réaliser et exploiter différemment. Il s’agit avant tout de ne pas diviser les matériaux mais de répondre à une démarche plurielle, notamment pour répondre aux objectifs bas carbone.

 

Deux effets à prendre : la substitution et la séquestration du carbone

 

Quels sont ces objectifs bas carbone ? La SNBC (stratégie nationale bas carbone) fixe d’ici 2050 un horizon collectif de neutralité carbone : il suppose de diviser par 6 nos émissions de CO2 et de multiplier par deux les puits de carbone. 

 

Pour y parvenir, la SNBC a fait le choix d’une mobilisation massive du bois énergie et du biosourcé dans le bâtiment, résume le Hub des prescripteurs Bas carbone. Et la nouvelle réglementation environnementale, RE 2020, applicable au logement dès le premier janvier 2021 a repris ses arbitrages.

 

Rappelons que le bois stocke environ 1t C02e/m3 et que deux phénomènes doivent être pris en compte : les effets de substitution et les effets de séquestration. La séquestration de carbone est en effet rendue possible grâce à quatre grands réservoirs : les océans, la forêt, les zones humides et les prairies.

 

Attention, prévient le Hub : le gain carbone varie selon la ressource, l’usage des matériaux et l’horizon temporel étudié. Ce qui suppose de respecter 4 grands critères pour optimiser l’intérêt du biosourcé : la préservation de la ressource, sa gestion durable, la durée de vie des matériaux biosourcés (qui doit être élevée), et enfin, la fin de vie vertueuse du matériaux (via le recyclage).

 

Selon le hub, un bâtiment s’inscrivant dans une trajectoire SNBC stockera en 2030 en moyenne entre 60 et 70 kgCO2e séquestré par m2 construit en logement collectif et bureaux.

 

 

La gestion durable de la ressource est une condition essentielle pour optimiser l’intérêt du biosourcé en construction, (ici épicéas), rappelle le Hub.

 

Biosourcé : un gain significatif incontestable par effet de substitution

 

Second message clé important délivré par le Hub : l’utilisation du biosourcé est source d’un gain carbone bénéfique. « Sans considérer l’effet de séquestration et même en retenant une méthode de calcul ACV peu favorable, on peut affirmer que l’utilisation du biosourcé plutôt qu’un matériau conventionnel (effet de substitution) apporte des gains significatifs en termes de carbone » soulignent les auteurs du Brief.

 

Pourquoi ? Peu de procédés de construction utilisent aussi peu d’énergie (qui libèrerait du CO2) que le biosourcé. En ce sens, les matériaux biosourcés sont clairement les matériaux les plus bas carbone, affirme le Hub. Et la distance en approvisionnement n’impacte que très peu ce bénéfice ! Exemple : pour devenir plus carboné que la laine de roche produite en moyenne à 460 km, l’isolant ouate/paille ou chanvre devra parcourir 3400 km et la laine de bois, 900 km. Idem pour le parquet qui même en parcourant 2500 km ne perd pas son bénéfice par rapport aux autres revêtements.

 

Le Hub avance un ordre de grandeur général d’un gain carbone de 60 % avec les matériaux biosourcés. C’est ainsi le cas des fenêtres bois ( -26 % soit entre 20 et 40 kgCO2e/UF), ou des revêtements bois comme les parquets (-44 % soit entre 10 et 15 kgCO2e/UF), des planchers bois (- 95 % soit entre 80 et 100 kgCO2e/UF) ou encore des isolants (ex : fibre de lin-laine de chanvre en ITI : - 79 %, soit entre 1,2 et 1,7 kgCO2e/UF).

 

Intégrer le biosourcé aux filières de construction

 

Troisième message : il est aujourd’hui possible d’intégrer le biosourcé aux filières de construction grâce aux multiples applications. Le Hub a considéré quatre segments principaux et utilisations possibles :

 

  • La construction paille, peu industrialisée mais bien implantée, bénéficie de règles professionnelles, accessibles à tous.

 

  • les isolants en fibre végétale disposent d’une filière mature et industrielle et ses produits se substituent bien à leurs homologues conventionnels. Ils sont bien avancés sur le point réglementaire.

 

  • Le mortier et le béton sont pris en main par des acteurs industriels qui structurent la filière. Les règles professionnelles ne concernent que le chanvre. A noter cependant un handicap : les granulats ne sont pas normalisés, ce qui freine leur développement. Mais les études scientifiques sont en cours.

 

  • Le bois et ses dérivés qui regroupent un ensemble de filières fragmentées allant des acteurs de la transformation du bois jusqu’à l’industrie de produits finis. Le cadrage réglementaire est néanmoins bien avancé.

 

 

Les isolants végétaux disposent d’une filière mature et industrielle et sont bien avancés sur le plan réglementaire. Ici Gramitherm (isolant à base d’herbe) qui fait partie des trois lauréats de l’appel à innovations lancée par le Hub des prescripteurs BC. Les deux autres lauréats sont les blocs de chanvre Vicat et les Dalles et planchers BB (pour Bois béton).

 

Des ressources disponibles suffisantes à accompagner

 

Quatrième message : les disponibilités des ressources ont été prise en compte dans la réflexion et révèlent qu’il faut accompagner leur développement même si elles sont suffisantes.

 

Ainsi, le bois et les dérivés bénéficient de ressources puisque la France représente la 3e ressource forestière d’Europe. Bémol : les usages bois dans le Bâtiment privilégient l’usage du résineux alors que les forêts françaises sont composées de feuillus (aux trois quarts). Les importations concernent surtout le bois composite comme le lamellé collé, le CLT ou le contrecollé. Un effort de valorisation de la forêt française supposera de structurer la filière autour du bois feuillu en complément du bois résineux.

 

Du côté des fibres végétales, en revanche, la ressource ne pose aucun problème. Il s’agit d’un co-produit, quasiment non exploité, et la France est le premier producteur de plantes à fibres. Exemple : sur les 22 millions de tonnes de paille disponibles par an, le Bâtiment peut en mobiliser de l’ordre de 4 à 6 millions de tonnes (soit plusieurs dizaines de milliers de m3 de bottes de paille). Mais la filière devra être structurée et gérée afin de répondre aux nouveaux enjeux du biosourcé.

 

Optimiser les coûts avec l’équation coût-carbone

 

Cinquième message : pour optimiser l’équation coût-carbone, il faudra assimiler de nouvelles pratiques.  En effet, la plupart des isolants biosourcés représentent un surcoût matière en comparaison aux isolant conventionnels.

 

Ce surcoût (fourni-posé) à l’échelle du bâtiment représente de 0,2 à 1,6 % (en raison d’une performance thermique moindre qui génère une surépaisseur et une perte de surface). Mais ce surcoût matière doit être pondéré avec les gains carbone, jusqu’à - 7kg CO2e/m2 Shab et les autres spécificités des isolants (dont l’hygrothermie), souligne le Hub. Et pour éviter la surépaisseur, autant recourir à l’isolation répartie, préconise le Hub.

 

Du côté des systèmes constructifs, l’empreinte gros oeuvre représente 30 % de l’empreinte carbone du bâtiment, l’optimisation du poids carbone est un levier majeur dans la décarbonation des bâtiments. Un bâtiment en structure béton, mixte ou tout bois ne se conçoit pas de la même manière, afin de prendre en considération les caractéristiques techniques de ses différents matériaux (résistance technique, comportement au feu, acoustique...). Les gains carbones dépendront fortement des spécificités du bâtiment (technique, environnementale, urbanistique...).

 

 

Le hub des prescripteurs bas carbone observe qu’une structure béton engendre 199 kgCO2/m2 SDP, et une structure bois, 80 kgCO2/m2 SDP

 

Les solutions biosourcées adaptées à des bâtiments de faible hauteur

 

Le hub des prescripteurs bas carbone observe qu’une structure béton engendre 199 kgCO2/m2 SDP, une structure terre cuite maçonnerie, 133 kgCO2/m2 SDP, une structure mixte bois-béton, 145 kgCO2/m2 SDP et enfin une structure bois, seulement 80 kgCO2/m2 SDP. L’équation coût-carbone dépendra donc des typologies de bâtiments, puisqu’une partie des solutions biosourcées demeure particulièrement adaptée à des bâtiments de faible hauteur. Exemples avec :

 

  • Des maisons individuelles sans tendance de surcoûts constatée (on constate que les prestations des maisons en construction bois sont susceptibles d’être parfois trés qualitatives, ce qui peut générer des biais dans les comparaisons),

 

  • Des logements collectifs avec des surcoûts de 5 à 10 % mais pouvant aller jusqu’à 15-20% selon la hauteur du bâtiment.

 

Toutefois, les coûts en bâtiments tertiaires sont difficiles à extrapoler, compte tenu de la diversié des projets et de leurs caractères emblématiques ne permettant pas d’identifier des règles généralisables, conclut le Hub.

 

*Le hub est une plateforme collaborative portée par l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) en partenariat avec Carbone 4, à destination des donneurs d’ordres du secteur de la construction (Foncières, investisseurs, promoteurs, entreprises générales...).

 

             

Mise en oeuvre : les spécificités techniques à prendre en compte

 

Le Hub des prescripteurs BC recommande de recourir à des acteurs formés aux biosourcés, à toutes les étapes du projet : architecte, bureau d’étude, bureau structure (en cas de structure bois), entreprises. Explication : la majorité des désordres proviennent d’une méconnaissance en termes de conception ou de mise en oeuvre.

 

Par ailleurs, la gestion de l’humidité en phase chantier est primordiale pour éviter sinistres et désordres, en privilégiant le stockage à l’abri des produits et le contrôle de l’humidité. A noter que l’assurabilité de ces chantiers ne pose pas de problème, à l’exception des utilisations des produits au-delà des limites d’application (grande hauteur, en raison du manque de retour d’expérience).

 

Les aouts des biosourcés

 

  • un déphasage thermique élevé participe au confort

 

  • une capacité hygrothermique : la capacité à absorber ou à rejeter de l’énergie (chez certains biosourcés) permet de préserver le confort thermique d’un bâtiment. Ex : les murs en béton de chanvre permettent de réduire jusqu’à 70 % le besoin en chauffage dans le cas d’un bâtiment performant thermiquement.

 

  • un régulateur d’humidité grâce à la perméabilité des isolants biosourcés, d’où une limitation du risque de dégradation du bâti existant

 

 Les points de vigilance

 

  • Le comportement au feu : une compacité forte confère une bonne résistance au feu, mais elle génère aussi une masse de combustible importante susceptible d’aggraver un incendie. Ce point dépend de la hauteur des bâtiments

 

  • La sensibilité à l’humidité : la nature putrescible des isolants peut les rendre vulnérables face à de mauvaises conditions de gestion de l’eau et de vapeur d’eau.

 

  • Acoustique : une densité du bois plus faible que le béton nécessite un traitement acoutstique spécifique et génère des complexes plus épais pour répondre aux objectifs acoustiques en construction bois.

 

     



    Source : batirama.com/ F. Leroy

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