Les CEE financent le calorifugeage des réseaux de chauffage en collectifs

Les CEE financent le calorifugeage des réseaux de chauffage  en collectifs

L’OPHLM Troyes Habitat s’appuie sur Hellio et sur ERTI, sa filiale travaux, pour installer et financer le calorifugeage des réseaux et des points singuliers dans onze de ses résidences.




Troyes Habitat est un OPHLM qui, dans l’agglomération de Troyes, gère 9500 logements, dont 80% datent des années 1950 et 60% se trouvent en QPV (Quartiers Prioritaires de la Ville). Troyes Habitat est en cours de fusion avec l’OPHLM du département, ce qui devrait créer à partir du 1er janvier 2021, un nouvel OPHLM gérant 21 000 logements.

 

Depuis 10 ans, Troyes Habitat a investi 500 millions d’euros dans une profonde rénovation de son patrimoine, en s’appuyant notamment sur l’Anru (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) et ses financements pour mener de lourdes actions de démolition/reconstruction.

 

Ces travaux ont permis de remplacer de grandes résidences de 500 logements, concentrées dans un même quartier, par des opérations beaucoup plus petites de 25 à 30 logements, dispersées à travers l’agglomération.

 

 

 

Troyes Habitat a retenu les services d’Hellio, agrégateur de CEE, et de sa filiale Erti pour le calorifugeage des réseaux collectifs d’eau chaude et de chauffage. ©PP

 

« Les CEE mettent du beurre dans les épinards »

 

Bertrand Chevalier, président de Troyes Habitat, et Philippe Coudrot, directeur général, soulignent qu’après ces dix ans de restructurations, Troyes Habitat aborde une nouvelle période de rénovation de son patrimoine existant en s’appuyant sur les CEE (Certificats d’Economie d’Energie) pour les financer. Bertrand Chevalier admet d’ailleurs volontiers que les « CEE mettent du beurre dans les épinards ».

 

Un court rappel sur le fonctionnement des CEE n’est sans doute pas inutile. Ils sont apparus avec la loi Pope du 13 juillet 2005. Cette loi a créé des « obligés » : tous les distributeurs d’énergie qui vendent du gaz, du fioul, de l’électricité, des carburants, etc. La France compte environ 1350 obligés, depuis la chaine alimentaire Cora et ses pompes à essence, jusqu’à Engie et EDF.

 

La loi Pope contraint ces obligés à aider leurs clients à réaliser des économies d’énergie. Chaque obligé reçoit un quota d’économies d’énergie à réaliser chez ses clients. S’il ne le fait pas, il paye une amende, fixée en ce moment à 15 €/MWhcumac environ.

 

Les économies d’énergies réalisées chez leurs clients par les obligés sont exprimées en kWhcumac et les actions d’économie d’énergie possible au titre de la Loi Pope sont décrites par des « fiches d’opérations standardisées ». Il existe aujourd’hui 205 fiches, mais cette liste évolue plusieurs fois par an, de nouvelles fiches apparaissent – la pose d’un thermostat connecté en logement depuis le 4 mai dernier, par exemple, - tandis que d’autres sont retirées.

 

Les CEE classiques et les CEE Précarité

 

Chaque action d’économies d’énergie, menée conformément à une fiche standardisée, aboutit à une économie forfaitaire en kWhcumac et à des CEE (1 CEE = 1 kWhcumac d’énergie finale). Ces CEE sont revendus aux obligés pour les dégager de leur obligation. Il existe donc un marché des CEE, que l’on trouve sur la base de données en ligne emmy. En Mai 2020, le prix des CEE sur le marché – le prix spot – était de 8,32 €/MWh, tandis que leur prix moyen restait inférieur à 7,80 € HT .

 

Il existe en réalité deux types de CEE : les CEE classiques, résultant de la mise en œuvre des fiches standardisées, et les « CEE précarité » dédiés à la lutte contre la précarité énergétique et résultant de la mise en œuvre des mêmes fiches standardisées auprès de clients précaires. Les CEE précarité sont plus généreux. Dans le cas d’un bailleur social, il existe un forfait départemental permettant de lui appliquer un % de locataires considérés comme précaires.

 

Bref, pour financer le calorifugeage des réseaux de chauffage et de distribution d’eau chaude, ainsi que l’isolation thermique des points singuliers des réseaux (vannes, …), Troyes Habitat s’est appuyé sur le mécanisme des CEE.

 

 

 

Pour le calorifugeage, l’isolation thermique est constituée de demi-coquilles en laine de roche. ©PP

 

 

 

 

Une fois posée la laine de roche est protégée par des coquilles métalliques ou en PVC. ©PP

 

Deux manières d’utiliser les CEE

 

Selon Julien Mauvignant, responsable du développement durable et et du renouvellement urbain de Troyes Habitat, l’organisme a utilisé les CEE de deux manières. Premièrement, Troyes Habitat a lancé un appel d’offres techniques et financiers, sélectionné les réponses et finalement passé un marché avec Hellio, agrégateur de CEE, et avec sa filiale ERTI chargée de la réalisation du calorifugeage d’environ 10 km de réseaux collectifs de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire – conformément à la fiche standardisée BAR-TH-160 « Isolation d’un réseau hydraulique de chauffage ou d’eau chaude sanitaire ».

 

Pour cette action et motivé par des raisons fiscales, Troyes Habitat règle lui-même la facture des travaux d’un montant de 1,4 millions d’euros à ERTI, collecte les CEE et se charge lui-même de les valoriser – comprendre :  de les revendre à un obligé.

 

Deuxièmement, pour l’isolation thermique des points singuliers, conforme à la fiche standardisée BAR-TH-161 « Isolation de points singuliers d’un réseau », Troyes Habitat a directement confié à ERTI et Hellio la réalisation du projet, clefs en mains. Les CEE sont directement cédés à Hellio qui règle la facture des travaux – 100 000 € - à ERTI. Pour Troyes Habitat ce second chantier s’est soldé par une facture à 0€.

 

 

 

L’ensemble des travaux de calorifugeage des réseaux réalisés par Troyes Habitat porte sur 4400 logements, répartis en trois lots représentant au total 32 km de canalisations à isoler, soit derrière des chaufferies collectives, soit en aval de sous-stations de chauffage urbain. ©PP

 

Des fiches standardisées

 

Pour pouvoir bénéficier des CEE prévus par les fiches BAR-TH-160 et BAR-TH-161, il faut soigneusement respecter leurs exigences. Par exemple, la fiche BAR-TH-160 prévoit que les canalisations, situées hors du volume chauffé, seront calorifugées avec un isolant de Classe ≥ 3, selon la norme NF EN 12 828+A1 :2014. Il n’est pas impossible d’ailleurs que ces exigences évoluent vers un isolant de Classe ≥ 4.

 

Ce qui pourrait poser un problème, les canalisations sont parfois posées trop près du mur et/ou du plafond pour qu’il soit possible de mettre en œuvre des manchons isolants de Classe ≥ 4, plus épais que les manchons de Classe 3. Ou bien, il faudra passer à des isolants plus performants, donc plus coûteux et pas aussi durables dans le temps, que la laine de roche utilisée actuellement.

 

En échange de la réalisation de travaux conformes aux fiches BAR-TH-160 et BAR-TH-161, le Maître d’Ouvrage ou l’entreprise qu’il a choisie, reçoivent un nombre de CEE calculé forfaitairement. Dans le cas de la zone climatique H1 où se trouve Troyes, le forfait est de 6700 CEE x L, où L est la longueur isolée du réseau de chauffage ou d’ECS hors du volume chauffé.

 

Un contrôle a posteriori par un organisme d'inspection

 

Dans le cas de la fiche BAR-TH-161 sur l’isolation des points singuliers, l’isolant mis en œuvre doit offrir une résistance thermique ≥ 1,5 m².K/W à une température moyenne de 50°C et ≥ 1 m².K/W à une température moyenne de 100°C, mesurées conformément à la norme NF EN 14303.

 

En échange, le montant forfaitaire de CEE accordé, dans la zone climatique H1, varie de 11 700 à 34 100 par point singulier isolé, en fonction du Ø des réseaux et de la température du fluide, allant jusqu’à 88 000 CEE dans le cas particulier d’un échangeur à plaques avec un fluide à plus de 120°C.

 

Faire mieux que ce que demandent les fiches est tout bénéfice pour le client, mais ne rapporte pas 1 seul CEE supplémentaire. Les travaux doivent faire l’objet, après réalisation, d’un contrôle par un organisme d’inspection, accrédité selon la norme NF EN ISO/CEI 17020 ou toute version ultérieure, en tant qu'organisme d'inspection de type A pour le domaine 15.1.5 « Inspection d’opérations standardisées d’économies d’énergie dans le cadre du dispositif de délivrance des certificats d’économies d’énergie » par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou … Pour faire court, sur ce chantier, c’est Socotec.

 

 

 

L’isolation thermique des points singuliers est réalisée à l’aide de jaquettes démontables, pour que les vannes et organes de régulation demeurent accessibles. ©PP

 

 

La plupart des jaquettes utilisées sont choisies parmi les produits standards des spécialistes. En revanche, la jaquette isolante des échangeurs à plaques est conçue et fabriquée sur mesures. ©PP

 

 

 

Une fois réalisés, les travaux conformes aux fiches BAR-TH-160 et BAR-TH-161 sont inspectés. Chaque ouvrage singulier est clairement repéré, affiche la marque et les caractéristiques des isolants. ©PP

 

50 € de charges en moins par an et par locataire

 

Le calcul des CEE est purement conventionnel et forfaitaire, mais Troyes Habitat a fait réaliser une simulation thermique et une évaluation des économies en Euros par le BE CDC Ingénierie & Conseil. Résultat, en diminuant les pertes de chaleur des réseaux, cette campagne de calorifugeage devrait réduire les consommations de gaz en chaufferie de 4 000 000 kWh/an, soit une baisse de coût d’exploitation de 240 000 €/an. Qui se traduit à son tour par une baisse de charges de 50 € par an et par logement pour les locataires.

 

Quelle que soit la méthode utilisée, avance de trésorerie par Troyes Habitat dans le cadre d’un marché public ou bien opération clef en mains avec Hellio, les CEE couvrent l’ensemble des coûts du calorifugeage. Les travaux ont commencé en Février 2020 et devaient se terminer en Mai. Le Covid-19 et le confinement sont passés par là et le chantier sera finalement bouclé mi-juillet.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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