Bon, nous le savons depuis la réunion de concertation du 17 juin : MaPrimeRénov’ rénovation d’ampleur s’arrête le 23 juin et reprendra vers le 15 septembre. Concertation, il était temps. Le gouvernement a extrêmement mal géré la communication autour de MaPrimeRénov’, toutes sortes d’interlocuteurs prenaient la parole, donnant des informations contradictoires et sans jamais demander l’avis des organisations professionnelles.
Le financement des rénovations d’ampleur individuelles, que ce soit en maison individuelle ou en appartement, est donc stoppé à partir de lundi prochain, le 23 juin. Il reprendra "vers" le 15 septembre, la date précise n’est pas arrêtée. À compter du 23 juin, il ne sera plus possible de déposer un nouveau dossier individuel MaPrimeRénov pour une rénovation d’ampleur (parcours accompagné). Les plateformes informatiques de dépôt pour cette aide seront fermées. La poursuite du financement des rénovations par geste avait été annoncé le 16 juin au cours d’un point presse sur WhatsApp. Une nouvelle concertation aura lieu en juillet avec "fédérations professionnelles, parlementaires, collectivités afin que chacun puisse contribuer à la pérennisation du dispositif désormais plébiscité par les ménages français" a indiqué le ministère du Logement.
Durant cette période d’interruption, les demandes de paiement sur les dossiers d’ores et déjà engagés seront instruites normalement et le versement des aides interviendra dès la validation des dossiers.
Les aides seront réorientées pour lutter plus efficacement contre l’emploi des énergies fossiles. © PP
Le ministère du Logement a souligné le succès de MaPrimeRénov’, indiquant notamment que la rénovation énergétique soutient l’activité économique locale en permettant de générer 37,9 Mds€ de travaux depuis 2020. Le projet de SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) envisagé par le Gouvernement fixe deux objectifs prioritaires : la rénovation d’ampleur pour les passoires énergétiques et la décarbonation du mode de chauffage pour les autres logements. Cette aide, distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), cible prioritairement les propriétaires modestes vers qui se concentrent 70 % des aides perçues. Elle peut financer jusqu’à 90 % de certains travaux pour une rénovation d’ampleur (dans la limite d’un plafond et en fonction des revenus et du niveau de rénovation).
MaPrimeRénov’ finance :
– des rénovations dites d’ampleur permettant un saut d’au moins deux classes énergétiques, par exemple passer de "F" à "D", évalué sur la base d’un audit énergétique ;
– et des rénovations par geste avec un ou plusieurs travaux : travaux d’isolation (murs, toit, fenêtres), installation d’un chauffage décarboné ou d’un chauffe-eau écologique.
Pour 2025, l’enveloppe budgétaire allouée via l’Anah à MaPrimeRénov’ de 3,6 Mds€, très importante et supérieure aux montants réalisés depuis sa création, a permis de fixer des objectifs ambitieux de 350 000 rénovations, réparties entre 250 000 rénovations par geste et 100 000 rénovations d’ampleur (soit + 10 % par rapport à 2024).
Depuis le début 2025,
– 78 550 logements ont été rénovés par geste, principalement via l’installation de systèmes de chauffage décarbonés (pompes à chaleur, poêles à bois ou à granulés) ;
– 44 162 rénovations d’ampleur ont été entamées, contre 13 637 en 2024. 3,6 milliards d’euros de travaux générés pour 1,5 milliards d’euros d’aides publiques mobilisées. Près de 80 % des rénovations d’ampleur concernent des logements classés F ou G. Le coût moyen de ces rénovations d’ampleur s’élève à 59 197 €, avec une aide moyenne de 41 201 € versée par l’État via MaPrimeRénov’.
Le financement de la rénovation des copropriétés, dont celui de la rénovation des chaufferies, n’est pas suspendu. © PP
Plusieurs raisons ont été successivement mises en avant. Mais il semble bien que la principale soit d’ordre financier. Le communiqué du ministère du logement, publié le 17 juin, indique en effet qu'en "intégrant les dossiers frauduleux, la dynamique de dépôt des dossiers constatée en 2025 aurait mécaniquement conduit à un épuisement du budget en 9 mois au lieu de 12. Sans prendre aucune mesure, les dossiers déposés après épuisement du budget ne pourraient pas être instruits en 2025, allongeant le délai d’instruction de 3 à 5 mois supplémentaires ce qui n’est pas acceptable."
Quatre autres raisons sont évoquées.
En 2024, avec un budget de 3,7 Mds€ environ d’aides engagées et de 1,8 Md€ d’aides décaissées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), 44 000 dossiers suspects ont fait l’objet de contrôles renforcés ce qui a permis d’éviter 229 M€ de fraudes, soit 7 % des aides. En revanche, 8 M€ d’aides versées ont fait l’objet de fraude avérée au travers de dossiers qui font l’objet de contentieux et de procédures de recouvrement.
Depuis le début de l’année 2025, une centaine de MAR (MonAccompagnateurRénov) ont déposé environ 16 000 dossiers présentant des signaux forts d’une diversité de fraude : usurpation d’identité du ménage ou de l’entreprise, audits manipulés, absence de neutralité. Cette fraude s’organise avec ou sans la complicité des ménages, avec ou sans travaux réellement effectués, avec ou sans la complicité des entreprises intervenantes. Il existe en France 3 800 MAR au sein de 1 300 structures.
Ensuite vient l’inflation du coût des travaux : + 7 % d’inflation sur les travaux de rénovation d’ampleur en 2025 par rapport à 2024, alors que l’inflation globale est autour de 2 %.
Enfin, l’allongement des délais : dès janvier, un afflux de dossiers a provoqué un allongement des délais d’instruction de 70 à 105 jours, en partie aggravé par l’adoption tardive du budget 2025.
Un décret anti-fraude devrait être publié en septembre. Il territorialisera l’intervention des MAR et autorisera à publier les noms des MAR et des mandataires frauduleux. Une taskforce anti-fraudes interministérielle a été lancée pour cibler spécifiquement la centaine de structures suspectes et analyser les dossiers correspondants. Un arrêté a été publié le 14 juin et est entré vigueur le 15 juin pour augmenter le financement de la rénovation d’ampleur par les CEE. Le gouvernement en attend 250 M€ de recettes supplémentaires.
Ce qui est assez curieux : un CEE n’a pas une valeur fixe, le marché des CEE fixe cette valeur au jour le jour. Si l’offre est augmentée par des bonifications, mais que la demande reste identique (les obligations des entreprises soumises au mécanisme des CEE), leur prix va baisser, plutôt qu’augmenter. Durant l’été, de nouveaux arrêtés, pour lutter contre l’inflation du coût des chantiers, publieront un référentiel de prix, baisseront le plafond des travaux subventionnables avec un recentrage sur les logements passoires énergétiques utilisant des énergies fossiles, le bonus de sortie de passoire sera supprimé. Le ministère a promis une concertation pour la mise au point de ces nouveaux textes.
Recentrage de MaPrimeRenov’ parcours par geste : échanges en amont avec la filière pour hiérarchiser les gestes prioritaires et utiliser au mieux les fonds publics qui sont alloués à cette partie du dispositif. Travail sur un système de gestion et de lissage du stock de dossiers pour éviter les à-coups dans le dispositif MaPrimeRénov’ dans une logique stricte de fonctionnement sous enveloppe fermée.
Élargissement dès l’été de l’expérimentation de soutien des services instructeurs locaux par des moyens nationaux dans les départements les plus en tensions pour accélérer les délais d’instruction. Réouverture des avances aux mandataires spécialisés dans les opérations de traitement de la grande précarité. La mesure sera actée au Conseil d’Administration de l’Anah de fin juin.
Facilitation de l’accès au marché de la rénovation énergétique pour les plus petites entreprises : réforme du RGE par le développement de la validation des acquis de l’expérience pendant l’été et possibilité de groupements momentanés d’entreprise. C’est une victoire de la Capeb.