Du béton de chanvre sur 8 étages à Boulogne-Billancourt

Du béton de chanvre sur 8 étages à Boulogne-Billancourt

Des façades à ossature bois recevant un mélange de chaux-chènevotte projeté en voie humide par l’extérieur : le projet n’était pas commun. Mais sur 25 m de haut, ça ne s’était encore jamais vu en France !




Voulu par Immobilière 3F, conçu par North by Northwest Architectes, le 81 rue de Bellevue finit de prendre corps, sous la lance de l’entreprise JR Bat, qui projette le mélange chaux-chanvre Tradical sur les deux façades hautes de 25 m.

 

Ce chantier inaugure une nouvelle ère pour le béton de chanvre, jusque-là généralement cantonné aux bâtiments R+2+combles, dans le respect des règles professionnelles de mise en œuvre. Le spécialiste de la chaux BCB Tradical participe, une fois de plus, à étendre le domaine d’application de ce matériau aux atouts multiples

 

 

Projeté sur 22 cm, le mélange enveloppe les liaisons paroi-plancher, évitant tout pont thermique. Après 2 mois de séchage, 2 cm d’enduit chaux-sable Tradical PF 80, assureront l’étanchéité à l’eau et à l’air.

 

Un maître d'ouvrage féru de solutions innovantes

 

Coutumier des choix audacieux, Immobilière 3 F privilégie depuis des années les solutions innovantes en matière de performances énergétiques et environnementales. D’ailleurs, depuis 2009, le constructeur bailleur exige a minima 30 % d’énergies renouvelables pour produire l’ECS de ses immeubles neufs.

 

« Ici, nous avons choisi un système de récupération de chaleur sur l’énergie grise, par le biais d’un échangeur passif hauteur d’étage, situé sous les douches », précise Adrien Biggi, responsable du projet.

 

Les objectifs affichés sont clairs : des bâtiments pas trop impactants pour l’environnement et pérennes, d’une part, et la maîtrise des charges pour ses locataires, de l’autre. Le maître d’ouvrage dit mener aussi ces expériences pour anticiper la RE 2020.

 

Un coût de 2 165 €/m2 de surface habitable pur les 15 logements

 

Pour un coût de 2 165 €/m2 de surface habitatable, il réceptionnera au printemps 15 logements de qualité et où il fera bon vivre, avec un entretien réduit. Le chauffage est estimé à moins de 20 kWh/m2.an sur la base de 19°C.

 

Pour créer cet immeuble, le mode constructif devait être simple, pérenne et d’un coût raisonnable. En lien avec la municipalité, très ouverte à l’innovation urbaine, le bailleur social (qui gère déjà plus de 10 000 logements à Boulogne-Billancourt) cadre le projet. Puis, en décembre 2016, livre la parcelle aux mains expertes de North by Northwest Architectes.

 

Fort de son expérience dans les matériaux biosourcés, et notamment d’un ouvrage R+5 en béton de chanvre sur ossature métallique à Paris, celui-ci va, cette fois marier béton et béton de chanvre sur ossature bois. Il s’adjoint, pour ce faire, les hautes compétences d’un BE polyvalent, LM Ingénieur.

 

 

Tous les 3 niveaux, l’ossature bois est prolongée au nu extérieur du béton de chanvre ; les traverses seront invisibles sous l’enduit de finition. La trame posée sur les bois est noyée dans le béton de chanvre. Au niveau des volets coulissants, la paroi reçoit 17 cm de laine de roche.

 

Un chantier à fortes contraintes mais au phasage simple

 

Outre les critères exigeants de performance, de durabilité et de coût, l’équipe rencontre d’autres contraintes : situé dans une dent creuse du quartier Silly-Gallieni, parmi un habitat dense et sur une rue passante, le chantier se déroule sur une parcelle exiguë - un rectangle de 245 m², coincé entre deux immeubles, ne permettant pas de stocker.

 

BCB a donc mis en place une plate-forme logistique à proximité, afin de le réapprovisionner régulièrement en sacs de chaux Tradical Thermo et de chènevotte Chanvribat.

 

Le bâti occupe 122 m², le maximum de surface autorisé. Dépourvu de sous-sol, il a des fondations superficielles, ce qui limite les travaux de terrassement. Le mode de semi-préfabrication simplifie le phasage et limite les nuisances.

 

Débuté en décembre 2018, le chantier a utilisé une grue pour élever les pré-murs et pré-dalles en béton, puis les menuiseries et les panneaux à ossature bois des façades, préfabriqués en atelier (par Meha Charpentes). Un échafaudage a ensuite été installé pour projeter le béton de chanvre et dresser l’enduit de finition.

 

 

La chènevotte, la chaux additionnée de ciment et l’eau se mélangent au niveau de la lance. Chaque façade demande une semaine de projection, par 5 à 6 personnes.

 

Un matériau léger et vecteur de confort

 

Les façades en béton de chanvre sur ossature bois permettent une structure légère en voile de béton, constituée des deux murs mitoyens aux bâtiments voisins (isolés par 4 cm de laine de bois) et d’un mur de refend central.

 

La chaux Tradical Thermo permet de fabriquer un béton de chanvre allégé (280 kg/m3), 5 fois moins lourd qu’un béton classique. « Ce matériau n’est pas porteur », rappelle l’architecte Thomas Richard, « tous les trois étages, il est coupé par des traverses de bois qui portent la charge. Cela revient à empiler des « maisons » les unes sur les autres et permet de monter à grande hauteur. »

 

Le mélange est projeté sur des panneaux de bois (3 à 4 m de large sur 2,5 m de haut), fixés à la structure porteuse, puis dressé à la règle. Le coffrage perdu, une plaque de gypse Fermacell, recevra une finition de peinture microporeuse côté intérieur, afin de conserver aux 25 cm de cette paroi simple leur précieuse capacité à réguler les échanges gazeux. Le béton de chanvre apporte ainsi un confort, été comme hiver, par sa capacité à absorber 95 % des variations de température et 85 % des variations d’humidité.

 

JR Bat s’est chargé de tout le gros œuvre. 6 de ses 20 compagnons sont formés à l’application de béton de chanvre. ils mettent en oeuvre 58 m3 de béton de chanvre BCB Tradical en deux semaines. Applicateur depuis 9 ans, Jean-Marc Feldman a investi 50 000 € dans la machine à projeter ; « surtout pour faire des ravalements et des surélévations jusqu’à présent », précise le dirigeant, qui est prêt à faire beaucoup plus : « L’application est aisée et le confort à la hauteur des attentes des usagers ! »

 

 

A gauche, l’architecte Richard Thomas, accompagné de l’applicateur, Jean-Marc Feldman, qui réalise en moyenne deux chantiers par an en région parisienne.

 

De belles perspectives

 

Le béton de chanvre cumule les avantages : bonne réaction au feu, durée de vie autour de 100 ans, faible empreinte carbone, confort des usagers, facilité de mise en œuvre, performances thermiques et acoustiques, légèreté des constructions, … Avec cette réalisation, il prend de la hauteur. Et le développement de la préfabrication des panneaux devrait lui offrir de nouvelles perspectives.

 

Après les particuliers, les collectivités locales et les bailleurs sociaux, à quand le tour des promoteurs immobiliers de se laisser séduire ?

 

 

Soubassement en brique apparente, enduit chaux-sable clair sur les étages et plus soutenu sur le dernier étage en retrait. Aligné sur ses voisins, l’immeuble affichera des lignes sobres et contemporaines, avec ses volets coulissants et ses menuiseries de bois clair en saillie.



Source : batirama.com / Emmanuelle Jeanson

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