Un stockage d’électricité de 2,8 MWh à Amsterdam

Un stockage d’électricité de 2,8 MWh à Amsterdam

La Johan Cruijff ArenA est équipée de 4200 panneaux photovoltaïques et d’un stockage d’électricité Eaton de 3 MW, utilisant des batteries Nissan de seconde vie.




En 2013, la ville d’Amsterdam a décidé de réduire son empreinte environnementale en réduisant ses émissions de Gaz à Effet de Serre de 45% en 2025, comparé à 2012.

 

Pour y parvenir, la ville prévoit notamment d’accroître de 20% sa production d’énergie verte de 2013 à 2020, tout en réduisant la consommation d’énergie par personne de 20%, en portant simultanément la capacité de production d’électricité solaire de la ville de 9 à 160 MWc et en accroissant de 27% la capacité de production d’électricité d’origine éolienne.

 

Trouver des toitures pour installer 152 MWc de capacité de production d’électricité photovoltaïque supplémentaire n’est pas aisé. La Johan Cruijff ArenA a lancé le mouvement en décidant, fin 2013, d’équiper sa toiture de 4200 panneaux photovoltaïques. Ce qui a constitué un premier pas de géant.

 

 

 

Les 4200 panneaux photovoltaïques installés en 2014, sont posés tout autour du stade sur la toiture au-dessus des tribunes. ©PP

 

4200 panneaux photovoltaïques

 

Les travaux de pose des panneaux se sont déroulés de fin février à mi-Mai 2014. Fournis et posé par Oskomera, les 4200 panneaux couvrent 7000 m², soit à peu près la surface d’un stade de football. Ils produisent environ 930 000 kWh d’électricité par an, soit 10% de la consommation du stade, avec une puissance nominale totale de 1 128 kWc.

 

Les travaux ont coûté 1,6 million d’euros HT. Nuon, un producteur d’électricité hollandais filiale du groupe Vattenfall, achète la production. Royal BAM Group nv s’est chargé de l’installation électrique. L’installation a été raccordée le 21 juin 2014 et a produit 4500 kWh le premier jour. Mais tout cela n’était que la première étape.

 

Le but de la Johan Cruijff ArenA est de parvenir à un fonctionnement neutre en CO2. Pour y parvenir, le stade a constitué une entreprise spécialisée dans la valorisation énergétique : Amsterdam Energy ArenA BV. Au même Johan Cruijff ArenA a également créé Amsterdam Innovation Arena (sans A majuscule à la fin), une autre entreprise dans laquelle des Universités, des gouvernements locaux, Nissan, Eaton, BAM et The Mobility House sont actifs.

 

Les deux réunis - Amsterdam Energy ArenA BV + Amsterdam Innovation Arena – réfléchissent aux contours des stades du futur et espèrent pouvoir exporter le modèle technique et économique qu’ils développent et testent en grandeur nature à Amsterdam.

 

 

 

BAM s’est chargé de la pose des panneaux en 2014, puis de l’installation du stockage en 2018. L’entreprise exploite et assure la maintenance de l’ensemble de l’installation électrique du stade. ©BAM

 

Les stades sont des candidats idéals pour l’association Photovoltaïque + stockage d’électricité

 

Les grands stades, ceux qui peuvent accueillir 20 000 personnes et davantage, sont en effet soumis à des contraintes draconiennes. En échange du droit de retransmettre des matches de coupes et de championnats nationaux, des matches de coupe d’Europe, sans même parler des matches de coupes du monde, les autorités du football nationales, l’UEFA et la FIFA leur imposent des équipements importants, notamment en ce qui concerne le secours électrique, qui constitue autant d’investissements extrêmement coûteux destinés, si tout se passe bien, à ne jamais être utilisés.

 

La solution technique classique pour le secours électrique, ce sont des groupes électrogènes fonctionnant au fioul, d’une puissance totale de 3 MWc ou plus, selon la taille du stade. Pour que les exploitants soient tout à fait certains que ces groupes démarreront si c’est nécessaire, ils doivent être utilisés régulièrement et soigneusement maintenus. Ce qui consomme du fioul, pollue et représente un budget significatif.

 

Lors d’une rencontre avec Amsterdam Energy ArenA BV, Eaton a proposé une autre stratégie. Puisque le stade était déjà équipé de PV, pourquoi ne pas ajouter un stockage d’électricité ? Il assurerait deux missions principales : secours électrique instantané si nécessaire, contribution à l’équilibrage du réseau électrique national hollandais d’autre part. Ce service de régulation de la fréquence du réseau est rémunéré en Hollande.

 

 

 

Dans un stade, la combinaison panneaux photovoltaïque et stockage d’électricité assure la mission de base de secours électrique, efface les pointes pour réduire la facture d’électricité. Mais peut aussi, selon les pays et leur législation spécifique, assurer d’autres services, comme la vente d’électricité et la participation à l’équilibrage des fréquences du réseau. ©PP

 

Un stockage de 3 MW et 2,8 MWh

 

Entouré de ses partenaires au sein d’Amsterdam Innovation Arena, dont Nissan, Eaton, BAM et The Mobility House, la Johan Cruijff ArenA a accepté l’idée de Eaton début 2016. L’installation a été mise en service le 29 juin. Les études et les travaux ont duré près de deux ans. Début 2016, Eaton n’avait pas de solution de stockage d’électricité. Elle a été développée à partir de 2016 grâce à un partenariat avec Nissan et construite autour de ses batteries Lithium-ion.

 

En Août 2017, Nissan a annoncé qu’il vendait Automotive Energy Supply Corp., sa fabrication de batteries, à GSR Capital, un fonds d’investissement chinois pour 1 milliard de dollars. Mais le 2 juillet 2018, Nissan a annoncé l’annulation de cette vente, car GSR Capital n’a pas réuni les fonds nécessaires.

 

Carlos Gohsn, Président de l’alliance Nissan-Renault-Mitsubishi Motors, est en effet convaincu que les batteries deviennent des « commodities » ou des marchandises à prix très disputé. Il estime que fabriquer des batteries génèrera peu de marge à l’avenir et qu’il serait moins coûteux de les acheter à des spécialistes.

 

Le groupe en achète déjà à LG Chem, GS Yasa Corp, à Toshiba Corp et à CATL (Contemporary Amperex Technology Co.), le nouveau colosse chinois du secteur. Il est trop tôt pour dire ce que Nissan compte faire de sa production de batteries. Mais le partenariat Eaton / Nissan continue. Il n’est pas exclusif, et pour l’heure, Eaton n’a aucune envie d’y renoncer, ni de l’élargir.

 

 

 

Tout commence ici, dans une Nissan Leaf. La batterie est la partie orange. Elle est extraite, puis démembrée pour isoler chacune des cellules qui sont testées séparément. Nissan garantit à Eaton la fourniture de cellules dont la capacité est au minimum de 70% de la capacité nominale initiale. Les cellules sont triées par Eaton pour reconstituer de nouvelles batteries, soit pour ses stockages individuels, soit pour des opérations comme ce stockage à Amsterdam. Une batterie ne peut être fabriquées qu’à l’aide de cellules de capacités identiques, à une petite tolérance près. ©PP

 

 

 

 

Un mélange de batteries neuves et de batteries de seconde vie

 

Le stockage de la Johan Cruijff ArenA est composé de 61 racks de batteries, disposés en 7 rangées d’armoires. Chaque rack contient 10 packs de batteries. Chaque pack contient 12 modules de batteries. Il y a au total 590 packs de batteries, 250 de seconde vie – extraites des premières générations de Nissan Leaf commercialisées en 2010 – et 340 packs composés de batteries neuves.

 

Le total correspond à environ 148 batteries de Nissan Leaf. Nissan a commercialisé environ 300 000 Leaf depuis 2010. Les batteries de la première génération offraient une capacité de 24 kWh, dont 21,5 kWh utilisables. Ce qui correspondait à environ 200 km. Une batterie Lithium-Ion est un peu comme une cuve qu’il ne faut jamais vider totalement.

 

La version 3 de la Leaf, commercialisée en 2016 – 2017, comportait une batterie de 30 kWh, dont 27 kWh utilisable, soit une autonomie de 250 km. La version 4, commercialisée depuis le début 2018, correspond à la Leaf de seconde génération et contient une batterie de 39,5 kWh pour une autonomie de l’ordre de 400 km en ville.

 

 

 

La répartition entre les 250 batteries de seconde vie et les 340 batteries neuves résulte d’un calcul simple. Le local dans lequel le stockage est installé était pré-existant, donc d’un volume donné. Le client voulait 3 MW de puissance et 2,8 MWh d’énergie stockées. Dans ce local, Eaton et BAM ont mis le maximum de batteries de seconde vie d’une capacité de 70% du nominal, complétées par des batteries neuves possédant une capacité de 100% du nominal, pour atteindre les capacités souhaitées par la Johan Cruijff ArenA. ©PP

 

 

 

 

Monétiser le stockage d’électricité

 

Conformément à l’idée initiale de Eaton, ce stockage, équipé de quatre onduleurs bi-directionnels Eaton chargés de la conversion AC/DC (courant alternatif / courant continu), assume plusieurs missions. Premièrement il assure le secours électrique : une heure à puissance maximale dans le stade, trois heures si certaines consommation – les cuisines, par exemple – sont déconnectées.

 

The Mobility House, un agrégateur de capacité de production et de stockage, concepteur et fabricant de stations de recharge de véhicules électriques, pilote aussi le stockage pour stabiliser la fréquence du réseau alentour. Ce service est rémunéré par TenneT, l’exploitant du réseau, une sorte de RTE hollandais. De plus, The Mobility House utilisera le stockage pour écrêter les pointes – c’est-à-dire diminuer la puissance souscrite durant les périodes de pointe, de manière à réduire la facture d’électricité de la Johan Cruijff ArenA.

 

L’installation, dont le coût n’a pas été dévoilé, a été financée aux deux tiers par un prêt de AKEF, le Fonds d’Amsterdam pour le Climat et l’Energie. Le reste a été fourni par des investisseurs privés. Le temps de retour est estimé à 10 ans. Les batteries sont également garanties 10 ans.

 

 

 

La technologie des racks de batteries et des onduleurs vient en droite ligne des équipements électriques pour Datacenters, dont Eaton est l’un des grands spécialistes. Les quatre onduleurs Eaton se trouvent dans les armoires sur le côté gauche. L’ensemble des équipements, racks de batteries et onduleurs, bénéficie d’une forte ventilation. Nissan ne garantit ses batteries que dans la mesure où elles demeurent en dessous d’une température limite. La ventilation est conçue pour, dans les périodes de chargement/déchargement les plus intenses, maintenir les batteries sous cette limite. ©PP

 

 

 

The Mobility House a programmé les automates qui assurent la liaison entre TenneT, l’exploitant du réseau extérieur, et l’installation. La plupart des opérations se déroulent dans le Cloud de The Mobility House vers lequel remontent les données concernant l’état et le fonctionnement du stockage, ainsi que les prévisions des besoins du stade et les prévisions de production à J+1 et H+12 heures des panneaux photovoltaïques. Les ordres concernant la participation à l’équilibrage du réseau et l’arbitrage qui n’est pas encore en place - la possibilité de vendre ou d’acheter de l’électricité selon les prix du marché – sont gérés par le Cloud. En cas de panne d’internet, les fonctions de pilotage locales et l’écrêtage de la pointe de puissance fonctionnent tout de même. ©PP

 

 

 

Le stade est encore équipé de deux générateurs diesel de 670 kVA. Le but est de les faire disparaître, dès que les exploitants seront convaincus que le stockage peut efficacement les remplacer dans le secours électrique. ©PP

 

 

 

BAM installe 18 chargeurs bi-directionnels pour charger/décharger des véhicules électriques, fournis par The Mobility House. A terme, il y en aura 200. Ce qui représentera environ 8 MW de stockage supplémentaire. Cette installation doit servir à étudier concrètement l’idée de l’emploi de véhicules comme stockage additionnel, à la fois du point de vue technique et du point de vue économique. Dans l’état actuel des réflexions et au moins pour les deux premières années de fonctionnement, le parking sera gratuit pour les véhicules électriques. Leur chargement sera gratuit et les propriétaires seront rémunérés en cas de déchargement des véhicules pour les besoins de stabilisation du réseau, etc. ©PP

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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