2025, une année difficile pour la construction bois

La tenue du 14e Forum International Bois Construction au Grand Palais a été une démonstration de force de la nouvelle architecture climatique. © JT

Voici venue l'heure des bilans, sachant que Batirama est sans aucun doute l’un des médias qui a suivi une nouvelle fois en 2025, au plus près, l’évolution de la construction bois en France.




Il y a eu pire. 2015 avec les conséquences tardives mais brutales de la crise financière, 2022 avec la sortie de crise pandémique et l’explosion des prix des sciages et des bois d’ingénierie, qui a bien sûr été perçue comme un moment de grâce en amont de construction, mais a totalement déstabilisé l’aval. Et puis, 2025 se situe dans la ligne de 2024, meilleure sans doute que les conjectures alarmistes de l’Enquête Nationale Construction Bois récoltées fin 2024. Par ailleurs, vu l’enthousiasme gouvernemental à lancer le premier vrai palier carbone de la RE2020, le 1er janvier 2025, on ne pouvait pas s’attendre à de nouvelles impulsions pour stimuler la construction bois, biosourcée, géosourcée. La France est devenue en 2024 le premier marché européen de la construction bois à reculons, en catimini, dans un contexte saturé par les notions floues de "bas carbone" et de hors-site.

 

 

 

Tout avait pourtant bien commencé

2025, c’est dès février le moment de grâce du 14e Forum International Bois Construction au Grand Palais, avec surtout la mise en exergue des agences de la nouvelle architecture climatique, pour ne pas dire les spécialistes de la construction bois, biosourcée, géosourcée et du réemploi. Cette mise à jour se prolonge et se renforcera d’ailleurs en février 2026 au Grand Palais, comme marqueur du cluster mondial de l’architecture durable.

Principale distinction dans un paysage saturé de prix, l’Équerre d’Argent 2025 reflète sinon la prédominance de cette nouvelle architecture, au moins sa montée en puissance face à une filière béton qui n’est plus tout à fait aussi hégémonique. Alors que le thermomètre global affiche + 1,5 °C avec un chapelet de catastrophes toujours plus destructrices mais banalisées, les acteurs de la construction citoyenne existent. Et le Prix de la Première Œuvre attribué à l’agence Hemaa est un signe : la génération qui arrive est encore plus concernée et impliquée. Le bois n’y est plus le symbole de la construction alternative, mais un marqueur parmi tant d’autres, et un matériau de construction maîtrisé et accepté. 

 

L'agence Hemaa Prix de la Première Œuvre de l'Équerre d'Argent 2025 pour un centre de loisirs à Evry-Courcouronnes. © Jonas Tophoven

 

À Evry-Courcouronnes, ce n’est pas la poutre qui surmonte l’entrée qui fait problème ou suscite l’attention, plutôt les blocs de pisé préfabriqués sur lesquels elle s’appuie librement. Le CLT ? Le CLT nervuré ? Le BLC ? Les planchers mixtes ? Le bois-paille enduit ? Le bois-chanvre préfabiqué ? La brique de terre compressée ? So what ?

 

 

 

Des signaux inquiétants

Cette banalisation attendue est de bon augure mais la massification tarde. L’emprunt européen NextGenerationEU a financé les aides de l’ADEME pour des appels d’offre en cascade censés doter la France d’une industrie de la construction biosourcée compétitive. Quelques années après, on attend les résultats en termes de produits innovants sur le marché. Au lieu de cela, l’abandon du marché de la construction structurelle par Manubois en fin d’année 2025 sonne comme un choc. La résidence Flaubert à Rouen, la tour Wood'Up à Paris et les Pierres Sauvages à Pantin resteront des prototypes. Tout le développement de la construction bois feuillue en prend un coup. La faute à qui ? À des constructeurs écolos inconséquents, ou, en fin de compte, à une doctrine des sapeurs-pompiers qui veut encoffrer le bois et rend caduc un concept de poteau structurel décoratif ? En tout état de cause, les scieurs de feuillu semblent avoir le plus grand mal à intégrer le monde de la construction et leur collègues du résineux ne leur ouvrent pas grand la porte.

Pourtant, après la remise en cause de tout le fonctionnement du marché français en bois tropical, le tour du feuillu domestique semble également venu (merrain en crise), au point que le retrait de Manubois ne peut être interprété unilatéralement : le feuillu français a besoin de la construction plus que jamais. Si ce n’est pas le hêtre, ce sera le châtaignier, le peuplier, le paulownia, le charme et toutes sorte d’essences dites secondaires mais communes et qui frappent à la porte. Cette ouverture vers la construction vient aussi de l’explosion du bois dépérissant, qui convient de moins en moins aux usages esthétiques du feuillu en aménagement visible. Mais la route vers le feuillu structurel multi-essence est encore longue.

 

Mobilier en feuillu local proposé par le Hêtre Charmé soutenu par l'agence Vivarchi. © Vivarchi

 

 

 

Autres regrets

 

Quelques mauvaises nouvelles

La liste des mauvaises nouvelles de l’année 2025 est très longue, pour la construction bois, mais elle demande aussi à être relativisée point par point, comme d’ailleurs dans le cas de Manubois qui sauve les meubles.

Avec Lifteam, la France perd l’un de ses meilleurs charpentiers (à cause essentiellement de collectivités territoriales mauvais payeurs), mais CBS-CBT perdure et lance pour le Forum International Bois Construction de février 2026 une solution de dalle O’portune Klima révolutionnaire, sans oublier que son Sylvatest est désormais l’outil mondial de mesure des performances mécaniques du bois de réemploi.

Du côté des agences spécialisée dans la nouvelle architecture climatique, le sort de l’agence KOZ est un signe, sans oublier que KOZ et DREAM achèvent une imposante Académie à Créteil, tandis que Nicolas Ziesel parvient à construire en bois-paille pour des orphelins en Ukraine !

 

À la Bastille on l'aime bien : Dream et Equiibrium fêtent leur emménagement au moment où s'achève le chantier majeur de l'académie de Créteil, ciment d'une interaction entre l'agence Dream et Equilibrium. © Jonas Tophoven

 

L’incendie de l’immeuble Le Messager

L’incendie de l’immeuble Le Messager s’inscrit dans une série logique de sinistres qui interpellent régulièrement sur la sécurité incendie des ouvrages biosourcés, d’autant que chacun de ces événements est abondamment mis au pilori par des contempteurs sur les réseaux. Survenant après l’incendie d’une déchetterie parisienne construite essentiellement en béton (mais avec un bardage en bois), il a d’ailleurs eu lieu au moment où l’arrêté sur la sécurité incendie des ERP devait initialement paraître, si l’on en croyait les annonces du délégué interministériel Jean-Michel Servant au 14e Forum International Bois Construction. Dans ce contexte, il avait annoncé lui-même et de façon prémonitoire l’importance d’un travail sur la protection des chantiers biosourcés en cours. Gare de Lyon, le bois a bon dos. Il ne fallait peut-être pas, pour Le Messager, développer un modèle de tertiaire bas carbone sans faire appel aux meilleurs spécialistes de la question et en intégrant d’emblée des nouveaux systèmes constructifs dKerzrého de Nanterre (SAM architecture), qui a effectivement subi un incendie important en cours de chantier, mais qui a réussi l’exploit d’intégrer des éléments de construction bois partiellement consumés dans l’ouvrage final. Las, Jean-Michel Servant a démissionné, et d’ailleurs, l’arrêté ERP a été repoussé par la commission consultative paritaire en décembre.

 

Le Messager, près de la gare de Lyon, se voulait modèle d'un nouveau tertiaire bas carbone, mais a été ravagé par les flammes en cours de chantier. En 2025, les détracteurs de la construction bois sombrent dans la facilité. © Jonas Tophoven

 

Malheureusement, d’autres sinistres graves apparus notamment sur des ouvrages bois parisiens récents et très en vue entachent la construction bois de façon incompréhensible. On n’avait pas besoin de ça. Côté biosourcé, raccrochons-nous plutôt au démarrage très retardé du projet Daumesnil en R+5 bois paille (Serge Joly) délesté finalement de la crèche au dernier étage. Dommage que de l’autre côté de la ligne R, à Montargis, après la brusque liquidation de l’association qui gérait la maison Feuillette, la reprise du tout nouveau centre de formation bâti par Vivarchi ait capoté parce que la DRAC a exigé la reconstruction d’un hall attribué à Feuillette. Tout de même, progressivement, la ligne R sera rebaptisée Ligne Paille avec des constructions visibles à toutes les nombreuses étapes de la ligne, sur le modèle de l’opération Daumesnil.

 

 

 

Une "filière bois" en mouvement

Pour la filière bois, 2025 n’a pas été marqué par une explosion des destructions d’engins en forêt, mais il ne faut peut-être pas s’y fier car leur communication ne ferait que jeter de l’huile sur le feu. La situation, dramatique en termes d’explosion de la mortalité des arbres, n’est pas spécifique à l’année, et la remise en cause européenne du bois énergie n’est pas nouvelle non plus. Simplement, en 2025, a circulé une désinformation déstabilisatrice sur l’interdiction possible de ce type d’énergie.

Pour les incendies de forêt, la France s’en sort bien en 2025, mais l’Europe pas du tout. La filière bois européenne est inopérante. En France, 2025 marque l’accélération d’une recomposition de sa "filière" dont on ne voit pas la fin. La ligne de front entre l’amont et l’aval se déplace mais resurgit toujours malgré une progression de l’opacité (depuis l’été, la ligne de front se situe autour du BLC). Pour autant, le monde change et les organismes composant cette "filière" s’adaptent. Les rapports se succèdent et le déficit commercial se creuse, mais ce dernier est secondaire face à l’enjeu climatique difficilement relayé.

 

 

 

2026 sera une bonne année pour la construction bois

Stimulé par le 15e Forum International Bois Construction au Grand Palais fin février, les collectivités territoriales vont se rappeler que la prochaine mandature atteint 2030 en quatre ans. Les objectifs inscrits dans l’Accord de Paris sont immenses en termes de réduction des émissions de carbone, sans même prendre en compte les biais des calculs "bas carbone" et des centrales nucléaires repeintes en vert. Beaucoup de communes ne sont pas riches, à l’instar de la bourgade de Coincy dans l’Aisne qui met une mandature entière à construire des vestiaires pour son terrain de foot et réserve la prochaine mandature pour la réfection de l’église. Certes, mais si d’autres communes notamment forestières l’imitaient et construisaient avec du bois communal, si enfin une loi applicable venait soutenir ce type de démarches partout en France, la part prédominante du Bâtiment dans la pollution carbone française n’en serait que marginalement affectée, sauf si on comptabilise tous les effets induits à grande échelle.

 

Acteurs des nouveaux vestiaire du terrain de footbal de Coincy (Aisne). Au centre Patrick Thomas de Vivarchi est à l'ombre. Une construction en grisard, aulne et chêne communal n'est pas quelque chose de commun aujourd'hui. © Jonas Tophoven

 

Le détricotage de la RE2020 butera sur le bon sens, celui de l’arrêté ERP respectera l’avis de la commission consultative. La relance du Bâtiment passera logiquement par la rénovation et plus jamais par la construction neuve, tandis que ce domaine sera chevillé étroitement aux objectifs climatiques qui n’ont plus grand-chose à voir avec le coefficient R de façade.

2026 sera bon car l’ADEME réhabilitée lancera enfin ses essais relatifs à la protection incendie des ouvrages biosourcés, en complément de son programme paille. Le FCBA progressera sur son programme Feuillu Choc avec la normalisation constructive de cinq nouvelles essences. Le programme Boizif permettra probablement de construire en bois à proximité des forêts sans risque. France Bois 2030 et la Solidéo iront au maximum pour que les JOP d’hiver des Alpes françaises de 2030, ces "jeux sans neige", soient à la hauteur de l’échéance 2030 de l’Accord de Paris.




Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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