Le palais florentin sur les collines de Grasse devra-t-il être détruit ?

Le permis de construire du

Le Conseil d'État a définitivement invalidé le permis de construire d'un invraisemblable palais florentin érigé depuis 2005 sur les collines de Grasse (Alpes-Maritimes), relançant la perspective de sa démolition.




L'affaire écume les tribunaux depuis que Patrick Diter, chef d'entreprise âgé aujourd'hui de 68 ans, a racheté en 2005 une vaste propriété et s'est lancé dans des travaux titanesques, transformant un mas de 200 m2 en palais florentin estimé par le fisc en 2019 à environ 57 millions d'euros. Le tout, au départ, sans permis de construire...

 

Le "château Diter", à Auribeau-sur-Siagne, en 2019. © Valery Hache / AFP

 

 

Le mas devenu palais

Rapidement, le mas de 200m2 s'est mué en quelque 3 000 m2 de bâtiments de style Renaissance somptueusement aménagés afin d'y accueillir des réceptions de prestige ou même des tournages de télévision, avec :

– une piscine et deux héliports ;

– Une route de 600 mètres de long tracée dans un espace boisé classé (tant qu'à faire) ;

– Un cloître, des fresques à la Giotto peintes à la main, une dizaine de suites ;

– Et même un petit temple d’inspiration romaine au cœur du jardin.

 

 

Des groupes de luxe investissent les lieux pour des séminaires, un producteur anglais vient tourner la fameuse série Riviera (diffusée à la télévision britannique depuis 2017), des milliardaires russes ou indiens organisent des mariages fastueux, etc. © Anaïs Boileau  

 

 

Le "permis à la provençale"

Concernant le permis de construire, il en fut, telle la formule d’un élu local, selon le principe du "permis à la provençale" qui veut que l'on commence les travaux et que l'on régularise ensuite. De fait, en juillet 2006, un permis fut accordé, avant d'être dénoncé par des voisins de Patrick Diter.

En 2017, le tribunal correctionnel de Grasse a jugé le permis de construire frauduleux et ordonné la démolition des constructions réalisées, une décision validée en appel en 2019 et en Cassation en 2020, assortie d'un délai de 18 mois puis d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Parallèlement, le tribunal administratif de Nice a donné raison en 2018 aux voisins qui demandaient à la mairie d'invalider le permis de construire.

 

 

 

De rebondissements en rebondissements

Toutefois, le Conseil d'État a annulé la décision en 2020 et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif, qui a rétabli le permis de construire en mai 2023 : "l'élément intentionnel de la fraude n'est pas caractérisé", avait estimé le tribunal.

Mais le Conseil d'État, dans une décision rendue mi-octobre 2025, a estimé que la fraude était caractérisée dans la mesure où la demande de permis de construire majorait de manière intentionnelle les surfaces existantes pour contourner les limitations imposées par le plan local d'urbanisme. De plus, la demande qui faisait état de simples extensions à usage personnel a été contredite par "le rythme et l'ampleur des travaux réalisés de manière continue" à partir de 2005 et l'exploitation commerciale à partir de 2011.

 

"On peut dire que le Conseil d'État invalide le permis de construire. Mais les procédures ne sont pas finies", ont assuré les avocat de l'homme d'affaire, Mes Philippe Soussi et Louis Ribière, relevant que le Conseil d'État avait pris le contre-pied de sa décision de 2020 et annonçant leur intention de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme. © Vue Google maps

 

 


Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat /  Philippe de Poulpiquet / LP

 

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Après un doctorat en Littérature française, puis un passage de quelques années dans l'enseignement (du français, notamment aux Compagnons du Devoir et du Tour de France), Laure Pophillat s'est tournée vers la rédaction web, ainsi que le journalisme. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent !

Aujourd'hui rédactrice en chef du bimédia Batirama, elle oriente la ligne éditoriale vers un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière bâtiment et construction, avec une prédilection pour les portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
4 Commentaires
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  • par Tamtamboum
  • 08/11/2025 20:53:02

La justice a tranché, et la décision est conforme aux lois qui régissent notre démocratie. Il aurait été inconcevable de laisser passer ce genre de comportements. Cela crée des précédents, dont les promoteurs les plus mais intentionnés s'empressent de se saisir. Lorsque l'on transgresse volontairement les règles, il faut en accepter les conséquences. C'est un vrai gâchis, mais la loi est la même pour tous.

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  • par Phipel
  • 31/10/2025 13:42:58

Ce Palais Renaissance est une plus value majeure pour la région grâce à sa qualité architecturale très réussie, admirablement intégré dans le paysage qui rappelle la Toscane , c’est un atout pour développer le tourisme avec toutes les retombées économiques que cela implique en matière d’emploi pour la région.Il faut lui trouver une activité qui ne gêne en rien le voisinage qui ne peut que se réjouir d’avoir la chance de bénéficier de ce paysage de rêve. Le détruire serait une aberration car ce terrain deviendra une horrible friche , le mieux est de trouver un accord raisonnable avec les plaignants et replanter sur un site proche l’équivalent de la forêt qui a été rasée.

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  • par Barnab
  • 30/10/2025 16:50:13

Les élus locaux ont pouvoir de police éventuellement appuyé par le préfet et peuvent intervenir en stoppant les travaux sur place. Si on laisse faire, c'est quelque part on consent. (Cette construction c'est faite au vu et au su de tout un chacun).

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  • par barnabé
  • 29/10/2025 09:08:49

2005 ... 2025. Comment expliquer cette lenteur administrative très coûteuse et inefficace ? Devant une telle inertie, on constate la réalisation de travaux qui ont valorisé ce site, et apporte une activité économique reconnue, porteuse de rentrées pour la ville. Il me semble judicieux de maintenir cette activité et d'indemniser les riverains. Une nouvelle fois, la véritable erreur est le fait de l'Etat qui n'a pas su assumer.

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