Gutex a démarré sa fabrication de panneaux isolants en bois en Schwartwald (Forêt-Noire) dès 1932, cinq ans avant que Rockwool ne démarre celle de ses isolants en laine de roche au Danemark. Produits par voie humide, les isolants en fibre de bois ont alors végété pendant des dizaines d’années face à la percée des isolants fossiles puis des laines minérales, avant de se positionner en alternative écologique. La chute du mur leur a donné un coup de pouce en Allemagne, à grand renfort d’investissements, la fibre de bois accompagnant naturellement le développement de la construction bois. L’émergence de la technologie sèche (nouveau procédé de fabrication réputé moins énergivore) et des panneaux rigides a fait entrer ce marché dans une nouvelle phase d’industrie lourde qui prend partiellement le relais de l’industrie papetière avec une consommation de forts volumes de résineux de trituration issues des premières coupes d’éclaircies, sans compter les connexes de scierie. Face à un marché français ou chaque négoce veut une alternative biosourcée pour les isolants en stock, la marge de progression de la fibre de bois, et du panneau rigide en particulier, est forte, notamment dans une période qui glisse vers la rénovation d’hiver et d’été et les besoins d’atténuation acoustique.
Flex et rigides confondus, le marché français de la fibre de bois représente moins de 200 millions d’euros de CA en facturation industrielle. Moins que le montant de la fraude MaPrimeRénov en 2024. Une paille au regard des laines minérales qui tiennent le marché avec une technologie sans évolution décisive depuis une soixantaine d’années. Le marché français dispose d’un leader, Steico, qui est aussi le leader international avec un CA de plus de 400 millions d’euros il est vrai réparti sur l’isolation mais aussi le LVL et autres systèmes à base de bois. Steico a été repris depuis peu par le groupe irlandais Kingspan. Face à Steico, Isonat, un acteur issu de Buitex et contrôlé par le groupe Saint-Gobain, bien placé géographiquement mais doté d’une capacité de production limitée malgré un doublement récent. Puis, un gros challenger français, Pavatex, qui met en route sa troisième unité de production à Épinal, au sein du groupe Soprema. Il y a nouvellement Semin qui transforme de la fibre de bois avec le savoir-faire et l’appui des acteurs historiques de Buitex.
Impressionnante usine Pavatex 3 à Golbey : le panneau de process dispose d'un nouvelle variante, le LDF. © Jonas Tophoven
Gutex, leader du marché de la fibre de bois en Allemagne du Sud et en Suisse (depuis l’émigration de Pavatex), a multiplié par 50 le CA réalisé sur le marché français depuis dix ans, en partant il est vrai d’une position marginale. Ce seul "pure player" du marché, donc acteur concentré totalement sur la fibre de bois et premier intervenant historique, a frappé un grand coup en installant à Eschbach, à un jet de pierre de l’Alsace, une usine de production de panneaux en fibre de bois rigide d’une capacité pouvant aller jusqu’à 1 million de m3 de bois, ce qui correspond aux volumes des papeteries. Idéalement, 60 % de la matière vient de bois de trituration en résineux (40 % de connexes). Cela signifie que le bassin vosgien alimente fortement la production, et rend d’autant plus logique que Gutex ait intégré l’AICB, l’association des industriels de la construction biosourcée au sein de l’UICB.
L'usine d'Eschbach toute proche de la frontière avec l'Alsace, se caractérise par son cyclone et ses silos. © Jonas Tophoven
Du pont de vue technologique, Steico a fait le premier pas en installant récemment une unité de production de panneaux rigides dans l’enceinte immémoriale du site de Casteljaloux reprise à Isoroy, l’ancien roi français des panneaux de process à base de bois, il y a 15 ans. Dnas ce marché, tout le monde fait comme si sa technologie lui était propre mais en fait, cette dernière est maîtriée par les deux grands acteurs mondiaux allemands de la presse à panneaux de process : Siempelkamp (Casteljaloux) et Dieffenbacher (Gutex). Ils contrôlent les process de HPF, de MDF et de LDF, le LDF correspondant au panneau rigide en fibre de bois. Et là, on distingue les panneaux standard avec une densité en général de l’ordre de 140 kg/m3, et une version pour les toitures, souvent plus dense et dotée d’une émulsion pare-pluie intégrée. Chez Gutex, c’est l’Omnitherm et l’Ultratherm, chaque acteur du marché à ses propres dénominations et en gros, le marché de la fibre de bois se divise en Flex (panneaux flexibles et léger imitant la laine de verre), le rigide standard et le super-rigide.
Voilà à quoi ressemble un stock de panneaux rigides, standard de tous les négoces et champion du marché immense de la rénovation et de l'adaptation au changement climatique. © Jonas Tophoven
Il faut maintenant comprendre que le Flex, autrefois produit-phare du marché, est moins rentable que le panneau rigide sur le plan des coûts de transport (on transporte moins de vide). Que l’objectif du Flex au prix de la laine de verre semble avoir vécu. Que le panneau rigide apporte quelque chose que la fibre minérale a du mal à offrir. Que le panneau rigide en rénovation sur les chevrons est standard en Allemagne, mais moins en France, et y dispose donc d'un terrain infini. Qu’il s’agit sans doute d’une meilleure parade aux étés chauds, voire une protection contre les déperditions massives de calories en cas de climatisation.
Le développement de l’utilisation de panneaux verticaux en fibre de bois, supports d’enduit ou de bardages, est en pleine progression.
Dans la panoplie du constructeur bois 2025, il y a au moins deux nouveaux produits à intégrer :
– le panneaux 3-plis,
– et le panneau en fibre de bois rigide.
La préfa ou "hors-site" adore le panneau en fibre de bois rigide. Le bémol, c’est qu’en France, les nouvelles FDES on intégré qui sait par qui un amendement stipulant que dans les calculs, tout le carbone stocké par les matériaux de construction serait relargué d’autorité après 50 ans. Dans le cas de Gutex, l’utilisation totale des résidus en bois énergie, la proximité immédiate d’une déchetterie et la profusion de panneaux photovoltaïques rendent cette immense installation d’industrie lourde autonome. Quand à la matière ligneuse, elle vient d’un rayon de 80 km.
Le problème industriel ne réside pas dans l’aval de la production car à la différence des contreplaqués ou HDF, il n’est pas nécessaire de presser de larges surfaces avec une pression maximale. Le plus dur est de défibrer le bois. Apparemment, l’ancienne méthode humide était encore nettement plus énergivore, car il fallait hacher le bois, le faire mariner, le sécher etc. La technologie dite sèche est en tout cas plus sèche que la précédente, mais le process demande des installations considérables, avec ses tours caractéristiques d’installations de cyclones.
Quand on pense qu’un panneau standard comme l’OSB n’est servi en France que par une seule usine, la mise en service quasi-simultanée des productions de Casteljaloux, Épinal et Eschbach en bordure de Rhin, plus les productions intermittentes d’Isonat, font penser que le marché français du panneau rigide en fibre de bois est bien desservi pour un bon bout de temps. Non seulement à cause du climat, mais aussi pour des raisons d’isolation acoustique notamment en rampant.
Désormais, le panneau rigide à toutes les chances de devenir un panneau de construction de base en France.
Construction Durable
La mise en route de deux nouveaux sites de production de panneaux en fibre de bois rigides crée une capacité de plusieurs de millions de m3 pour rivaliser et remplacer en partie l’industrie papetière.