L’agence Vivarchi, présente à la Galerie de l’Architecture Bois/Biosourcé du XXIe siècle dans le cadre du 14e Forum International Bois Construction, a également fait une conférence dans le cadre de BIM World 2025 sur le "BIM futé".
Les conférences du Forum ont révélé l’usage, pour la construction du siège du BE suisse Pirmin Jung, de l’environnement Dalux. Quant aux Tribunes des Innovations qui ont accompagné les conférences du Forum sur toute leur durée, elles font apparaître une nouvelle proximité entre le monde BIM et la nouvelle construction climatique, notamment autour de la question du calcul carbone.
Exemple d'utilisation de SketchUp par l'agence Vivarchi. © Vivarchi
Chez Vivarchi, Patrick Thomas a commencé de mêler la conception architecturale à l’informatique en 1988 avec un Macintosh SE sans disque dur. Dix ans plus tard, il se rend compte que Cadwork produit des maquettes 3D. Mais la seule possibilité est d’exporter des fichiers Autocad en 2D. En 2015, il constate que SketchUp dispose d’un import et export IFC qui est compatible avec Cadwork. Il devient possible d’échanger les fichiers selon une approche BM (Building Modeling), et de concevoir ainsi notamment la Maison solaire avec de nombreuses courbes, couronnée par un prix régional de la construction bois en catégorie maison individuelle.
En 2016, Patrick Thomas participe à une formation de BIM management pour architectes et tout le monde se moque d’abord de son logiciel SketchUp, avant de se rendre compte de la précision des détails développés.
Indication du Plug-In EOC ECO2. © Eckersleigh O'Callaghan
Aujourd’hui, Vivarchi défend le BIM futé, toujours avec SketchUp, et cela se passe comme suit. BIM signifie pour Patrick Thomas "mieux collaborer, mieux anticiper pour mieux construire".
Pour un projet donné, tout commence par une interrogation du maître d’ouvrage, suivi par un tour d’horizon des moyens informatiques des intervenants des différents lots. Il s’avère que les lots d’échange principaux sont la charpente (Vivarchi privilégie la construction bois) et le lot CVC, à la fois en échange BE et exé. C’est entre la charpente et le CVC que les risques de collision sont les plus importants. Parfois, il embarque les maçons, les menuisiers. La CVC travaille surtout en Revit ou avec les solutions Trimble. Il faut s’accorder sur un espace de stockage, notamment le Français Kroqi, et sur les modalités d’usage en termes de mise à jour et pour éviter les mouvements de très gros fichiers. On procède à des essais pour s’assurer que les préférences sont bien réglées. Les exports et imports se font par fichiers IFC sans grands problèmes. La dernière version n’est pas une maquette de gestion, aujourd’hui, la maîtrise d’ouvrage ne paye pas pour ça et ne dispose généralement pas des compétences et des outils pour la gérer. Il arrive que les fichiers DWG 2D du maçon soient intégrés à la maquette numérique. Pour Patrick Thomas, c’est de l’anti-stress permettant d’éviter les collisions et d’aborder la phase de chantier en toute sérénité. Les derniers projets de l’agence montrent qu’il est possible de gérer des chantiers dont l’enveloppe atteint 5 millions d’euros. Ce qui veut dire que le BIM futé peut concerner l’essentiel des activités du bâtiment, avec des frais informatiques limités.
Fiche résumé de l'outil carbone développé par Eckersley O'Callaghan pour Revit. © Eckersley O'Callaghan
Le magnifique centre de formation d’Egletons, Bois PE, fête ses dix ans de formations et dès le début, son initiateur Christian Fanguin misait sur SketchUp. Désormais, Bois PE propose une formation passée de deux à trois jours, SKETCHUP COB, pour spécialiser le modeleur SketchUp pour la construction bois, en y associant des outils de dessin spécialisés et de débit automatique. Bois PE précise : "Ce savoir-faire nouveau peut permettre de bâtir un projet complet, aussi bien pour la commercialisation (esquisse très rapide de projets) que pour la fabrication et le chantier. De fait, Bois PE est passé maître au fil des ans dans l’utilisation du logiciel, réalisant toutes les illustrations de ses nombreuses synthèses pédagogiques avec."
La dernière formation SKETCHUP COB a eu lieu à Egletons du 5 au 7 mars, la prochaine est programmée du 18 au 20 juin 2025.
Siège de l'entreprise Pirmin Jung en construction. © Pirmin Jung
Avec le recul, il apparaît que tout le flan autour du BIM a été généré depuis quinze ans par Autodesk pour pousser sa maquette numérique 3D Revit. La présence du concurrent Nemetschek a été utile pour mieux masquer une offensive commerciale privée. Ce travail a porté ses fruits dans le sens où Revit s’est imposé (avec son concurrent de toujours), ce qui était l’objectif visé.
Quant au full BIM, la remise systématique au maître d’ouvrage d’une maquette numérique au réel des plans de recollement pour une utilisation judicieuse à l’usage jusqu’à la fin de vie, reste virtuel malgré les beaux discours, quand bien même cette finalité devient de plus en plus nécessaire dans le cadre du développement de la circularité et du réemploi.
Dalux, l'interopérabilité par portable pour tous les acteurs du chantier, dans ce cas pour la rélisation du siège de Pirmin Jung à Sursee. ©Pirmin Jung
À la Tribune des Innovations du dernier Forum International Bois Construction au Grand Palais, les ingénieurs de Eckersley O’Callaghan ont présenté l’EOC ECO2 Tool, un Plugin sur Revit pour automatiser l’ACV des structures. Douraya Kessaria du BE Eckersley O’Callaghan constate dans son pitch : "Aujourd’hui, les bilans carbones prennent du temps !" L’outil gratuit proposé par le BE va permettre aux agences de concevoir avec une vision claire des coûts carbone. Le BE l’a développé pour lui et en fait une utilisation publicitaire originale, présentée fort à propos au Forum, à peine deux mois après l’entrée en vigueur des nouveaux seuils carbone de la RE2025.
Au Forum, Pirmin Jung, leader des BE bois du monde germanique (145 ingénieurs BE bois sur sept sites !), fait la démonstration du lien à développer entre la demande vertueuse de circularité et de recours aux matériaux naturels, et la performance des nouveaux outils numériques. Quand il s’était agi en 2019 de construire le siège de l’entreprise, face au constat de l’écart entre le discours BIM et la réalité, l’ingénieur était parti une semaine s’inspirer en Californie à l’université de Stanford. Il en est revenu avec une démarche BIM réelle qui lui permet cette fois de récolter les fruits de la conception comme utilisateur de l’ouvrage.
Sur ce chemin, le recours au logiciel danois Dalux a été inspirant, car tous les ouvriers impliqués ont disposé des plans de détail sur leur téléphone portable. Au Forum, c’était la première fois que l’on entendait parler de Dalux. Mais Dalux existe en France, et Wewood s’en sert entre autres logiciels BIM dans le périmètre d’un contrat-cadre signé avec Bouygues. Dalux exposait à BIM World, et sa politique de communication est particulière. Reste tout de même à se demander si le monde de la nouvelle construction climatique, dans le sillage de Pirmin Jung, ne devrait pas s’approprier ces nouveaux outils, et pas seulement rester un secret des majors.
Et si demain la gestion BIM des projets était gérée par l’intelligence artificielle ? En général, c’est le genre de questions où la réponse est : c’est déjà le cas. Sauf que dans la pratique de 99 % des chantiers français, les projections des vendeurs de BIM d’il y a dix ans n’ont jamais été atteintes. L’IA va arriver, peut-être se répandre plus vite et peut-être qu’elle permettra de faire des progrès en termes de carbone, de réutilisation des matériaux et systèmes, d’optimisation des coûts. On va quitter le lieu commun de la non qualité des chantiers comparée au graal de l’industrie automobile et avancer, avec, l’IA, vers une compréhension plus fine et plus humaine des chantiers.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven / © Bois PE
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