Trimestre après trimestre, l’artisanat du bâtiment s’enfonce dans une crise profonde, sans réponse adaptée du gouvernement. Depuis plus de deux ans, la CAPEB tire la sonnette d'alarme sur le recul auquel fait face le secteur du BTP tout en proposant des solutions afin de relancer le marché. Les derniers chiffres de conjoncture publiés par la CAPEB confirment cette situation "alarmante".
Pour Jean-Christophe Repon, président de la CAPEB, ici en photo, les "chiffres du premier trimestre 2025 confirment ce que nous redoutions et cessons de prévenir depuis deux ans maintenant. Notre secteur s’enfonce dans une crise structurelle. Ce constat est d’autant plus inadmissible que nous avons agi en responsabilité en formulant de nombreuses propositions concrètes sans impact budgétaire pour l’État. Aucune n’a trouvé d’écho auprès du gouvernement. Aujourd’hui, nous dénonçons la non-assistance dont a fait l’objet notre secteur. Cette indifférence à l’égard d’entreprises au cœur du dynamisme économique local, et des transitions environnementales et sociétales est coupable." © Émilie Wood
Le volume d'activité du secteur a reculé de - 5 % au premier trimestre 2025 par rapport au premier trimestre 2024, une baisse qui s'inscrit dans une tendance négative persistante depuis plus d'un an. Cette dégradation touche tous les segments du marché. La chute de la construction neuve, si elle demeure marquée, s’atténue (- 10 %). En revanche, elle se creuse dans l'entretien-amélioration (- 2 %) et les travaux de performance énergétique (- 1,5 %), ce qui constitue un paradoxe d'autant plus prononcé que l’activité de rénovation des bâtiments devrait être au cœur de la stratégie nationale bas carbone. "On a la sensation que le marché [de la rénovation énergétique] s'organise pour des gros faiseurs, des intermédiaires et qu'on ne facilite pas l'accès au marché à des très petites entreprises", estime auprès de l'AFP Jean-Christophe Repon.
Pour la CAPEB, le gouvernement "s’entête dans une politique étriquée de soutien exclusif au neuf", semblant ignorer la réalité du marché. Selon l'ADEME, le besoin annuel de logements nécessaires oscillerait entre 120 000 et 350 000 unités par an. Or, cumulé sur 12 mois, on dénombre près de 300 000 logements mis en chantier en février 2025. Faire de la construction neuve la priorité en matière de politique du logement alors que l’offre de logements neufs est actuellement suffisante est donc la "traduction d’une analyse erronée des besoins."
Alors que la massification des travaux de rénovation énergétique et d’adaptation au vieillissement est une condition sine qua non de l’atteinte des objectifs climatiques et sociétaux, l’État demeure sourd aux signaux d’alerte. Pire, les décisions prises dans le cadre du projet de Loi de Finances 2025 (hausse du taux de TVA réduit sur certains équipements, réduction des aides à l’apprentissage, augmentation de certaines charges sociales) vont à rebours des ambitions affichées et ont une incidence directe sur la confiance des ménages, qui continue de s’éroder.
"On n'est pas au point bas et ce qui me trouble le plus, c'est l'emploi", s'inquiète Jean-Christophe Repon : en 2024, 27 300 emplois salariés ont disparu, dont 6 000 rien qu'au quatrième trimestre.
Les défaillances d'entreprises artisanales du bâtiment ont bondi de 15 % au quatrième trimestre de l'année dernière, par rapport à la même période en 2023, pour atteindre 4 229. À fin mars, les carnets de commandes ne se remplissaient toujours pas : 70 jours de travail en stock en moyenne, soit 30 % de moins que début 2022, avant que la hausse des taux d'intérêt et des coûts de construction mette un coup d'arrêt à la construction neuve.
"Les entreprises de 8 à 10 salariés passent à 4 salariés", constate le président de la CAPEB : "dégraisser les effectifs, c'est le premier moyen d'avoir moins de charges quand on n'a pas de trésorerie". Il dit ne pas avoir "l'impression que les pouvoirs publics aient conscience" de la gravité de la crise et accuse le gouvernement de "non-assistance à artisan en danger".
Enfin, le corps de métier le plus sensible à la crise de la construction neuve, c'est la maçonnerie, qui affiche la plus forte baisse de son activité (- 6,5 %) au premier trimestre.
Parmi les solutions pensées par la CAPEB (et qui n’ont, à ce jour, pas été retenues par le gouvernement), on retrouve :
– l’accès simplifié au RGE par la VAE (Validation des Acquis par l’Expérience) : un outil de valorisation des compétences existantes à partir des audits de chantiers, simple à mettre en œuvre, permettant de renforcer rapidement les capacités d’intervention des artisans ;
– La simplification du GME (Groupement Momentané d’Entreprises) : une structure souple et adaptée à l’artisanat, permettant à plusieurs petites entreprises de répondre collectivement à des marchés de rénovation globale, sans dilution de leur autonomie ni complexité administrative inutile.
De fait, la CAPEB appelle, entre autres, à un engagement budgétaire cohérent, durable, et ancré dans les réalités économiques des petites entreprises artisanales, mais également à un Grenelle du logement qui intégrerait à la fois la construction neuve et la rénovation énergétique pour résoudre durablement la crise que traverse le logement en construisant une politique du logement qui repose sur l’existant, ainsi que le recommande l’ADEME.