LGV du Sud-Ouest et chantier de l'A69 : même combat (et mise à l'arrêt) ?

La future LGV. © Alstom

Alors que des opposants réclament l'arrêt de travaux près de Bordeaux pour la LGV du Sud-Ouest, sur le chantier déjà arrêté de l'A69, le ministre des Transports est "déterminé" à ce qu'il soit "mené à bien".




Les opposants à la LGV (Ligne à Grande Vitesse) du Sud-Ouest ont demandé en référé la suspension d'un chantier pour cause d'"atteintes irréversibles" à l'environnement, une interruption dont le coût dépasserait 120 millions d'euros selon SNCF Réseau, qui espère poursuivre les travaux. Ont-ils été inspirés par l'effet chantier arrêté de l'A69 ?

 

 

 

La LGV, un investissement pour le siècle ?

Plusieurs associations environnementales ont contesté devant la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux l'autorisation préfectorale délivrée pour des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB), préalables au chantier de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax

D'un coût évalué en 2020 à 14 milliards d'euros, la LGV Sud-Ouest doit relier, en 2032, Toulouse à Paris en 3H10, gagnant une heure sur l'itinéraire actuel. Un embranchement doit rallier Dax à Bordeaux en 20 minutes de moins et, un jour, permettre des liaisons directes avec l'Espagne. Pour ses promoteurs, dont les présidents de région socialistes Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine) et Carole Delga (Occitanie), cet "investissement pour le siècle" permettrait de "sortir" de la route les 10 000 camions qui remontent chaque jour d'Espagne, en libérant les lignes existantes pour le fret.

Les opposants (élus locaux, habitants, sylviculteurs ou viticulteurs) dénoncent un projet "mortifère" pour l'environnement et réclament la rénovation des lignes existantes.

Pointant des "atteintes imminentes et irréversibles sur l'environnement", ces associations ont dénoncé un "morcellement de l'habitat" du vison d'Europe, espèce protégée. "C'est une infrastructure existante, qu'on élargit. Sur la fragmentation, l'argumentation est difficile à comprendre", a répliqué Me Pascale Pessoa, avocate de SNCF Réseau. "Les impacts sont maîtrisés", a abondé la représentante de la préfecture, soulignant "l'intérêt public du projet" pour décarboner les transports et aménager le territoire. SNCF Réseau a assuré qu'un décalage des travaux de 12 à 18 mois entraînerait un surcoût de 120 à 160 M EUR et un report de deux à trois ans du projet. 

"Cette suspension va entraîner des pertes, mais vaut-il mieux couper le bras maintenant ou le corps entier dans quelques mois en cas d'annulation sur le fond ?", a lancé Me Caroline Facelina-Tabard, l'une des avocates des associations. Elle a évoqué "l'arrêt trop tardif des travaux sur l'A69", projet stoppé par la justice administrative fin février, avant d'énoncer plusieurs chiffres sur le "traumatisme" de ce chantier autoroutier Toulouse-Castres. "On n'est pas du tout dans cette affaire, peut-on revenir au dossier ?", est intervenue la présidente.

 

 

 

Pendant ce temps, sur le chantier arrêté de l'A69...

"Je pense qu'il faut aller au bout de ce projet, je suis déterminé à ce qu'on puisse le mener à bien et j'espère que la justice nous donnera raison parce que je pense qu'on a raison", a déclaré le ministre Philippe Tabarot, en compagnie d'élus locaux et de responsables de l'autoroute, sur un viaduc du chantier aux abords de Castres, ville d'arrivée de ce qui doit être la future A69 la reliant à Toulouse. 

Dans son jugement du 27 février, le tribunal administratif de Toulouse avait annulé l'autorisation environnementale délivrée par l'État, estimant qu'il n'y avait pas de RIIPM (Raison Impérative d'Intérêt Public Majeur) pour justifier les atteintes à l'environnement occasionnées par le chantier. Le 24 mars, l'État a annoncé avoir fait appel du jugement du 27 février du tribunal administratif de Toulouse ayant arrêté les travaux, tout en joignant une demande complémentaire de sursis à exécution. Cet outil procédural doit permettre, si la cour d'appel administrative y fait droit, de suspendre les effets du jugement du tribunal et donc de reprendre les travaux (suspendus depuis plus d'un mois). L'examen formel de cette demande de sursis à exécution pourrait intervenir après la mi-mai.

 

"J'espère de tout cœur que tout cela pourra rentrer dans l'ordre et que sur d'autres projets sur l'ensemble du territoire national, les choses pourront se faire en prenant en compte la question environnementale mais en n'oubliant pas que notre pays a aussi besoin de mobilité et de développement économique pour ses habitants", a précisé le ministre, ici en photo, qualifiant de "désolant" le "coup dur pour l'économie locale" que représente l'arrêt des travaux. "Si j'ai bon espoir que la cour administrative de Toulouse puisse prononcer un sursis a exécution, il est évident que le chantier ne pourra pas redémarrer du jour au lendemain", a encore souligné Philippe Tabarot.

 

 

 

LGV Sud-Ouest : la justice refuse de suspendre les travaux

Le tribunal administratif de Bordeaux a finalement refusé de suspendre le chantier préalable à la LGV du Sud-Ouest, jugeant, contrairement aux opposants à cette ligne à grande vitesse, qu'il ne porte pas "d'atteintes irréversibles" à l'environnement.

Les travaux, déjà en partie réalisés entre fin octobre 2024 à mi-mars 2025, et qui ne seront repris qu'à partir de "l'automne 2025" permettent "le respect du cycle biologique de cette espèce [le vison], notamment la période d'élevage des jeunes", a estimé la juge des référés, selon le communiqué du tribunal.

Elle a également jugé que "les effets des travaux autorisés ne peuvent être qualifiés d'irréversibles sur l'état de conservation de cette espèce compte tenu des mesures d'évitement [...] et de compensation imposées à la société SNCF Réseau, consistant à restituer 4,8 fois la perte de surface de son habitat impacté par le projet". Selon elle, ses travaux sont "indispensables" à la réalisation des nouvelles lignes et "nécessaire" afin de fluidifier le trafic ferroviaire au sud de Bordeaux ; des aménagements qui "contribueront à la diminution des gaz à effet de serre et à l'amélioration de la sécurité routière".

Étienne Guyot, le préfet de la Gironde, s'est réjouit d'une "très bonne nouvelle" qui va permettre à SNCF Réseau de poursuivre les travaux engagés "dans le respect du cadre réglementaire".




Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat /  © Alstom

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Après un doctorat en Littérature française, puis un passage de quelques années dans l'enseignement (du français, notamment aux Compagnons du Devoir et du Tour de France), Laure Pophillat s'est tournée vers la rédaction web, ainsi que le journalisme. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent !

Aujourd'hui rédactrice en chef du bimédia Batirama, elle oriente la ligne éditoriale vers un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière bâtiment et construction, avec une prédilection pour les portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
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