En France le photovoltaïque traverse des eaux troubles en ce début d’année 2025. Pourtant, l’année 2024 a été plutôt bonne pour le photovoltaïque. Selon le ministère Aménagement du Territoire et Transition Ecologique, au 31 décembre 2024, la puissance du parc solaire photovoltaïque en France métropolitaine atteint 25,3 GW. En 2024, 5 GW supplémentaires ont été raccordés, contre 3,4 GW en 2023. La production d’électricité d’origine solaire photovoltaïque s’élève à 24,5 TWh en 2024, en hausse de 9 % par rapport à 2023. Elle représente, hors autoconsommation, 5,2 % de la consommation électrique française sur cette période.
Dans le même temps, dans le cadre du programme de développement conjoint du CEA et de 3SUN sur la technologie des cellules solaires tandem pérovskite-sur-silicium, une nouvelle étape a été franchie, établissant un nouveau record d'efficacité de 30,8 %.
Cette cellule a été mise au point dans les laboratoires du CEA sur le site de l’Institut National de l’Énergie Solaire (INES). Installé en Sicile, 3SUN appartient au groupe Enel. C’est la première giga-usine européenne dotée de nouvelles lignes de production de panneaux photovoltaïques haut rendement de type silicium hétérojonction. Ses capacités atteindront 3 GW et incluront la production de cellules ainsi que l'assemblage en panneaux. L’architecture tandem utilisée par le CEA et 3SUN pour ce record permet de dépasser la limite théorique de rendement, fixée autour de 29 %, pour les technologies conventionnelles au silicium actuellement en production dans les giga-usines photovoltaïques. De plus, alors que la plupart des records internationaux sont réalisés sur des surfaces de 1 cm2, le CEA et 3SUN ont réussi cette performance sur une cellule de 9 cm2, ce qui devrait faciliter le passage à l’échelle industrielle. Ce succès illustre le fort potentiel de la cellule photovoltaïque tandem pérovskite-sur-silicium et la positionne comme un successeur crédible aux technologies conventionnelles à base de silicium actuelles.
La partie pérovskite de la cellule tandem augmente la captation de la lumière en absorbant mieux les photons de plus forte énergie (dans l’Ultra-Violet et sur une partie du spectre visible), améliorant ainsi le potentiel de rendement de la technologie. © 3SUN
En une année de développement, les équipes du CEA et de 3SUN ont gagné 2,4 points de pourcentage de rendement sur les cellules de ce type, passant de 28,4 % en janvier 2024 à 30,8 % en janvier 2025. C’est sur la base de cette excellente dynamique que le programme de recherche entre le CEA et 3SUN va se poursuivre, en 2025 et au-delà, pour aller adresser les dernières barrières permettant d’aller vers la production de masse avec notamment le passage à des cellules de plus grande surface et l’amélioration de leur durée de vie. Pour illustrer tout le potentiel de de cette technologie tandem, on peut évaluer le gain attendu si on remplaçait dans nos champs solaires les technologies conventionnelles actuelles (cellules autours de 25/26 % de rendement) par des tandems avec des cellules à 30/31 % de rendement :
– augmentation de la production d’électricité de plus de 20 % ;
– Ou réduction de l’occupation des sols de la centrale et de son impact CO2 d’environ 20 %.
De son côté, au cours des trois dernières années, Longi a battu le record d’efficacité des cellules 18 fois. En 2024, l’entreprise a atteint un rendement de 34,6 % pour une cellule tandem pérovskite-sur-silicium et de 27,30 % pour une cellule en siliocium monocristallin à hétérojonction et contact arrière (HBC : Heterojunction Back Contact). En ce qui concerne les modules, Longi a annoncé en octobre 2024 que son nouveau module HPBC 2.0 a atteint un rendement de 25,4 %, certifié par loe Fraunhofer ISE, un institut allemand. © Longi
En ce qui concerne les mauvaises nouvelles, tout d’abord, le distributeur de systèmes solaires photovoltaïques français Oscaro Power a fait faillite le 22 février et sera liquidé. Deuxièmement, les premières rumeurs qui circulent sur la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie), laquelle devrait être publiée fin mars ou début avril, font un état d’un objectif de 54 GWc installés pour le photovoltaïque en 2030. Ce qui correspond à la fourchette basse soumise à consultation à l’automne 2024 qui était de 54 à 60 GWc. Rappelons que le parc installé fin décembre 2024 atteint 25,3 GWc. Pour 2035, l’objectif de la PPE oscillerait entre 64 et 90 GW, soit bien moins que les 75 à 100 GW envisagés lors de la consultation en décembre dernier. C’est à la fois bizarre et idiot.
Bizarre parce que la seule application de la Directive Européenne sur l’Efficacité Energétique des bâtiments, qui demande du solaire sur tous les bâtiments publics neufs à compter de 2027 et sur tous les bâtiments neufs à partir de 2030 devrait mécaniquement aboutir à une puissance installée nouvelle de 2 GWc par an entre 2030 et 2035, soit 10 GWc. La PPE envisage donc implicitement de le limiter le développement du PV aux bâtiments pour atteindre un objectif de 64 GWc en 2035.
C’est idiot, parce que le PV se développe à visite accélérée à travers le monde et l’Europe, poussé par la baisse des coûts des matériels et l’attrait de l’autoconsommation. Pourquoi est-ce que la France tenterait de s’exclure de ce mouvement ? D’ailleurs, l’ADEME évaluait le coût de l’électricité photovoltaïque produit sur une toiture entre 76 et 91 €/MWh en 222, soulignant que ce coût a baissé de 80 % depuis 2021.
Troisième mauvaise nouvelle, tombée le 12 février : un projet d'arrêté gouvernemental. Le projet prévoit une baisse significative de la prime à l'autoconsommation ainsi qu'une diminution du tarif d'achat du surplus d'électricité injecté sur le réseau, visant à réduire le soutien de l'État aux installations photovoltaïques de moins de 500 kWc. Ce que l’on appelle le segment S21. Le projet envisage une baisse significative de la prime à l'autoconsommation ainsi qu'une diminution du tarif d'achat du surplus d'électricité injecté sur le réseau, avec un effet rétroactif au 1er février 2025. Il suscite une vive inquiétude parmi les professionnels du bâtiment et toutes les organisations professionnelles, CAPEB, Coedis, FFB, Enerplan, SER, etc. sont montées au créneau pour expliquer que cela risquait de se traduire par des licenciements et des faillites d’entreprises.
En 2024, près de 226 000 installations PV résidentielles ont été effectuées par plus de 5 000 entreprises qualifiées, qui emploient entre 20 000 et 30 000 personnes. Parmi ces professionnels figurent un grand nombre d’artisans du bâtiment, approvisionnés par la distribution professionnelle au second œuvre du bâtiment. Une question écrite a été posée à ce propos à l’Assemblée Nationale, par Xavier Roseren, député de la sixième circonscription de Savoie. En date du 7 mars, le ministre de l'Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à l’origine du projet d’arrêté, n’avait pas encore répondu.
Saisi de ce projet d’arrêté, le CSE (Conseil Supérieur de l’Énergie) a rendu son avis le 6 mars, après six heures de délibérations. Ce dernier conteste l’idée du gouvernement d’instaurer une dégressivité brutale du tarif S21, appelant au contraire à maintenir un tarif fixe de 95 €/MWh, jusqu’à ce qu’un nouveau dispositif de soutien alternatif soit mis en place. Ce nouveau dispositif serait un appel d’offres simplifié qui se substituera à l’arrêté tarifaire pour les installations entre 100 et 500 kWc de puissance. On ne sait pas encore à quel moment il pourrait intervenir, mais le monde du PV souhaite qu’il s’applique dès juillet 2025. L’avis du CSE demande de plus qu’une caution soit mise en place, par la Caisse des dépôts et consignations, afin de garantir la qualité des dossiers qui seront déposés dans les prochains mois.
L’avis du CSE demande aussi que soit épargné au marché des installation de 9 à 100 kWc, une dégressivité trop importante et trop rapide qui le mettrait en danger. © PP
À propos de l’autoconsommation des particuliers, Le CSE demande que les baisses de tarifs et de primes interviennent après l’entrée en vigueur du taux de TVA réduit à 5,5 %. L’arrêté définitif est attendu début avril.
Soufflant le froid et et le chaud, après la menace sur le segment 100 à 500 kWc, le gouvernement a publié un nouvel arrêté le 5 mars qui améliore et facilite l’autoconsommation collective pour les collectivités territoriales. Selon Florian Ferjoux, avocat au cabinet Gossement Avocats, ce nouvel arrêté :
– augmente le seuil de puissance cumulée des installations de production d’une opération d’autoconsommation collective étendue à 5 MW (au lieu de 3) pour les opérations localisées sur le territoire métropolitain continental ;
– Introduit une nouvelle dérogation aux critères généraux des opérations d’autoconsommation collective étendue pour les collectivités territoriales.
Une dérogation pourra ainsi être accordée à tout projet d’autoconsommation collective étendue situé sur le territoire métropolitain continental, qui répond simultanément aux trois critères suivants :
– l’un des producteurs ou des consommateurs participants est une commune ou un EPCI à fiscalité propre ;
– L’ensemble des producteurs et des consommateurs participants sont des organismes publics ou privés exerçant une mission de service public ou des sociétés d’économie mixtes locales mentionnées et leurs filiales ;
– Les points de soutirage et d’injection sont situés exclusivement dans le ressort géographique de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre participant au projet ou auquel adhèrent la ou les communes participant au projet.
La puissance cumulée des installations de production des projets répondants aux critères cumulatifs de cette dérogation est inférieure à 10MW. Un pas en avant, un pas en arrière semble être la devise adoptée par le gouvernement en ce qui concerne la réglementation sur le photovoltaïque.