Chauffage au bois : outil écologique ou catastrophe sanitaire ?

Le chauffage au bois suscite de nombreux débats quant à son impact sur la santé humaine. © Dominic Morel

Le chauffage au bois suscite des débats animés (notamment sur Batirama !) quant à son impact en matière de pollution comme sur la santé humaine. Qu'en est-il vraiment ? Découvrez notre grande enquête sur le sujet.




Outil écologique ou catastrophe sanitaire ? Le chauffage au bois suscite de nombreux débats quant à son impact sur la santé humaine. S’il est vrai que les appareils se sont considérablement améliorés depuis vingt ans, la recherche soulève de nombreux dangers sanitaires largement inexplorés.

 

Un immense hangar, des machines de mesure en tout genre, des échantillons, des filtres… et au milieu, trône un poêle à bois. Nous sommes au siège de l’Ineris, l’Institut national de l’environnement industriel est des risques, près de Creil dans l’Oise. Depuis 2002, l’institut mène régulièrement des expériences pour quantifier et analyser les pollutions émises par le chauffage au bois.


Banc d’essai à émission chauffage au bois de l’Ineris, installation des projets de recherche WOODNIGHT – WOODTOX-ALI : ils étudient la formation des particules secondaires dans l'air, à partir des émissions d'un poêle à bois (bûches) moderne, en simulant différentes conditions de vieillissement atmosphérique, de jour et de nuit. Ils comparent aussi la toxicité de ces particules sur des cellules pulmonaires humaines. Co-financement ADEME / ANSES. © Roman Epitropakis

 

 

"Une des spécificités de ces projets est de simuler le processus physico-chimique ayant lieu dans l’atmosphère. L’objectif est de tester l’effet des émissions issues du poêle à bûches sur des cellules pulmonaires humaines, situées ici à l’intérieur de ces dispositifs", explique par-dessus le brouhaha des équipements du laboratoire Isaline Fraboulet, responsable de l’unité de Caractérisation des émissions atmosphériques et aqueuses. L’expérience se clôt dans quelques jours et aura duré plus d’un mois. Les résultats quant à eux seront analysés et disponibles d'ici deux à trois ans.


Les particules fines et autres aérosols sont récupérés grâce à des filtres (à droite, noircis dans les bocaux cylindriques) ou bien grâce à des solvants (dans des flacons de couleur jaune). © Roman Epitropakis

 

 

 

Le bois le principal émetteur de particules… très fines !

Les études comme celles-ci se multiplient depuis plusieurs années. Et pour cause, le chauffage au bois est le principal émetteur de particules fines, elles-mêmes à l’origine de 40 000 morts en France. Plus précisément, les statistiques de 2022 du Citepa (Centre Interprofessionnel Technique d'Études de la Pollution Atmosphérique) montrent que le bois de chauffage est responsable de la pollution des plus petites particules fines

– à hauteur de 39 % pour celle de 10 micromètres (PM10), 

– 57 % pour celles de 2,5 micromètres (PM2,5) en France.

 

Or plus les particules sont fines et plus elles sont dangereuses pour notre santé car elles s’immiscent profondément dans les alvéoles de nos poumons. Pour rappel, l’inflammation des poumons par ces particules "contribue au développement de maladies chroniques telles que des maladies cardiovasculaires, respiratoires ou encore neurologiques, et des cancers" explique Santé Publique France. Alors pour préserver notre santé, faut-il arrêter le chauffage au bois, combustible le moins cher et utilisé par un quart des Français ? La réponse n’est pas si simple…

 

 


Des avancées considérables sur les appareils

Bonne nouvelle, l’amélioration des appareils de chauffage a permis une réduction drastique des émissions de particules fines. Un appareil à foyer fermé datant d’avant 2002, émet par exemple trente fois plus de particules fines par an (94 kilos) qu’un appareil foyer à foyer fermé Label flamme verte 5 étoiles (3 kilos), selon la Drieat, la Direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports

Ces progrès ont grandement participé à l’amélioration de la qualité de l’air observée depuis une trentaine d’année. Au niveau national, les émissions de particules fines (PM2,5) ont ainsi été réduites de 19 % entre 2019 et 2023 et même de 65 % depuis 1990 selon le rapport du Citepa publié en 2024.

Le problème est qu’une part significative de vieux appareils résiste encore et toujours à l’évolution. "On observe que malgré les ventes de nouveaux appareils, il reste toujours une base vieillissante d’appareils de plus de 17 ans qui représentent encore un tiers du parc dans les maisons en France", analyse Benjamin Cuniasse, chargé d’études au Citepa. "Ces vieux appareils polluent d’autant plus qu’ils deviennent moins performants avec les années."

 

Source : Ademe, Bilan national du chauffage au bois en 2020, juin 2024

 

 

 

L’utilisateur doit assimiler les bonnes habitudes pour ne pas polluer

Parallèlement, la pollution du chauffage au bois dépend fortement des bons gestes de l’utilisateur. 

 

 

Le choix du bois

Sur le choix du bois tout d’abord : un bois trop humide se consume mal et génère beaucoup plus de pollution, alors que l’idéal est un bois séché à l’abri pendant environ 18 mois, soit environ deux hivers. Un arrêté a d’ailleurs été publié en 2022 pour imposer un taux d’humidité maximal de 23 % pour le bois de chauffage prêt à l’usage. "Malheureusement, le problème est que toute une partie du bois bûche est vendu hors filière commerciale officielle…", précise Isaline Fraboulet de l’Ineris.

 

 

Le ramonage des cheminées

Enfin, le ramonage des cheminées, à raison de deux par an, est essentiel pour mieux oxygéner de la combustion et encore une fois pour brûler le plus possible de particules. À ce titre, les bas régimes – particulièrement prisés la nuit – sont également à éviter car avec moins d’oxygène, tout le carbone n’est pas consommé et les émissions de résidus augmentent.

Appareil dernier cri, entretien régulier, bois de qualité, etc. : ces éléments mis bout à bout, la facture du chauffage au bois s’envole. Or, le bois est justement sollicité pour être la solution de chauffage la moins chère.

 

 

 

Les autorités de plus en plus prudentes vis-à-vis du chauffage au bois

Quand bien même tout le parc français serait équipé avec des appareils de dernière génération alors que les utilisateurs adoptaient les bons gestes, la pollution au bois serait-elle résolue ? Pour répondre à cette question, un élément crucial reste à identifier : on ne sait pas encore précisément sur quel périmètre se déploient les particules fines autour d’un foyer. Des recherches sur ce point sont en cours.

Cependant, l’amélioration des appareils de chauffage au bois omet un autre paramètre important : le "chauffage au bois émet également des particules ultra-fines (de 0,1 microgramme), qui ne pèsent presque rien mais peuvent quand même être très présentes en très grande quantité dans l’air", alerte le chercheur Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche au CNRS d’Orléans spécialisé sur la pollution de l’air. "Or, l’ambiguïté du système actuel est que toutes les mesures sont en masse, en microgramme par mètre cube, mais pas en nombre."

Pour le chercheur, le chauffage au bois ne pose pas de problème pour une maison isolée dans une géographie aérée, mais plus l’habitat est dense, plus son utilisation est dangereuse. "Dans les zones moins bien ventilées comme les vallées alpines, c’est une folie sanitaire. Si l’ensemble de la population se chauffait au bois, cela serait catastrophique du point de vue sanitaire." En témoigne la pollution emblématique dont souffre la vallée de l’Arve.

 

 

 

D’autres pollutions liées au chauffage au bois non découvertes…

Parallèlement, la science continue toujours de creuser les externalités négatives du chauffage au bois dont la liste s’allonge au fil des découvertes. Par exemple, les émissions ne concernent pas seulement les particules fines et ultrafines mais également d’autres substances comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui, liés à du carbone, sont très toxiques. Ces HAP ne sont encore que très peu mesurées aujourd’hui.

"Beaucoup d’études continuent, ajoute le chercheur Jean-Baptiste Renard, notamment pour savoir la taille les particules, leur dangerosité, leur composition et surtout comment elles se recombinent dans l’atmosphère pour créer de nouvelles substances toxiques." De son côté, l’expérience en cours au sein de l’Ineris à Creil cherche également à comprendre les réactions chimiques des aérosols au cours de la nuit – une période importante de chauffage l’hiver – où l’absence de soleil donne des résultats très différents.

 

 

La prise de distance du gouvernement vis-à-vis de ce mode de chauffage pourrait se traduire par le rabotage (- 30%) des subventions délivrées par le programme MaPrimRénov’ pour l’installation d’appareils plus performants pour les dossiers déposés depuis le 1er janvier 2025. Les grandes métropoles, densément peuplées, sont de plus en plus nombreuses à imposer des restrictions sur le chauffage au bois comme à Paris, Lyon, Grenoble ou encore Saint-Etienne. À plus haut niveau, c’est même la Commission européenne qui projette de durcir les normes en 2017 en interdisant les poêles et chaudières jugés trop polluants. Si les réglementations continuaient à se durcir au regard de tous les autres risques en cours d’étude, le chauffage au bois pourrait bien ne plus faire long feu…

 


Source : batirama.com / Roman Epitropakis / © Dominic Morel

L'auteur de cet article

photo auteur Roman Epitropakis
Roman Epitropakis est journaliste, spécialisé dans l'industrie et l'économie. Il couvre les thématiques de l'économie du BTP, les techniques de construction et la transition vers la construction durable et l’urbanisme durable.
1 Commentaire
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  • par hartov
  • 10/03/2025 16:42:32

On ne peut reprocher aux scientifiques de chercher les sources de pollutions pour améliorer la sante. Maintenant, quelles solutions économiques proposées au particulier ? Le fioul est banni. Le gaz "classique" reste une énergie fossile. Le gaz "vert" est-il si vert que cela. Que met-on dans les méthaniseurs ? L'électricité alors ? Pourquoi pas. Mais nucléaire ou pas ? Plus d'éoliennes ? Je note que le bois ne pose pas trop de problème dans les zones peu denses. Le bois à la campagne et le reste pour les villes ?

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