Licenciement : inaptitude ou disciplinaire, quel motif retenir ?

Dessin d'un employé se faisant montrer la porte par son patron.

Si un salarié est déclaré inapte à l'emploi par le médecin du travail, peut-il être licencié pour un autre motif? Les derniers cas de jurisprudence en droit du travail, par François Taquet, avocat.




En un mot, et en cas de pluralité de motifs, quelle est la cause de la rupture qui prime : l’inaptitude ou le motif disciplinaire ?

 

La jurisprudence a dû répondre à cette épineuse question. Pour la Cour de cassation, lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, les dispositions d’ordre public des articles L 1226-2 et L 1226-2-1 du Code du travail font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, même s’il a engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause (Cass soc. 8 février 2023, pourvoi n° 21-16258).

 

En d’autres termes, et après la déclaration d’inaptitude du salarié effectuée par le médecin du travail, l’employeur aurait dû abandonner la procédure disciplinaire pour se tourner uniquement vers la procédure de licenciement pour inaptitude.

 

Du côté de la jurisprudence en droit du travail

 

Inaptitude : faut-il proposer un autre emploi dans l'entreprise ?

Selon les dispositions du Code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. En l’espèce, l'avis d'inaptitude mentionne expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. La cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur était dispensé de rechercher et de proposer à la salariée des postes de reclassement. (Cass soc. 8 février 2023. pourvoi n° 21-19232)

 

Indemnisation pour cause de concurrence déloyale

 

La nullité de la clause de non-concurrence ne prive pas l'employeur du droit à indemnisation au titre d’actes de concurrence déloyale commis par son ancien salarié, sous réserve de démontrer que des actes de concurrence déloyale existent réellement (Cass soc 9 novembre 2022, pourvoi n°20-18922).

 

Attention à bien définir le contrat de travail à durée déterminée

 

Est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif. Cette exigence de précision quant à la définition du motif implique nécessairement que le nom et la qualification du salarié remplacé figurent dans le contrat lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée de remplacement. (Cass soc. 8 février 2023 pourvoi n° 21-14444).

 

Changement des conditions de travail d'un salarié

 

L’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d’un salarié. Ainsi même si la tâche donnée à un salarié est différente de celle qu’il exécutait antérieurement, on ne parle pas d'une modification du contrat de travail - à condition que cette tâche correspond à la qualification du salarié. (Cass soc. 25 janvier 2023 pourvoi n° 21-18141)

 

 

Du côté de l'Urssaf

 

Contrôle Urssaf : demande de documents supplémentaires par l'inspecteur du recouvrement

 

Il résulte de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale que l'inspecteur du recouvrement, à qui l'employeur n'a pas présenté les justificatifs nécessaires pour permettre le contrôle, peut solliciter de celui-ci, avant l'envoi de la lettre d'observations, la production de documents supplémentaires.

 

En application du même texte, les employeurs sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle tout document et de permettre l'accès à tous supports d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

 

En conséquence, dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire, si la société n'a pas apporté les éléments nécessaires à la vérification pendant cette même phase procédurale, aucune nouvelle pièce ne peut être versée aux débats devant le tribunal. (Paris. Pôle 6 - Chambre 12. 10 février 2023. RG n° 19/05283)

 

Est-il possible de se voir décerner une contrainte malgré une démarche de recours amiable?

 

Oui, les organismes de recouvrement du régime général conservent la possibilité de décerner une contrainte nonobstant la saisine de la commission de recours amiable. (Amiens. 2° protection sociale. 13 février 2023. RG n° 20/05232)

 

Différence entre la somme indiquée dans la lettre d'observation et la mise en demeure

 

Dès lors que rien n’explique la différence de 3.132 € (en défaveur du cotisant) entre la lettre d’observations et la mise en demeure, et que l’Urssaf n’apporte aucune explication pour tenter de justifier cette différence, ladite mise en demeure doit être déclarée irrégulière et la procédure de contrôle doit être annulée dans sa totalité. (TJ de Lyon. Pôle social contentieux général. 13 janvier 2023. RG n° 16/01761)

 

Validité d'une mise en demeure non reçue par son destinataire

 

La validité de la mise en demeure, qui, n'étant pas de nature contentieuse, obéit à un formalisme moins rigide que celui applicable à la contrainte, n'est pas affectée par son défaut de réception par le destinataire. Dans la mesure où celle-ci a bien été envoyée à l'adresse du redevable, elle reste valide. (Paris. Pôle 6 chambre 13. 3 février 2023. RG n° 19/08117)

 

La cour d'appel peut-elle accorder de délais de paiements ?

 

Une cour d’appel ne peut pas accorder de délais de paiement aux débiteurs de cotisations, hors cas de force majeure qui n'est pas allégué. En effet c'est au directeur de l'organisme d'accorder d'éventuels délais de paiements. (Paris. Pôle 6 chambre 13. 3 février 2023. RG n° 19/08117)

 



Source : batirama.com/ François Taquet, avocat/ Image © mohamed_hassan de Pixabay

L'auteur de cet article

photo auteur François TAQUET
François Taquet est professeur de droit social et avocat spécialisé dans le contrôle et le contentieux Urssaf. En plus de ses contributions régulières pour la presse, il est l’auteur de nombreux livres qui traitent de droit du travail et de sécurité sociale.
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