La préfabrication, cheville ouvrière du hors site

Fabrication hors site

Béton traditionnel ou architectonique, bois ou matériaux mixtes, les différentes filières constructives ont de nouveaux atouts avec le développement d'ateliers de préfabrication modernes. (Photo © SMJM)




La préfabrication béton a été développée dans les années 50 et 60 pour répondre à la construction des grands ensembles résidentiels. Synonyme de coûts peu élevés, de rapidité de pose et d'assemblage grâce à son industrialisation, elle ne fut pas toujours associée à une grande qualité visuelle. Cette dernière décennie, la technique s'est renouvelée et modernisée. Elle bénéficie de nouveaux outils logiciels de conception et de planification comme la modélisation 3D et le BIM mais aussi de fabrication avec les machines d'usinage multi-axes pour les moules ou l'impression 3D. L'innovation vient aussi du développement matériaux, avec le bois technique, les nouveaux aciers, le béton autoplaçant ou bas carbone...

 

 

Bouygues Bâtiment France et WeWood, son pôle d’expertise en construction bois, ont co-développée avec l'industriel TH, des solutions modulaires personnalisables pour les salles de classe. Un démonstrateur est visible à Chilly-Mazarin (91). ©Nicolas Grosmond

 

 

Construites en matériaux biosourcés et pré-équipés hors-site, les modules 3D développés par TH et Bouygues Bâtiment France abritent une salle de classe de 55 m² et une salle de travail de 39 m². Sa performance est compatible avec le seuil 2031 de la RE 2020. Avec ce module, l’impact carbone de la construction est réduit de près de 25% par rapport à une réalisation en béton en calcul sur le cycle de vie. Pour un coût similaire à celui d’une construction bois classique, la solution est adaptée aux chantiers de construction en neuf mais aussi pour des projets de rénovation, en surélévation notamment.

 

Les spécificités de la préfabrication hors site sont connues mais son usage doit être évalué en fonction de chaque projet. L'organisation doit inclure une préparation amont minutieuse. Une partie du budget et des délais du chantier sont reportés à l'étape de préfabrication en usine. De plus, les pièces sont fabriquées suivant un process industriel et à l'abri des intempéries, avec une qualité plus constante, variable en fonction du fournisseur. Enfin, avec la filière sèche les nuisances (bruit, poussière, etc) sont réduites sur le chantier.

 

Béton courbe et architectonique

 

L'usage de la préfabrication permet d'obtenir de petites séries d'éléments en béton brut, en particulier architectonique, de formes courbes, organiques ou drapées, avec une qualité de surface et de teinte homogène.

 

 

Le chantier I-TER (Inclure Inviter Innover) situé à Le Bouscat (33) près de Bordeaux, est prévu en livraison d'ici fin 2023. Réalisé par l'agence ECDM architectes pour Spie Batignolles Immobilier, ce programme mixe des fonctions tertiaires, d’enseignement supérieur et de commerces. Les formes courbes de l'enveloppe ont été obtenues avec des prémurs préfabriqués par la société Jousselin et matricés en utilisant la matrice  Kösher du fabricant Reckli. © Atelier Caumes

 

 

Pour le béton architectonique, la résidence Quartz en cours de construction dans le nouvel éco-quartier de la Pointe de Trivaux situé à Meudon-la-Forêt (92), est une belle illustration. Réalisé par l'agence Lambert Lénack Architectes et l'entreprise générale MTR, l'immeuble en R+5 a été conçu en losange avec une esthétique contemporaine en béton architectonique blanc. Sur le squelette central en béton coulé sur site, constitué des noyaux et des dalles, sont venues s'assembler 478 pièces préfabriquées par l'entreprise Cibetec. En particulier les 126 prédalles d'une épaisseur de 8 cm des balcons, conçues avec un angle, ont été préfabriqués avec les relevées de dalles. Outre les prédalles, 96 voiles structurels en L, 168 linteaux et 72 poteaux ont été réalisés sur mesure en usine.

 

 

Au rez-de-chaussée de la future résidence Quartz qui va abriter des commerces, le béton blanc des éléments préfabriqués (voiles, linteaux et poteaux), a été traité pour lui donner un aspect "cuir sablé fort". © Cibetec

 

 

Le défi du bas carbone

 

L'agence d'architecture Brenac & Gonzalez & Associés a livré récemment une belle opération mixte à Issy-les-Moulineaux au bailleur social Seine Ouest Habitat et Patrimoine (SOHP).

 

Le socle en béton accueille les 12 classes de l'école maternelle Sophie Scholl, sur laquelle repose la résidence "Canopée" et ses 104 logements. La résidence a été construite du R+2 au R+9 avec une structure bois en panneaux CLT qui apporte de la légèreté et des circulations verticales en béton.

 

"Une complexité du projet est venue de ces deux usages avec deux trames différentes superposées. D'autre part, la maîtrise d'ouvrage a souhaité obtenir un label biosourcé niveau 3. Enfin, le chantier avait des délais imposés par la rentrée des classes de l'école et le chantier a été arrêté trois mois lors de la pandémie. Heureusement, l'emploi de la préfabrication pour le bois et un peu pour le béton, a permis de travailler en filière sèche et d'avancer très rapidement sur le chantier avec un temps de montage réduit", précise Guillaume Maréchaux, architecte associé de l'agence Brenac & Gonzalez & Associés.

 

L'entreprise générale Spie Batignolles Outarex avait en cotraitance Mathis pour la structure bois. Le socle en béton est en poteaux poutres avec prédalles longue portée sur deux niveaux et demi et poteaux poutres. De la préfabrication foraine a été mise en œuvre pour les poutres, en béton architectonique gris clair lasurées, qui ont été coulées à plat puis clavetées. La préfabrication était justifiée par une répétition des façades en grands blocs avec un travail de modénature du béton architectonique gris clair, lasuré.

 

 

"Au-dessus du R+2 au R+9, des panneaux CLT (Cross Laminated Timber) préfabriqués en bois massif, ont été utilisés pour les planchers, les voiles porteurs intérieurs les séparatifs de logements et les façades, sur des épaisseurs variant de 16 à 18 cm. Les panneaux sont préparés et usinés avec les réservations pour les ouvertures et le passage des réseaux", complète Guillaume Maréchaux. © Spie Batignolles

 

 

À grande échelle, le Village des Athlètes de Saint-Denis pour les JOP 2024 est un exemple où le bas carbone et le hors site sont mis en œuvre. Typiquement les résidences en R+5 ou R+6 sont construites avec un socle béton et une superstructure bois. La réalisation du secteur E du village et de ses 19 bâtiments a été confiée à Eiffage Construction. Les murs sont à ossature bois liaisonnés grâce à la structure poteaux poutres également en bois. L'entreprise générale a choisi pour les planchers une technique de prédalles bas carbone Rsoft de Rector, représentant sur l’ensemble du secteur E environ 35.000 m² de prédalles.

 

 

Les prédalles Rsoft Rector affichent un bilan carbone inférieur de 40% par rapport à un plancher structurel en prédalle classique. De plus, leur production sur le site de Rector à Verberie (60) réduit l’empreinte environnementale liée au transport jusqu'au Village Olympique. © Rector Lesage

 

 

Le module 3D se démocratise

 

Maîtrisé par des spécialistes comme Ossabois, le modulaire 3D est mis en œuvre par de nombreux acteurs de la filière bois ou acier.

 

Un témoin privilégié est le fabricant français Xlam Industrie, qui fabrique dans son usine jurassienne de Mignovillard (39) des panneaux CLT usinés, typiquement avec les réservations, la découpe des ouvertures pour les menuiseries et les éléments nécessaires au levage. La fabrication pour une destination modulaire 3D compte de premiers exemples dont le Club House du stade de la Ville de Vesoul en 2022 pour le fabricant Xylo.

 

Un autre beau chantier modulaire en cours est celui de la réfection de l’internat du lycée La Prat’s à Cluny. Des panneaux CLT ont été livrés au charpentier SMJM, qui a réalisé la préfabrication des modules 3D dans son usine de Mâcon avec un levage en deux temps sur 2022 et 2023. L'internat est situé dans un ancien bâtiment qu'il fallait rénover sans dénaturer le caractère historique. L'agence bÖ Architectes avec l'architecte Olivier Le Gallée assistée du bureau d'études Gaujard ont décidé d'enlever les toitures, de vider l'intérieur et de remplir avec des modules préfabriqués en bois, allant jusqu'à une partie de l'aménagement intérieur de la pièce.

 

 

Le bâtiment rénové de l’internat du lycée La Prat’s est en R+2 avec trois niveaux en bois. Chaque aile est composée de 33 modules. Les panneaux CLT ont des épaisseurs variables en fonction de leur destination, 110 ou 120 mm en façades extérieures, 110 mm en refends et des planchers de 230 mm d’épaisseur. Avec plus de 3 m de largeur, les modules sont très grands et les panneaux ont dû être expédiés à Mâcon en convoi exceptionnel de niveau 2 avec voiture accompagnatrice. © SMJM

 

 

Réalités BuildTech se positionne sur une filière de construction bas carbone dans le cadre de la réglementation RE 2020, une démarche concrétisée par l'ouverture en 2021 d'une usine à Rennes de fabrication modulaire en bois. Au départ, l'usine produisait uniquement des panneaux 2D à ossature bois et depuis début 2023 la moitié de la surface de production est dédiée à la fabrication de modules 3D.

 

Les premières réalisations témoignent de la diversité de typologies de bâtiments concernées par cette approche 3D industrialisée. Un premier projet gagné en septembre 2022 est pour du logement d'urgence de typologie 1 et 2 pour Rennes Métropole et Territoires, sans foncier fixe et déplaçable.

 

Le modulaire allant jusqu'aux meubles est fabriqué en six mois, depuis la désignation jusqu'à la pose des premiers modules. Les modules seront fixés sur des technos pieux démontables permettant de laisser le terrain vierge. Le fabricant a aussi en commande une résidence de 481 chambres en R+5 pour Rennes Business School, avec une livraison des modules prévue de mai 2023 à janvier 2024.

 

"Autre projet, nous allons démarrer la production de MIs de type 4 et 5 pour un quartier à Cherbourg. Les planchers sont mixtes collaborants, acier et béton. Les maisons sont en R+1 composées chacune de quatre modules. Il faut compter deux jours pour poser les modules, deux jours de charpente, une semaine pour mettre la couverture soit deux semaines au total pour être hors d'eau et hors d'air, jusqu'au placo intérieur fini posé avec le module. Trois mois de plus sont prévus pour les corps d'état intérieur", affirme Stéphane Gai, directeur général de Réalité Build Tech. © RBT - Réalité Build Tech

 

 




Source : batirama.com / François Ploye

L'auteur de cet article

photo auteur François Ploye
François Ploye, de formation ingénieur ECP, est journaliste freelance de la presse écrite depuis plus de vingt ans. Après une première expérience professionnelle en maquette numérique 3D et en effets visuels, il a poursuivi sa carrière comme journaliste à la suite de l'écriture d'un livre sur les changements climatiques publié en 2000. Après de premières collaborations (Jeune Afrique, Sonovision, 01 Informatique...), il s'est spécialisé depuis quinze ans dans l'écriture d'articles pour le bâtiment, les énergies renouvelables, l'architecture et la ville. Avec un engagement, celui d'accompagner les mutations d'un secteur confronté à de multiples défis environnementaux et sociétaux.
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