Le renfort des structures en béton à Paris

Le renfort des structures en béton à Paris. © TES Technifor

Vieillissement, corrosion, mauvaises conception… les causes justifiant qu’un ouvrage en béton nécessite un renfort ne manquent pas. Si les techniques de renfort sont maîtrisées, elles ne sont pas exploitées à fond.




En France, 82 % des logements collectifs et 74 % des bâtiments tertiaires sont construits en béton selon les chiffres de l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB). C’est dire à quel point nos vies reposent sur ce matériau. Mais une fois construits, les ouvrages en béton ne sont pas exempts de travaux supplémentairesBatirama s’est penché sur ces besoins en renforts, notamment dans la capitale.

 

 

 

 

Une prise de conscience seulement dans les années 90

Pour quelles raisons nos édifices en béton ont-ils besoin de renforts ? Les cas de figure sont multiples :

– le changement de service de l’ouvrage : c’est-à-dire le changement de fonctionnalité (par exemple, convertir un espace en salle d’archives peut apporter une charge très lourde, le plancher existant doit donc être renforcé pour supporter cette charge). Paris réalisant peu de constructions neuves, les réhabilitations sont très recherchées ;

– Les défauts de conception : lorsque l’ouvrage a été mal dimensionné, notamment dans le mauvais choix du ferraillage ou de la classe de béton qui ne sera pas la bonne à destination de l’ouvrage. Ce défaut peut aussi relever de la mise en œuvre.

– La corrosion prématurée : sur Paris, la corrosion prématurée intervient notamment sur les bords de Seine où les ouvrages en béton sont sujets aux iinfiltrations ;

– Le vieillissement de l’ouvrage : phénomène naturel, la carbonatation représente l’oxygène qui progresse dans l’enrobage jusqu’à atteindre l’armature.

 

À Paris, les ouvrages en béton sont apparus à partir de la fin du XIXe siècle. La diffusion de ce matériau démarre à partir des années 1930 avant d’être massivement utilisé à partir des années 50. Mais ce n’est qu’à partir des années 90, lorsque les premières pathologies à long terme du béton se présentent, que se posent alors les premières questions sur la durabilité des matériaux.

"Jusque dans les années 80, les enrobages étaient mal connus et moins bien respectés qu’aujourd’hui, car il n’y avait pas ce retour d’expérience que l’on connaît aujourd’hui sur les pathologies du béton", explique Thibaud Duval Lhuissier, référent sur le diagnostic et les pathologies des structures au laboratoire Ginger. Mais les ouvrages des années 30, sous l’impulsion d’architectes comme les frères Perret ou Oscar Niemeyer font aujourd’hui l’objet d’une attention particulière. "On a de plus en plus de monuments historiques en béton à renforcer, poursuit Thibaud Duval Lhuissier. On retrouve notamment des ouvrages industriels centenaires transformés et réhabilités pour conserver leur caractère historique." En France, la Fédération Française du Bâtiment recense 950 édifices en béton classés Monuments Historiques.

 

 

 

 

Quelles solutions pour les renforts ?

 

Connaître la robustesse d'un béton

Pour connaître la robustesse d’un béton, deux principales techniques en laboratoire existent, à partir d’un carottage : le test de résistance à la compression (un échantillon de béton de l’ouvrage est pressé pour connaître la contrainte à laquelle il cède) et le test sur la teneur en ciment (réduit en poudre, le béton est soumis à des essais d’eau ou d’acide pour vérifier le bon taux de ciment selon la classe de résistance qui est demandée (selon la norme NFEN 206).

 

 

Les différents choix de renfort

À l’issue de ces tests, les bureaux d’étude recommandent le type de renfort le plus approprié, qu’ils transmettent aux entreprises spécialisées, dont Batirama s’est rapproché. "En France, les entreprises de rénovation sont nombreuses, mais beaucoup moins dans le gros-œuvre pour le renfort", explique Mourad Birem, responsable associé de Kasbeton, spécialisé dans le renfort des bâtiments sur Paris. "Il faut suivre des formations et avoir des assurances démolition qui suivent derrière, ce qui n’est pas simple à obtenir."
Sur les ouvrages à renforcer, ces entreprises doivent suivre à la lettre les préconisations des cabinets d’études. Parmi les choix de renforts figurent : les tirants métalliques traversant, les profilés métalliques (HEA, IPN…), les tiges filetées scellées chimiquement et, enfin, l’injection de coulis pour combler, renforcer ou solidariser.

 

Renfort par profilé mécanique. Renfort de dalle béton à défaut de de bétonnage par poutrelle mécanique sur le secteur de Metz-Nancy. © TES Technifor

 

 

Le carbone

À ces choix s’ajoute également un autre matériau, qui commence tout à se développer malgré plus de vingt ans d’existence : le carbone. 

 

Le carbone comme renfort prend la forme d’un tissu que l’on appose sur les surfaces en béton pour les renforcer. © Forebeton

 


L’utilisation du tissu carbone ne peut pas substituer aux profilés métalliques pour les cas où la charge est très lourde, comme la suppression d’un mur porteur. Il s’avère particulièrement pertinent dans le cas de réaménagements d’ouvrage ou le poids risquerait de faire s’affaisser des dalles en béton

 

Ici, renforcement en tissu carbone. Sur une dalle, le tissu carbone permet ainsi de passer d’une charge de 150 kg/m2 sur une dalle à 400 kg/m2. © Forebeton

 

 

 

Les avantages du renfort carbone

"Le tissu carbone est constitué de graphite de carbone compressé avec de la résine qui n’a aucune élasticité. Lorsqu’il est collé à la dalle de béton, il prévient cet affaissement", explique Laurent Deguin, directeur d’exploitation chez Forebeton, entreprise spécialisée dans le renfort. Le tissu carbone nécessite l’usage d’une colle époxy, toxique, à manipuler avec gants et protections.

Hormis ce désavantage, le tissu carbone présente de beaux arguments : "le tissu carbone est très rapide à mettre en place puisqu’il n’y a pratiquement pas de temps de séchage", explique Mourad Birem de Kasbeton. "Et en termes de manutention, c’est un matériau léger qui se porte à la main. Rien à voir avec les solutions en acier, très lourdes et parfois complexes à installer."

Le carbone permet de renforcer une poutre, une dalle ou un voile sans ajouter de poids et sans modifier la structure. Il trouve notamment sa pertinence sur les endroits exigus, comme par exemple des entrées de parking, là où un profilé métallique peut s’avérer contraignant pour le passage des voitures. Le tissu carbone trouve aussi sa place sur les monuments historiques en béton qui nécessitent de conserver le plus possible leur forme originelle.

 

 

 

Le renfort en carbone, un matériau encore sous-utilisé

Malgré toutes ces qualités, le tissu carbone ne connaît pas la popularité qu’il est censé recueillir remarquent les professionnels. "Plein de clients ne connaissent pas du tout le tissu carbone. La plupart ont l’impression qu’il s’agit de quelque chose de très récent alors que ce matériau s’emploie depuis plus de 20 ans", témoigne Laurent Deguin de Forebeton.
Pourtant, le tissu carbone pourrait être davantage utilisé notamment dans le cas de réhabilitation où le choix de renfort se porte sur des renforts métalliques, bien plus lourds en termes de logistique mais qui ne seraient pas forcément nécessaires. Les entreprises de renfort rapportent que l’aspect de ce matériau déconcerte souvent les clients qui ont du mal à concevoir qu’un tissu puisse s’avérer assez robuste.

La popularité du carbone comme renfort diffère entre les régions selon l’observation de Laurent Deguin, étant bien implanté en Île-de-France ou en région Paca. "Le tissu carbone commence enfin à se faire connaître, il est beaucoup plus utilisé qu’il y a deux ou trois ans", abonde Mourad Birem. Preuve de son utilisation croissance, les prix du tissu carbone diminuent "entre 30 % et 40 % ces dernières années", estime Lauren Deguin. "Le matériau se démocratise, la production augmente et la concurrence fait baisser les prix."

Du côté des producteurs, pas de Français. La grande majorité du marché est dominé par l’entreprise suisse Sika, avec une ancienne branche du chimiste allemand BASF. En acteur de second rang figure par exemple l’italien Mapei. Même si le tissu carbone ne pourra jamais remplacer les structures en acier pour certaines exigences fortes sur le renfort, ce matériel est en plein développement.

 



Source : batirama.com / Roman Epitropakis / © TES Technifor

L'auteur de cet article

photo auteur Roman Epitropakis
Roman Epitropakis est journaliste, spécialisé dans l'industrie et l'économie. Il couvre les thématiques de l'économie du BTP, les techniques de construction et la transition vers la construction durable et l’urbanisme durable.
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