Premier congrès RFCP : l’œil dans la paille

Premier congrès RFCP : l’œil dans la paille

Le premier congrès national de la construction paille, organisé par le Réseau Français de la Construction Paille à l’ENSI de Poitiers, a mobilisé plus de 340 spécialistes pour un événement étalé sur 3 jours.




Il y a dix ans, dans cette même Ecole Nationale Supérieure d’Ingénierie en environnement, construction et énergie du développement durable, le monde de la paille s’était réuni une première fois à l’occasion de la parution des Régles Professionnelles et du rachat de la maison Feuillette, témoin historique de la construction paille en France.

 

C’était la période post Grenelle avec les espoirs associés à la RT2012, l’accession de la paille aux logements avec le coup de main du Toit Vosgien pour le R+7 de Saint-Dié-les Vosges, la démarche de l’ingénieur bois Olivier Gaujard menant le financement privé d’un essai Lepir 2 pour permettre le recours à la paille en R+2 dans un collège d’Issy-les-Moulineaux conçu par l’architecte Sonia Cortesse – présente à Poitiers le 9 février 2023.

 

 

L'amphi de l'ENSI, plein à craquer le 9 février.

 

Les dix années écoulées ont été grisantes et décevantes comme pour la filière bois. Avec les frugaux de l’agence Dauphins Architecture de Bordeaux, grande référence de l’architecture paille en Nouvelle Aquitaine, on est passé à un essai Lepir pour un R+2 de paille enduite, et une Atex pour un R+3 est en cours avec MU Architecture à Nancy.

 

Un autre essai de paille enduite semble ouvrir la possibilité à un usage en paroi extérieure jusqu’à 50 mètres de haut, même si ce PV ne suffit pas pour passer à la réalité de la belle hauteur. La paille aborde maintenant le marché de la rénovation en ITE, à la faveur d’une effervescence technique qui va au-delà de la botte traditionnelle. Une approche confortée par le déroulement du programme européen Up-Straw, qui montre à quel point la France est le leader de la construction paille-bois en Europe et dans le monde.

 

 

La paille, must de l’architecture actuelle

 

 

Nathalie Samson, coprésidente du réseau, revendique fièrement la création de 10 filiales régionales depuis 2015, avec trois autres en cours. Sur quatre FDES programmées, deux sont publiées, celle sur la botte conventionnelle et sur la botte bio, ce qui est essentiel pour la RE2020. Deux autres sont en cours. Plus de 4.000 personnes ont été formées dans le cadre des formation Pro-Paille et certaines ENSA, comme celle de la Villette où enseigne Benoît Rougelot de Landfabrik (co-président de RFCP ces dernières années), proposent aux étudiants en master des formation en trois sessions de 2 jours intégrées au cursus.

 

 

André Rousset regrette de ne pas avoir les pouvoirs d'un président de la Catalogne, sans quoi sans doute il ferait encore plus pour la construction biosourcée.

 

 

De fait, les Règles professionnelles imposent que la prescription de la paille se fasse par des architectes formés, et ces derniers se forment de plus en plus, y compris dans les agences importantes. Pour les jeunes architectes de la génération Climat, la formation Pro-Paille, voir le module sur la paille porteuse, est un must.

 

Dans le sillage de Landfabrik, il est vrai que la paille est un peu la coqueluche de l’architecture actuelle, associée au bois et si possible à la terre. L’autoconstruction où les maisons individuelles, qui constituaient le socle du réseau, défrayent moins la chronique que des ouvrages de grands volumes, frugaux en énergie et en émissions, qui font la fierté des agences d’architecture française aujourd’hui. C’est bien et cela rend possible l’apparition d’un congrès national spécialisé, mais cela ne suffit pas.

 

 

Approximations politiques

 

 

Pour ce premier congrès, le choix de l’ENSI à Poitiers est opportun, pas seulement à cause du rappel de 2013. La jeune maire Léonore Moncond’huy fait partie de la vague verte, accueille la paille à bras ouverts, même si elle semble faire partie des responsables politiques pour qui ce matériau est encore nouveau. Aussi, dans son discours d’ouverture sans doute pré-rédigé, elle évoque rapidement le besoin d’un juste équilibre entre l’utilisation de la paille pour la construction, et les besoins agricoles.

 

 

"L'oeil dans la paille", inverse de la paille dans l'oeil, voilà un titre plus sexy pour les prochaines éditions du congrès de la construction paille.

 

 

Le Réseau a beau marteler que la consommation de la paille pour la construction est et restera minime, il se peut que le rédacteur fasse référence à une autre réalité mise à jour au congrès à l’occasion de la présentation de la FDES paille bio par Luc Floissac : certains agriculteurs bio préfèrent garder leur paille pour le fonctionnement circulaire de leur exploitation. Un choix parfois discutable sur le plan agronomique, mais on entre là dans les arcanes de l’agriculture alternative.

 

La matinée des allocutions politiques est conclue le 9 février par le doyen des présidents de conseil régional, André Rousset, dont la pensée durable est formatée par le bois, et qui conseille au pailleux de travailler sur le passage à l’acte des acheteurs qui s’interrogent quant au retour sur investissement de leur choix d’isolation. D’ailleurs, lors du congrès, l’architecte Corentin Desmichelle présente une analyse économique d’une dizaine d’opérations diverses depuis une dizaine d’années, qui quantifie le prix au m² de la paroi en paille, avec des prix en progression notamment depuis la crise Covid, sans qu’on en sache trop la cause.

 

La paroi paille, ce n’est pas "le mur le moins cher d’Europe", ce parpaing-monocouche-doublage que la RT2012 n’a pas réussi à bannir. Le bois a bon dos, la botte de paille se vend autour de 5 euros contre 3 auparavant. Clairement, la massification du bois-paille passe par la réduction de la TVA préconisée par l’architecte frugal Philippe Madec.  

 

 

Combien de divisions ?

 

 

Le premier congrès de la paille aurait dû commencer par un tour d’horizon économique, ce sont peut-être là des indications qui ne remontreront à la surface qu’à l’initiative, enfin, de l’appel à projet sur la paille par l’Ademe et, enfin, d’aides au développement incroyablement retardées. Même la construction bois a bien du mal à définir clairement sa position économique, malgré les études biennales sur la construction bois, la VEM, toutes les cotisations récoltées par FBF et le Codifab. Et mieux vaut ne pas parler du positionnement économique européen totalement déficient.

 

Si l’on prend le cas concret de Poitiers, les références locales d’une certaine taille sont rares : internat du lycée agricole de Venours à Rouillé, rénovation en cours du Crous du campus qui accueille le congrès, école maternelle de Montmidi, dont la maquette est exposée. Pour l’école, la paille viendra d’un rayon de 20 km (bio ou pas bio ?), mais l’entreprise de pose choisie est située à Chinon, ce qui n’est pas non plus la porte à côté.

 

 

Pro paille hachée

 

 

La grande référence locale, Merlot, de Châtellerault, a bouclé les travaux pour le Crous. Pour Nicolas Rabuel, grand animateur de la filière en Nouvelle-Aquitaine et locomotive du développement de la paille hachée (Ielo), c’est une aubaine. A la fin de la première journée du congrès, plusieurs centaines de participants visitent, certes dans l’obscurité, cette rénovation qui constitue la première grande référence de Ielo, en attendant pour la journée du 10 des révélations sur l’Atex associé et la mise en route de l’usine dans peu de mois. On entre dans une nouvelle ère, avec une isolation paille qui s’affranchit de ses paramètres particuliers liés à la botte de paille, mais conserve les qualités écologiques et environnementales, qui font dire à l’ingénieur Marc Serieis (Albert&Co), que la paille est quasiment la solution idéale.

  



Source : batirama.com/Jonas Tophoven
 

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
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