Risque de coupure du gaz russe, que peut-on faire en immeubles collectifs à court terme?

Risque de coupure du gaz russe, que peut-on faire en immeubles collectifs à court terme?

Il n’est pas simple de très rapidement remplacer le gaz en immeuble collectif mais, en chauffage individuel, comme en chauffage collectif, quelques mesures palliatives sont possibles.




Ce matin, jeudi 28 juillet, les allemands enregistrent une nouvelle baisse des livraisons de gaz russe par le gazoduc Nordstream 1. Entre 8h et 9h du matin, il ne fonctionnait plus qu’à 20% de sa capacité nominale. L’urgence de trouver des réponses techniques face à la coupure du gaz russe ne cesse donc de monter.

 

Les ministres européens de l’énergie se sont mis d’accord sur un plan de réduction de 15% des consommations de gaz en Europe dès le mois d’août. Mais le texte contient pratiquement une exception pour chaque pays membre. Ce ne sera sans doute pas suffisant.

 

Dans le même temps, la France commence à mettre en œuvre la décision du Président Macron, annoncée dans son allocution du 14 juillet, consistant à réduire la consommation d’énergie totale de notre pays de 10% en deux ans. Deux arrêtés – l’un sur l’interdiction de climatiser porte ouverte dans les magasins, l’autre sur l’interdiction des publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin – ont été publiés. Ils ne portent pas sur la consommation de gaz.

 

La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a annoncé la réunion d’un groupe de travail, rassemblant bailleurs sociaux et privés, promoteurs, associations et fédérations professionnelles de l'immobilier. Ce groupe est chargé de formuler "dès septembre" des recommandations à la ministre et à son collègue ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, pour "prendre le chemin d'une réduction de la consommation".

 

Surtout, pas trop vite. Cet article se place dans le contexte plus radical d’un sévère rationnement du gaz à l’automne 2022. Nous avons déjà considéré ce qu’il est possible de faire pour le chauffage, la production d’eau chaude et la cuisine en maison individuelle dans deux articles précédents.

 

Nous examinons maintenant ce qui est concevable en immeubles collectifs chauffés au gaz, à très court terme, dans un contexte d’urgence due à la guerre russe en Ukraine. Il ne s’agit pas d’énumérer les solutions de rénovations énergétiques, mais bien de chauffer, de produire de l’eau chaude sanitaire et de cuisiner dans les immeubles alimentés en gaz naturel.

 

 

 

Immeuble collectif, mais chauffage individuel

 

 

Il faut d’abord distinguer le chauffage individuel en logement collectif, du chauffage collectif. Si un logement est en chauffage individuel dans un immeuble collectif – et nous parlons de 10 à 12 millions de logements en France, dont sans doute la majorité en logement social -, les possibilités d’action sont réduites.

 

Il est toujours possible, si la chaudière n’en est pas équipée, d’installer un thermostat programmable pour réduire les consommations et ne chauffer que lorsque c’est nécessaire et pas plus. Le coup de pouce "Thermostat Programmable" a été supprimé. L’installation d’un tel thermostat est toujours soutenue par des CEE, selon la fiche standardisée BAR-TH-118 "système de régulation par programmation d’intermittence".

 

Ensuite, il est concevable, cas radical si un plan de rationnement sévère du gaz est appliqué en France, de couper le chauffage pour faire fonctionner la chaudière gaz seulement en mode production d’eau chaude sanitaire.

 

 

Pour assurer le chauffage en cas de coupure de la chaudière gaz individuelle, il est alors possible de poser des radiateurs électriques intelligents avec détection de présence, analyse de l’inertie thermique de la pièce et des habitudes des occupants. ©Atlantic

 

 

 

 

Le groupe Atlantic et le groupe Muller en proposent tous deux dans leurs diverses marques. Ce type d’appareil coûte moins de 500 € TTC pour 500 W de puissance. En collectif, si cette mesure se généralise dans plusieurs appartements d’un même bâtiment, il est prudent de vérifier que la colonne électrique peut faire face à des appels de puissance accru et modifier l’abonnement individuel pour augmenter aussi sa puissance. Il n’existe aucune aide pour installer de tels radiateurs à la place d’émetteurs à eau chaude. Et il vaut mieux que l’installation soit assurée par un électricien qualifié.

 

Enfin, en cas de totale coupure de gaz en collectif, il faut songer à transformer les logements équipés de chaudières gaz individuelles en appartements en tout électrique : production d’ECS par ballon électrique ou par ballon thermodynamique, chauffage par radiateurs électriques intelligents.

 

Les ballons thermodynamiques adaptés aux appartements en immeubles collectifs sont ceux qui prennent et rejettent l’air alimentant leur pompe à chaleur air/eau directement à l’extérieur. Ils consomment jusqu’à trois fois moins d’énergie qu’un ballon électrique à effet Joule, mais ils requièrent une entrée et une sortie d’air à l’extérieur.

 

Au-delà de la difficulté pratique de cette installation, en copropriété, il faut l’autorisation de la copropriété. Elle n’est accordée qu’en assemblée générale. Une assemblée générale de copropriété se réunit deux à trois fois par an, sauf assemblée générale extraordinaire, les délais peuvent être longs, se compter en mois et dépasser un an pour obtenir une telle autorisation. Ce n’est pas propice à des dispositions d’urgence.

 

 

Immeuble collectif et chauffage collectif

 

 

La situation des immeubles en chauffage collectif est encore pire que celle des appartements en chauffage individuel au gaz, même si un plus grand nombre de solutions technique est disponible. Pour commencer, dans le cas de copropriétés, Il faut, pour modifier la chaufferie et réaliser tout type de travaux, obligatoirement passer par les assemblées générales de copropriétés. Dans le cas des immeubles propriété d’une seule entité, qu’il s’agisse d’une foncière, de logement social ou de compagnies d’assurance, la prise de décisions est plus simple et plus courte. Mais les travaux demeurent complexes et longs.

 

Plusieurs mesures techniques simples peuvent être prises pour réduire les consommations de gaz. Premièrement, de nombreuses installations de chauffage collectif sont déséquilibrées. Ce qui entraîne une nette surconsommation. Il existe pourtant des aides financières sous forme de CEE, décrites dans la fiche BAR-SE-104 "Réglage des organes d’équilibrage d’une installation de chauffage à eau chaude", qui permet de financer une partie des travaux.

 

Deuxièmement, nombre d’installations de production d’eau chaude solaire et de chauffage solaire en collectif ne fonctionnent pas correctement, parce qu’elles ne sont pas entretenues. Des entreprises comme Monsieur Solaire France, se sont fait une spécialité de remettre en ordre de marche les installations solaires thermiques collectives. Cela peut permettre de couvrir tous les besoins d’eau chaude dans l’année et une (petite) partie du chauffage.
 

 

De lourds travaux en collectif pour utiliser le solaire thermique

 

 

La fiche CEE BAR-TH-102 finance l’installation d’un chauffe-eau solaire en collectif. Mais là, il ne s’agit plus de mesures d’urgences. Dans le collectif, l’Ademe a recentré son soutien sur la production d’eau chaude : diffusion des bonnes pratiques, certification des matériels, qualification des BE et des entreprises, soutien aux activités de R&D.

 

L’aide financière aux opérations dans le bâtiment pour la production d’eau chaude passe par le Fonds Chaleur . Il est géré par l’Ademe. Les conditions d’éligibilité sont notamment :

  •  la remise d’une étude de faisabilité par un bureau d’étude qualifié RGE 20.14 pour les surfaces de capteurs > 50 m², à la présence d’un installateur qualifié pour les surfaces < 50 m²,
  •  l’emploi de capteurs solaires thermiques certifiés QB39 ou bien Solar Keymark,
  •  et l’utilisation d’un schéma hydraulique conforme, c’est-à-dire faisant partie des schémas techniques approuvés par l’Ademe.

 

Le site Socol rassemble les informations et les outils pour la bonne mise en œuvre des installations solaires collectives.

 

Autre solution simple, s’il existe un réseau de chauffage urbain à proximité, consiste à abandonner les chaudières gaz au profit du raccordement du bâtiment à un réseau de chaleur. Ces réseaux ne sont malheureusement pas présents dans toutes les villes de France. Mais là où existent des réseaux de chaleur, le raccordement peut être réalisé en quelques semaines. Le coût des travaux est partiellement financé par les CEE de la fiche BAR-TH-137.

 

 

Démonter les chaudières gaz en chaufferie

 

 

Au prix de travaux encore plus lourds et dont la durée peut atteindre 8 à 10 mois, il est concevable de démonter les chaudières gaz en chaufferie pour les remplacer : par des pompes à chaleur, par des pompes à chaleur solaires, par des chaudières à granulés. En copropriété, les délais seront multipliés par deux au moins en raison du rythme de réunion des assemblées générales.

 

Installer des pompes à chaleur collectives en remplacement de chaudières gaz revient, soit à forer et à installer des pompes à chaleur eau/eau, soit à poser des pompes à chaleur collectives air/eau haute température. Tous les cas sont soutenus financièrement par les CEE de la fiche BAR-TH-166.

 

 

Il existe des mini-foreuses capables de creuser directement dans le sol d’une chaufferie. Il est aussi possible de forer à l’extérieur dans le jardin, dans un parking en plein air. Si le forage est possible, il existe une bonne douzaine de fabricants de pompes à chaleur eau-eau de grosses puissances en Europe, ou bien de pompes à chaleur eau-eau de moyenne puissance et cascadables. Celsius Energy, de son côté, a mis au point une solution de forage en biais pour économiser de l’espace en surface. ©PP, ©Celsius Energy

 

 

 

 

En ce qui concerne les pompes à chaleur air-eau haute température, le groupe Muller a, par défaut de concurrence, une sorte de monopole grâce à ses gammes de pac HRC 70 et ZéPac 80 kW, vendues sous la marque Auer. Ces deux gammes utilisent le R290 comme fluide, atteignent des températures de départ d’eau de 70°C, pour des puissances de 17 à 80 kW. Elles sont cascadables par 15 générateurs, ce qui donne une puissance totale de 1200 kW. Ces pac sont également gainables. ©Auer

 

 

Les pompes à chaleur solaires ou solaropac sont proposées en France par Heliopac et par Girordano Instustries. Leurs pompes à chaleur utilisent des capteurs solaires thermiques basse température en guise d’évaporateur.

 

Chez Giordano Industries, la "Solar Pump" est une pompe à chaleur eau glycolée/eau de 10, 15 et 23 kW, fonctionnant au R404A, mais au R290 à partir de cet automne, capable de produire de l’ECS en grandes quantités et de l’eau pour le chauffage. Associée à des capteurs solaires Polytub 4N, la Solar Pump produit de la chaleur à 65°C, jusqu’à une température extérieure de -10°C.

 

De son côté, Heliopac propose deux solutions différentes. La première, heliopacsystème, est constituée de modules de pompes à chaleur eau glycolée/eau Solerpac, couplées à des capteurs souples en élastomère (EPDM) en guise d’évaporateurs.

 

 

La seconde application des Solaropac chez Heliopac, Heliopacsystem+, repose sur les mêmes modules Solerpac mais remplace les capteurs EPDM par les capteurs solaires hybrides Spring de DualSun. Les modules Solerpac utilisent le R513A et offrent une puissance nominale de 9,1 ou de 9,3 kW. Ils sont cascadables. ©Heliopac

 

 

Enfin, remplacer en ville des chaudières gaz par des chaudières à granulés de bois requiert, dans de nombreux cas, l’installation d’un système d’épuration des fumées. Ce qui peut être coûteux et requiert un entretien régulier. L’installation de chaudières biomasse en collectif est soutenus par les CEE de la fiche BAR-TH-165.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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