Photovoltaïque : le feuilleton sur la révision des tarifs d’achat continue

Photovoltaïque : le feuilleton sur la révision des tarifs d’achat continue

Que va faire le gouvernement après le rejet par le Sénat à l'unanimité de l'amendement sur la révision des tarifs d'achat pour les installations PV avant 2011 ?




Petit retour chronologique : soutenue par le Gouvernement, une proposition d’amendement à la Loi de Finances 2021 visait à réduire, de manière rétroactive, la durée des contrats d’obligation d’achat conclus avant 2011 pour la production d’électricité des installations photovoltaïques de plus de 250 KWc.

 

La Commission des Finances de l’Assemblée Nationale avait rejeté cet amendement. Mais, passant outre cette décision, le gouvernement avait lui-même réintroduit un amendement allant dans le même sens. L’Assemblée Nationale avait fini par voter la Loi de Finances 2021 en première lecture, avec l’amendement.

 

Vendredi 27 novembre, en première lecture, le Sénat a rejeté à l’unanimité l’amendement sur la durée des obligations d’achats conclues avant 2011. Bon, et maintenant ? Le Sénat a rejeté l’amendement à l’unanimité : tous les groupes, y compris LRM au Sénat, ont donc voté contre.

 

Sans étude d’impact

 

Non seulement le Sénat a voté à l’unanimité, mais il a mis cette affaire en perspective en réalisant une partie de l’étude d’impact que les ministères concernés n’ont pas faite. Le Sénat a notamment souligné que la rentabilité financière des centrales photovoltaïques incriminées était modeste, inférieure en tout cas, à celle des autoroutes pour lesquelles le gouvernement ne cesse d’allonger les concessions en échange de pas grand-chose.

 

Ensuite le Sénat a pointé une contradiction évidente, que le gouvernement ne semble pourtant pas avoir saisie : la France réoriente sa politique énergétique vers plus de renouvelables et soutient le gaz vert, l’éolien, notamment offshore, l’hydrogène à travers un plan ambitieux, … une bonne partie, sinon l’essentiel, des mesures de soutien consiste en tarifs d’achat garantis pour l’électricité et le gaz d’origine renouvelable.

 

Dans ces conditions, quel est ce bizarre signal envoyé par les Pouvoirs publics aux acteurs qui investissent dans ces filières d’ENR : surtout ne nous faites pas confiance, nous pourrons rétroactivement changer les conditions financières sur lesquelles vous avez bâti vos investissements et vos plans d’exploitation ?

 

Solidarité Renouvelable, une association qui rassemble environ 300 acteurs des ENR, souligne à juste titre que la confiance dans l’engagement de l’Etat est la clef de voûte du développement des ENR.

 

Un message clair du Sénat

 

De leur côté, le SER (Syndicat des Energies Renouvelables) et Enerplan, qui alertent depuis plusieurs semaines les Pouvoirs Publics sur l’iniquité de cette mesure, soulignent l’importance de ce rejet sans partage. Le Sénat envoie ici un message clair en manifestant son attachement à la parole de l’État et son refus d’une mesure présentée sans aucune étude d’impact.

 

« C’est la voie de la raison qui se manifeste ici, souligne Enerplan, rappelant que l’on ne peut renier un engagement pris auprès d’une filière industrielle, et au-delà fragiliser durablement la dynamique de développement des énergies renouvelables en France, qui favorise l’activité et l’emploi local dans tous les territoires ».

 

Daniel Bour, président d’Enerplan, estime que « le vote unanime du Sénat contre l'amendement du Gouvernement illustre à quel point ce projet est conflictuel. Le message délivré est clair : en tant que signataire de contrats, l'État ne peut se déjuger 10 ans après en les rompant unilatéralement et en force. Et ce avec des arguments fallacieux, sans négociation avec les cocontractants et sans étude d'impact sérieuse ».

 

Plus perfide, Jean-Louis Bal, président du SER, rappelle l’intérêt politique du gouvernement et introduit les agriculteurs, une population avec laquelle, comme tous les Gouvernements successifs l’ont appris à leurs dépens, on ne plaisante pas : « Ces dernières semaines ont permis à chacun, nous l’espérons, de mieux comprendre les impacts d’une telle remise en cause rétroactive des contrats photovoltaïques sur les nombreuses PME et banques concernées, mais aussi sur les agriculteurs qui sont visés par cette mesure ».

 

Une bonne partie des installations de plus de 250 kWc visées sont en effet installées sur des hangars agricoles et fournissent un appoint de revenu aux agriculteurs propriétaires de ces toitures. Pour l’instant, la FNSEA n’a encore rien dit. Il suffirait sans doute d’un petit communiqué de sa part pour que cette idée disparaisse.

 

Et maintenant, que va faire le Gouvernement ?

 

Tous les acteurs, Enerplan, le SER, Solidarité Renouvelables, demandent à rencontrer le Premier ministre Jean Castex. En toute logique, le gouvernement est face à plusieurs choix.

 

Il peut « se rendre à la sagesse du Sénat » (capituler en rase campagne), retirer son amendement et renoncer à son projet. Personne ne lui en tiendra rigueur, c’était une mauvaise idée et le reconnaître sera porté à son crédit.

 

Il peut aussi, puisqu’en cas de désaccord entre les deux Chambres, l’Assemblée Nationale a le dernier mot, s’arcbouter sur sa conviction inébranlable qu’il a raison et réintroduire son amendement en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Là, il peut obtenir gain de cause, comme lors de la première lecture, ou pas.

 

S’il perd, il perd la face et une bonne partie de son crédit sur la politique énergétique de la France. S’il gagne en fin de compte, il introduit une incertitude majeure dans le calcul de rentabilité des ENR, dont il appelle pourtant à l’accélération du développement. Autant que la sagesse prévale.

 

 

 

Sinon, le 7 décembre, ce sera le 200ème anniversaire de la naissance d’Edmond Becquerel, celui qui a découvert l’effet photovoltaïque©Muséum National d'Histoire Naturelle

 

L’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) organise un colloque sur Edmond Becquerel et sa découverte le 7 décembre. Les inscriptions sont ouvertes ici.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
1 Commentaire
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  • par Rochain
  • 01/12/2020 08:54:02

Comment une idée aussi stupide que de rompre un contrat alors qu'une signature vous engagé, comme il est rappelé dans tous contrats de crédit aujourd'hui, à t-elle pu germer dans des esprits supposés raisonnables ? Voilà qui pose question à propos des capacités intellectuelles de ce gouvernement.....

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