RE 2020 : son application davantage retardée

RE 2020 : son application davantage retardée

Discrètement, la date d’entrée en vigueur de la réglementation environnementale RE2020 glisse de mois en mois. Elle devrait désormais s’appliquer en deux temps entre l’été 2021 et le début 2022.




Rien de tel qu’un éditeur de logiciels de calcul réglementaire pour indiquer où en sont les progrès de la RE2020. Les éditeurs sont en effet aux premières loges : ils reçoivent et testent les versions successives du futur moteur de calcul et tout loisir d’examiner son contenu.

 

Selon Paul Jallet, responsable des questions de règlementation chez BBS-Slama, les textes de la RE2020 devraient intervenir fin 2020 ou début 2021 – déjà un petit glissement – pour une application aux maisons individuelles, bâtiments de logements collectifs, bâtiments de bureaux et d’enseignement durant l’été 2021. Les autres bâtiments, les bâtiments d’hebergement ou les surfaces commerciales, par exemple, le RE2020 ne devrait pas s’appliquer avant 2022 : sévère glissement.

 

Dans la lettre BBS-Slama d’Août, Paul Jallet souligne que la date du dépôt de permis de construire fera foi pour déterminer si un bâtiment relève de la RT2012 ou de la RE2020. En tertiaire et en logements collectifs, les projets sont souvent très longs, la pandémie a encore ralenti le développement des opérations : les BET calculeront encore des bâtiments neufs en RT2012 pendant plusieurs années.

 

 

 

Tous les éditeurs de logiciels proposent d’ailleurs des applications capables de calculer en RT2005 – si, si, ça arrive encore -, en RT2012 et, bientôt en RE2020. ©PP

 

ACV et clim fictive

 

Dans la RE2020, le calcul de l’impact environnemental du bâtiment demandera une ACV (analyse du cycle de vie du bâtiment), depuis la production des matériaux de construction et des équipements (chaudières, robinetterie, ventilateurs, climatiseurs, ascenseurs, etc.) jusqu’au démontage du bâtiment en fin de vie, en passant par le transport, la mise en œuvre et la vie en œuvre de ces matériaux et équipements.

 

Cette ACV devra être réalisée avec un bon niveau de détail. Ce qui risque de changer la manière dont les concepteurs travaillent. Il faudra en effet choisir les solutions constructives, les isolants, les équipements avec précision dès l’étude conduisant au dépôt de permis de construire.

 

Il ne serait pas raisonnable d’utiliser à ce stade les FDES « par défaut » (Fiches de données environnementales et sanitaires) que la méthode de calcul propose. Elles sont relativement pénalisantes et déboucheront sur une empreinte environnementale du bâtiment sans commune mesure avec celle qu’il atteindra réellement. Il faudra donc choisir, le modèle de chaudière X du fabricant Y, dès le permis de construire, par exemple.

 

Pour les bâtiments de l’Etat, des Collectivités Territoriales, des divers bailleurs sociaux, … cela qui risque, naturellement, d’aller contre le code de Marchés Publics qui rend très difficile, sinon impossible l’indication dans les études, puis dans les appels d’offres, d'une marque et un modèle. Mais comment y échapper, s’il s’avère que la FDES de tel isolant est nettement plus favorable que celle des autres isolants thermiques ?

 

 

 

Selon Paul Jallet, la question du périmètre de l’ACV a également évolué. Il était un temps question de l’étendre à la parcelle, incluant donc les VRD dans l’ACV. Ce n’est plus le cas. ©PP

 

De même, sans doute pour ne pas outre mesure avantager le bois, il semble que les avantages et les charges apportés par les produits de construction et les équipements seront pris en compte seulement dans le cadre de l’ACV de 50 ans. Le stockage permanent de carbone, tant que le bois n’est pas brûlé, par exemple, n’entrera pas en ligne de compte, pas plus que les possibilités de recyclage infinies de l’aluminium et de l’acier.

 

La méthode RE2020 contiendra aussi une « climatisation fictive » que nous avons déjà détaillée dans un précédent article. Comme l’indique Paul Jallet, la clim fictive interviendra dans « des bâtiments non-climatisés à la livraison, mais jugés insuffisamment confortables dans le calcul conventionnel. Cette clause vise à se prémunir des situations où des systèmes de climatisation peu performants seraient installés après la livraison du bâtiment, échappant ainsi à la règlementation ».

 

Qu’est-ce qui manque encore ?

 

D’une manière générale, toutes les exigences et l’endroit où seront placés les curseurs, sont encore à venir. En matière de consommation d’énergie des bâtiments, par exemple, la RE2020 distingue les énergies renouvelables et les énergies non-renouvelables. Mais on ne sait pas encore à quelle sera la contribution minimale d’ENR exigée. Elle sera sans doute différente selon le type de bâtiment.

 

De même, on ne sait pas encore quels « niveaux d’exigences seront appliqués aux indicateurs BBio, Cep non-renouvelable, RCR (Ratio de Chaleur Renouvelable) et DH (degrés heures d’inconfort thermique) ». En outre, souligne Paul Jallet, trois autres points demandent encore des précisions. On ne sait pas, par exemple, si les zones CE1 (donne droit à une surconsommation pour la climatisation) et CE2 (ne donne pas droit à une surconsommation pour la climatisation) ou un mécanisme similaire existeront toujours dans la RE2020.

 

Deuxièmement, il existe des garde-fous dans la RT2012 qui, indépendamment du niveau de Cep atteint, font en sorte que l’enveloppe du bâtiment conserve une performance minimale. Il n’est pas certain que ce mécanisme dure dans la RE2020.

 

Troisièmement, dans la RT2012, le mécanisme du « Titre V » permet d’introduire dans la RT des systèmes innovants qu’elle ne prenait pas compte à l’origine. Il n’est pas certain que, notamment du point de vue informatique, les Titres V existants en RT2012 soient compatibles avec le futur moteur RE2020. Auquel cas, il faudra délicatement annoncer à des dizaines d’industriels que les Titres V qu’ils ont financés pour leurs systèmes innovants, ne valent plus rien. Ou bien qu’il faut les écrire d’une manière différente.

 

Enfin, tous les acteurs espèrent aussi que l’absence de valorisation de l’électricité produite par le bâtiment et exportée sera modifiée. En l’état actuel des textes publiés, cela conduirait en effet à dimensionner les installations photovoltaïques sur les bâtiments pour optimiser l’autoconsommation et non pour maximiser la production, donc à des installations photovoltaïques sous-dimensionnées par rapport au potentiel des bâtiments.

 

Le rôle des Bureaux d’Etudes Thermiques

 

Paul Jallet et BBS-Slama sont persuadés que les BET – qui sont actuellement leurs clients pour les logiciels de simulation thermique, de calcul règlementaire et de dimensionnement – se chargeront aussi des calculs environnementaux. Telle que la méthode est construite, en effet, les calculs thermiques et environnementaux sont intimement liés.

 

Comme le dit Paul Jallet, « les bureaux d’étude à compétences énergie, aujourd’hui en charge du respect de la RT2012, seront aussi missionnés pour réaliser l’étude ACV finale accompagnant le permis de construire et assurer le suivi global du respect de la RE2020.

 

Ils devront a minima maitriser la réalisation de calculs environnementaux, dont la principale difficulté réside dans l’inventaire complet (nature et quantité) des produits de construction et équipements (PCE) constituant le bâtiment ».

 

Il poursuit « Ce cap ne sera pas forcément facile à franchir, cet inventaire nécessitant de réunir des informations sur l’ensemble des corps d’état et éléments du projet de construction – y compris ceux qui jusque-là ne concernaient pas (ou indirectement) les bureaux d’étude énergie : fondations, structures, charpentes, aménagements intérieurs des locaux, éléments architecturaux, réseaux divers…  

 

Dans certains cas, ils pourront s’appuyer sur le travail des autres acteurs de la maîtrise d’œuvre (architecte, bureau structure notamment) ou encore sur les économistes de la construction, dont le travail de recensement est très similaire à celui de l’ACV ».

 

 

 

Selon Paul Jallet, « au cours des premières années d’application de la RE2020, les maîtres d’ouvrage et cabinets d’architectures auront besoin de visibilité pour guider leur choix et acquérir progressivement une connaissance des bonnes pratiques pour respecter les exigences de la RE2020 ». Et il voit volontiers les BET endosser le rôle de conseillers éclairés. ©PP



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
1 Commentaire
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  • par Syndicat Eclairage
  • 26/08/2020 16:52:56

Merci pour cet état d’avancement et cet article, comme toujours détaillé et bien informé ! Pour ce qui est des « garde fous », souhaitons qu’il en existe encore pour les exigences de cette future RE 2020 relatives à l’éclairage général. La cohérence, et la simplicité, voudrait qu’elles ne soient pas inférieures aux exigences de la RT rénovation, ou « RT par éléments » : - Lorsque le local est inoccupé, extinction automatique de l’éclairage dans les bâtiments tertiaires, et dans les parcs de stationnements et parties communes des bâtiments tertiaires et résidentiels ; - Gradation en fonction de l’éclairage naturel obligatoire pour les bâtiments tertiaires ; - Puissance maximale installée pour l’éclairage général, par tranche de 100 lux, de 1.6 W/m² de surface utile pour les bâtiments tertiaires (soit par exemple 8 W/m2 pour 500 lux)

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