Voltalis en voie de desserrer le carcan du système électrique français

Voltalis en voie de desserrer le carcan du système électrique français

Voltalis, un opérateur d’effacement, vient d’être retenu pour contribuer à la flexibilité du réseau électrique français en s’engageant à effacer 119 MW de puissance




Voltalis existe depuis 10 ans et son modèle économique est relativement simple, mais, en France, curieusement unique. Au départ, l'opérateur s’adresse au client final, ménages et entreprises. Chez chaque client, il peut effacer à distance une faible puissance pour un temps relativement court : radiateurs électriques et ballon d’ECS électrique, par tranches de 10 minutes à une demi-heure.

 

L’accumulation de plus de 100 000 clients confère à l'opérateur, à l’échelle nationale, une puissance d’effacement non-négligeable. Ce qui intéresse les gestionnaires du réseau électrique, RTE pour le réseau de transport, mais aussi Enedis pour des situations locales particulièrement contraintes.

 

Les gestionnaires de réseau sont prêts à payer pour, d’une part, l’existence, l’assurance de la disponibilité dans le temps de cette possibilité d’effacement et, d’autre part, pour la mobilisation de cette capacité lorsqu’ils en ont besoin. Effacer des consommations et de la puissance appelée coûte moins cher qu’importer de l’électricité ou mettre en route une centrale électrique de plus. C’est le schéma global, voici maintenant le détail.

 

Le boîtier Voltalis chez le client final

 

Chez un ménage, Voltalis installe un boîtier gratuitement et pratique ce que l’on appelle de l’effacement diffus : le pilotage à distance des équipements raccordés. Seuls sont concernés les clients équipés d’un ballon électrique et d’au moins trois radiateurs électriques.

 

Le boîtier se compose de deux éléments. Installé au tableau, un modulateur mesure la consommation de 4 départs au maximum. Si le logement compte plus de 3 radiateurs et d’un ballon d’ECS électriques, il est possible d’ajouter d’autres modulateurs.

 

Le modulateur peut couper des départs de 20 A au tableau électrique. Le modulateur communique avec le boîtier proprement dit, en CPL (Courant Porteur) bas débit, selon un protocole de communication propriétaire. Ensuite, le boîtier remonte les données et reçoit les ordres en 2G.

 

Lorsque que c’est nécessaire, Voltalis coupe à distance le ballon et/ou un radiateur. Si le besoin de réduction de puissance persiste, ce radiateur est remis en service, au plus tard 30 minutes après sa coupure initiale, et l'opérateur actionne la coupure d’un radiateur différent dans le logement. Le but est de maintenir le confort chez l’utilisateur final.

 

Une installation domotique connectée pour l'utilisateur

 

Le boîtier fournit aussi, par départ monitoré – chaque radiateur électrique et le ballon d’ECS -, une analyse des consommations. Voltalis propose à l’utilisateur final un espace particulier en ligne myVoltalis qui lui permet de suivre sa consommation et de mettre en pratique les conseils de pilotage de l’installation que lui adresse Voltalis.

 

L’association du boîtier et de l’espace myVoltalis fournit à l’utilisateur final une installation domotique connectée, avec une application, grâce à laquelle il peut piloter à distance et programmer le fonctionnement de son chauffage et de sa production d’ECS électriques.

 

Chaque logement est identifié par son n° de PDL (Point de Livraison), un identifiant unique, commun à tous les distributeurs d’électricité et qui figure sur la facture d’électricité du logement. Les prestations de Voltalis sont indépendantes de la fourniture d’électricité.

 

Jusqu'à 15 % d'économie d'électricité pour le particulier avec l’effacement diffus

 

Comme les débats autour de la préparation de la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) dès l’automne 2018, la France présente un profil d’utilisation d’électricité en Europe très particulier : massif équipement en chauffage électrique et en production d’ECS électrique par accumulation. Plus de la moitié de la « thermosensibilité » - réaction de la courbe de charge du réseau électrique aux variation de température – européenne en hiver, se trouve en France.

 

Selon une étude de l’Ademe et du CSTB déjà ancienne (2013), le potentiel de l’effacement diffus atteint 15 000 MW, auxquels il faut ajouter 3000 MW pour l’effacement de clients industriels.

 

Pour des clients domestiques, Voltalis estime que sa solution entraîne jusqu’à 15% d’économie d’électricité. L’étude Ademe-CSTB évoque plutôt 6 à 8%. Cette économie d’énergie, plus l’installation gratuite d’un système connecté de pilotage et de monitoring de son chauffage et de sa production d’eau chaude, ainsi que le push vers l’appli myVoltalis de conseils d’économie d’énergie personnalisés constituent le bénéfice pour chaque client domestique.

 

Une offre dédiée au tertiaire et petits sites non équipés de GTB

 

En tertiaire, l’offre de l'opérateur est un peu différente. Pour commencer, les possibilités de coupure de son dispositif chez le client atteignent plusieurs MW par départ. Ensuite, outre l’effacement, l'entreprise propose aux petits sites non équipés de GTB, une offre en ligne : vGTC. Destinée aux agences bancaires, aux petits super-marchés, etc.

 

Ce système repose tout de même sur l’installation dans les locaux de sondes et de compteurs et permet de piloter les fonctions de base. Voltalis cite, par exemple, le cas d’un réseau de superettes qui ont adopté cette solution pour, notamment, éteindre l’éclairage à la fermeture.

 

Ensuite, le concentrateur Voltalis en tertiaire parle nativement ModBus, BACnet, ZigBee, Zwave et WiFi. S’il faut d’autres protocoles, il est toujours possible d’ajouter un dongle faisant office de passerelle sur l’un des deux ports disponibles.

 

Au total, l'entreprise dispose aujourd’hui d’environ 1 GW d’appareils raccordés, qu’il traduit de manière réaliste par une capacité d’effacement d’environ 200 MW.

 

AOLT, l’Appel d’Offres de Long Terme

 

Fin novembre 2019, le ministère de la transition écologique et solidaire a lancé un AOLT dans le cadre du mécanisme de capacité. C’est un dispositif instauré par les articles R335-1 et suivants du Code de l’Energie et dont l’objectif est de garantir durablement la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France. En gros, chaque fournisseur d’électricité doit disposer d'un montant de garanties de capacité permettant de couvrir la consommation électrique de ses clients pendant les périodes de pointe.

 

Les fournisseurs d’électricité peuvent soit s’équiper eux-mêmes, soit acquérir ces garanties auprès des opérateurs d’effacement, du moins auprès de ceux dont RTE (Réseau de Transport d’Electricité, une filiale d’Edf, dirigée par François Brottes) a certifié les capacités d’effacement. Bref, dans le cadre de ce mécanisme de capacité, l’AOLT lancé en novembre a été organisé et instruit par RTE. Les résultats ont été annoncés fin février 2020. L’AOLT court de 2021 à 2027.

 

Deux opérateurs sont retenus, Voltalis pour une capacité d’effacement supplémentaire de 119 MW et RES pour 60 MW de stockage en batteries répartis en deux tranches : 30 MW pour la période 2021-2027 et 30 MW pour 2022-2028. RES fait partie des 4 premiers mondiaux dans l’exploitation de stockages d’électricité en batterie et gère déjà 270 MW aux Etats-Unis et en Europe. Voltalis et RES sont assurés d’une rémunération stable pour toute la période couverte par l’AOLT.

 

En ce qui concerne Voltalis, les 119 MW représentent une capacité supplémentaire. Cela correspond à environ 800 MW de nouveaux contrats d’effacement, soit 60 000 à 80 000 nouveaux boîtiers à installer en 2020 et 2021. Bon, ça paraît énorme, mais la France compte environ 8 millions de logements chauffés à l’électricité direct. L'opérateur français va tenter d’en équiper 3 millions en quelques années. La valeur de « quelques » n’est pas précisée.

 

Voltalis a d’autres projets à moyen terme

 

Voltalis s’engage dans la gestion de l’autoconsommation de la production photovoltaïque. L’entreprise mène déjà un field-test en pilotant 500 logements équipés de production PV en Grande-Bretagne. Ensuite, elle imagine une « communauté » au sein de laquelle, les participants échangeraient leurs surplus d’électricité, un peu sur le modèle de Sonnen en Allemagne.

 

L'entreprise discute avec des fabricants de stockage en batterie pour parvenir à une baisse des coûts et pour développer le pilotage à grande échelle d’un grand nombre de stockages. Pour développer cette idée en France, il faudra toutefois que la réglementation évolue.

 

En effet, aujourd’hui, deux ménages, chacun équipé d’un stockage, qui voudrait échanger son électricité se voient pénaliser par le TURPE (Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité). Mais rien n’est jamais totalement figé. RTE a lancé des groupes de travail pour remettre à plat le statut réglementaire du stockage d’électricité.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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