Une surélévation en bois à Paris rentabilisée grâce au prix du foncier

Une surélévation en bois à Paris rentabilisée grâce au prix du foncier

L’agence Equateur surélève deux bâtiments de logements sociaux dans le 12e arrondissement à Paris, où le prix exorbitant du foncier relance ce marché malgré toute sa complexité.




L’agence Equateur, spécialisée dans les marchés de rénovation, autrement de dit ré-architecture, peut mieux faire. Après avoir sauvé l’une des tours qui jouxtent la gare de Sarcelles, avec l’appui de Techniwood, c’est tout l’immense quartier qu’elle devrait être en train de réhabiliter.

 

Si ce n’est que ces projets restent depuis un an dans un tiroir, dans l’attente apparemment de l’issue des élections municipales. L’interprofession Francîlbois en a profité pour organiser, le 28 novembre dernier, une visite d’une surélévation que l’agence est en train d’achever dans le 12e arrondissement de Paris, entre les voies devenues promenade de la Petite Ceinture, et la ceinture des boulevards extérieurs.

 

L’opération n’a pas l’ampleur de celle que vient d’achever Paris Habitat sur la résidence Glacière-Daveil-Vergniaud avec l’agence EHW architecture : 64 logements installés sur les toits et récompensés récemment d’un Geste d’Or (mention architecture, innovation sociale et économique).

 

Mais comme le précise l’agence, la SAS Equateur a été mandatée dès 2015 par le bailleur HSF (Habitat Social Français, filiale de la RIVP) pour réaliser des études de faisabilité sur le potentiel de surélévation de son patrimoine parisien.

 

Dans la foulée, elle s’est vu confier en 2016, il y a donc bien trois ans, ce projet de surélévation créant 12 logements sur deux niveaux et deux bâtiments, l’un sur rue, l’autre sur cour. Equateur expérimente une opération conséquente de surélévation couplée à une rénovation énergétique, complétant son expertise théorique par une épreuve pratique.

 

 

La réalisation de la façade et des finitions impose le montage d’un échafaudage toute hauteur et d’un monte-charge. ©JT

 

Des surélévations quelque peu facilitées

 

La loi Duflot a quelque peu facilité le développement du marché des surélévation en permettant l’alignement des immeubles sur les crètes voisines. Selon Marc Bénard d’Equateur, les bailleurs ont un peu moins de difficultés à monter des opérations que les copropriétés, qu’il s’agisse de rénovation énergétique ou de surélévation, les deux démarches étant parfois combinées.

 

Les locataires doivent valider par vote un projet donné, ce qui incite entre autres à opter pour des modes constructifs rapides, des chantiers silencieux et propres. Le recours à la voie sèche s’impose aussi par l’impératif de légèreté.

 

Dans le cas présent, les bâtiments sont récents, avec 37 logements sur trois emplacements, construits solidement en 1985 par l’architecte Gérard Thurnauer du célèbre Atelier de Montrouge. Ainsi, les ayants-droits de l’architecte, disparu en 2014, ont été consultés.

 

 

Les panneaux massifs en bois sont masqués tout comme l’ossature bois, mais ils se prêtent bien à la suspension de plafonds rapportés.©JT

 

La plaque de plâtre en renfort pour le feu et l’acoustique

 

Le choix du bois s’impose pour la structure, et pour faciliter le respect de performances énergétiques élevées exigées par le Plan Climat parisien, qui demande un niveau BBC pour toute opération de rénovation.

 

Le maître d’ouvrage ajoute une certification NF Habitat HQE qui sera garante, entre autres, de la conformité de l’ouvrage à la réglementation acoustique. Elle permettra également d’établir au moins théoriquement un niveau d’émissions de gaz à effet de serre de classe A avec moins de 5 kg d’équivalent gaz à effet de serre produit par m2 et par an à l’usage.

 

Le plancher intermédiaire de la double surélévation sera en CLT reposant sur une façade à ossature bois. L’emprise du plancher atteint 410 mm avec sa chape sur résilient, un panneau de CLT de 140 mm (parfois même de 220 mm) au-dessus d’un plenum isolé et fermé en sous-face par deux plaques de plâtre.

 

De même, deux plaques de plâtre sont fixées côté intérieur sur les éléments à ossature bois, avec une isolation complémentaire. Ces doubles parements jouent à la fois un rôle acoustique et protègent l’ouvrage contre le feu.

 

La réglementation incendie a également motivé le recours à certains écrans complémentaires, notamment à proximité immédiate de la cage d’escalier sans ascenseur qui a été prolongée sur deux niveaux, par dérogation.  Par ailleurs, l’agence précise que des renforts métalliques ponctuels ont été nécessaires pour s’adapter aux fortes contraintes géométriques du site.

 

 

Dans certains cas, la proximité du plancher par rapport à la cage d’escalier impose une protection supplémentaire contre le feu.©JT

 

Grue mobile

 

Si le bois s’impose naturellement, le choix de la préfabrication est moins évident, notamment pour le bâtiment en fond de cours en R+3, difficile d’accès. Cependant, un chantier forain y aurait généré plus de nuisances.

 

En fin de compte, le Lorrain Ecologgia livrera les éléments en 2D à partir du site Techniwood de Rumilly en Haute-Savoie. Une grue mobile MK installée rue Decaen acheminera les éléments en 2D par-dessus le premier immeuble, à la faveur de sa propre mise en chantier.

 

Les premiers grutages de parois préfabriquées mais non équipées de baies s’effectueront à partir de la mi-mai 2019. La surélévation du côté de la rue démarre quant à elle à R+7 et le dernier niveau est mansardé du côté de la cour, entraînant la mise en œuvre d’une charpente en bois qui sera finalement masquée elle aussi.

 

La façade en inox poli remplit essentiellement deux fonctions : d’une part, elle vise à refléter la lumière vers la cour. D’autre part, son albedo est censé juguler les effets d’îlot de chaleur urbain. Il anticipe ainsi au mieux l’exposition sans doute croissante de ces logements surélevés et de faible inertie à des périodes caniculaires plus longues et plus intenses. Au moins, les nouveaux logements joueront leur rôle d’écran thermique vis-à-vis de ceux en maçonnerie qui se trouvent au-dessous.

 

 

Un chantier de surélévation sèche est un régal pour le plaquiste qui en met de toutes les couleurs.© JT

 

Effet d’entraînement

 

L’ouvrage doit être livré en 2020, quatre ans après le démarrage des études. Le montant HT des travaux portant sur une création de surface de 350 m2 est de 3 millions d’euros, ce qui ferait un ratio ahurissant de 9000 euros par m2, si l’opération n’incluait également une réhabilitation à visée énergétique des 37 logements existants, un réaménagement des halls, loge gardien, locaux vélos et tri sélectif.

 

L’exemple le montre : un projet de surélévation entraîne un projet de rénovation énergétique, et vice versa. Aujourd’hui, malgré la durée des études et la complexité administrative, logistique et réglementaire, de telles opérations se justifient d’autant mieux que le coût du foncier devient inaccessible, comme c’est le cas aujourd’hui intra muros à Paris.

 

De fait, Ecologgia achève parallèlement une autre surélévation, rue Mademoiselle dans le 15e arrondissement, cette fois pour un maître d’ouvrage privé.  

 

 

Selon l’agence Equateur, les toits parisiens présentent de très nombreuses opportunités de surélévation, qui restent à saisir. ©JT


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

Laissez votre commentaire

Saisissez votre Pseudo (votre commentaire sera publié sous ce nom)

Saisissez votre email (une alerte sera envoyée à cette adresse pour vous avertir de la publication de votre commentaire)

Votre commentaire sera publié dans les plus brefs délais après validation par nos modérateurs.

Articles qui devraient vous intéresser

Pour aller plus loin ...

Newsletter
Produits


Votre avis compte
Êtes-vous favorable à la mise en place d'un certificat de conformité de performance énergétique pour les artisans non-certifiés RGE ? (248 votants)
 
Articles
Nouveautés Produits