Photovoltaïque : le numérique peut doper l’autoconsommation collective

Photovoltaïque : le numérique peut doper l’autoconsommation collective

Plusieurs entreprises françaises se préparent à l’autoconsommation collective. Leurs expériences montrent que des solutions existent, fonctionnent et sont potentiellement rentables.




Comwatt, MyLight Systems, Urban Solar Energy, ces trois entreprises françaises ont accumulé un savoir-faire aisément valorisable dans l’organisation de l’autoconsommation photovoltaïque collective. Leurs approches sont un peu différentes.

 

Comwatt et MyLight Systems sont les deux spécialistes français de l’autoconsommation individuelle. Ils ont développé pour cela des automates et des plateformes logicielles et se font fort, à partir de cette expérience, d’appliquer leur savoir-faire à l’autoconsommation collective.

 

Urban Solar Energy, comme son nom l’indique, est expert dans le développement de centrales solaires en milieu urbain. L’entreprise a développé une expérience d’autoconsommation individuelle et collective grâce à son concept de stockage virtuel. Toutes les solutions de ces trois entreprises reposent avant tout sur des objets connectés et des applications numériques associées.

 

L’expérience de l’autoconsommation individuelle

 

Depuis 2010 pour Comwatt et depuis 2012 pour MyLight Sytems, les deux entreprises développent leurs offres d’autoconsommation photovoltaïque individuelle. Leur idée est simple, si vous produisez de l’électricité sur votre toit, étant donné l’évolution des coûts de l’électricité acheté au réseau – multiplié par deux entre 2005 et 2015, puis prévu pour augmenter de 50% entre 2019 et 2025 – et la baisse continue des tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque, il est raisonnable d’en consommer le maximum, plutôt que de le revendre au réseau.

 

De plus, le coût d’installation d’un système photovoltaïque ne cesse de baisser. Le prix des panneaux a été divisé par 10 en 10 ans et continue de baisser, à un rythme plus lent. Ce qui améliore encore la rentabilité de l’autoconsommation pour les nouveaux entrants. Pour autoconsommer le maximum d’une production photovoltaïque, il faut monitorer les consommations du logement, puis forcer les flux d’électrons pour les diriger vers des emplois possibles dans le logement, plutôt que de les laisser partir vers le réseau.

 

Comwatt et MyLight Systems proposent une box connectée, indépendante pour Comwatt, montée au tableau de distribution du logement et baptisée UGC (Unité Centrale de Gestion) pour MyLight Systems. Ensuite, tous deux proposent des équipements et des logiciels pour le suivi et la gestion des consommations des appareils électriques, de la ventilation, du chauffage électrique, du chauffage à eau chaude et même de la climatisation.

 

Pour le suivi des consommations, les deux entreprises proposent des pinces ampèremétriques pour des installations mono ou triphasées, ainsi que des prises connectées. Comwatt ajoute des modules encastrables, avec un pouvoir de coupure de 2300 W, pour le suivi, la mesure des consommations et le pilotage des appareils électriques qui ne sont pas connectés à une prise de courant (ballons d’eau chaude, climatiseurs, radiateurs électriques, etc.). Pour le chauffage à eau chaude, Comwatt et MyLight Systems proposent des robinets thermostatiques connectés à pile qui communiquent sans fil avec un thermostat programmable centralisé.

 

La solution MyLight Sytems pour le pilotage du chauffage électrique – thermostat connecté + actionneurs de chauffage électrique avec ou sans fil pilote + box de communication entre ce système et l’UGC MyLight Systems - repose sur l’offre Wiser de Schneider Electric et communique donc sans fil en Zigbee. Le reste des équipements MyLight Systems communique en CPL (courant porteur). Les solutions de Comwatt communiquent sans fil en Z-Wave.

 

Informer le client sur sa consommation

 

Toutes les données collectées sont moulinées par des logiciels d’affichage et de gestion, puis restituées au client final sur un tableau de bord clair. Chez MyLight Systems, c’est le logiciel MYL 2.0, mis à disposition de chaque client, pour le suivi et le pilotage à distance de son installation photovoltaïque et de ses divers appareils électriques monitorés. Dans son mode automatique GreenPlay,

 

De tout cela, les deux entreprises tirent quatre enseignements. Premièrement, soulignent-elles, tout ce qu’elles ont développé pour l’autoconsommation individuelle est aisément transposable à l’autoconsommation collective. Ce n’est qu’une question informatique, voire d’algorithmes. D’ailleurs tous les nouveaux développements d’automates et de logiciels chez MyLight Systems sont désormais prêts pour l’autoconsommation collective.

 

 Deuxièmement, elles ont accès à une grande finesse de données de consommation, appareil par appareil, chez leurs clients. Contrairement à Enedis qui avec ses compteurs Linky voit les variations de la consommation globale de chaque client sans savoir à quoi elle correspond, Comwatt et MyLight Systems savent combien consomme un réfrigérateur, une climatisation, un radiateur électrique. Ce qui du coup, leur donne une puissance d’analyse supérieure.

 

De manière anonymisée, Comwatt fournit à RTE, chargé de l’équilibre du réseau de transport d’électricité en France, des données fines qui ont permis d’améliorer les prévisions de RTE, région par région, à la fois sur la production photovoltaïque injectée sur le réseau et sur les consommations des clients domestiques.

 

Contribuer à l’équilibre des réseaux

 

Comwatt continue ce travail avec RTE et envisage d’aller jusqu’à une offre de participation à l’équilibrage de la fréquence du réseau. Avec l’accord de ses milliers de clients et sans nuire à leur confort, Comwatt pourrait à terme délester des réfrigérateurs et des radiateurs électriques, repousser dans le temps des cycles de machines à laver, etc. de manière à soulager le réseau de distribution électrique. On appelle ça un service d’équilibrage de la fréquence du réseau et cela se paye.

 

Troisièmement, disent Comwatt et MyLight Systems, le fait d’informer leurs clients en détail sur leurs consommations et son évolution, contribue déjà à changer le comportement des clients. Cette seule mise à disposition de l’information engendre 8 à 10% d’économie d’électricité.

 

Quatrièmement, avec l’action volontaire pour maximiser l’autoconsommation, les clients atteignent 70 à 80% d’autoconsommation. Attention, cela ne signifie pas que 80% de leur consommation finale d’électricité soit couverte par leur production photovoltaïque. Mais plutôt qu’ils parviennent à autoconsommer 80% de leur production photovoltaïque. Ce qui représente environ 50% de leur consommation totale. En ajoutant un stockage – virtuel ou physique -, le client peut autoconsommer 100% de sa production.

 

Le stockage d’énergie physique

 

Comwatt explique que la France, phénomène unique en Europe, dispose de millions de ballons d’eau chaude installés qui constituent, sans aucun investissement supplémentaire, une solution efficace pour stocker de la chaleur. Avec l’aides des automates Comwatt et MyLight Systems, le mode de fonctionnement de ces ballons change. Au lieu de se charger la nuit en heures creuses, ils se chargent durant la journée, lorsque la production de l’installation photovoltaïque est la plus importante.

 

Ensuite, souligne Ondine Suavet, dirigeante et fondatrice de MyLight Systems, s’il faut passer à un stockage d’électricité physique, une batterie est nettement plus pertinente lorsqu’elle est partagée par plusieurs consommateurs. En effet, pour baisser les coûts d’un stockage d’électricité, il faut augmenter sa taille, à la fois en termes d’investissement par kWh stocké, mais aussi en termes de maintenance et d’entretien. Elle milite donc plutôt en faveur de grosses batteries utilisées à l’échelle d’un quartier, qu’en faveur de petites batteries dans chaque logement.

 

Passer au stockage virtuel

 

Mais, tout de même, dit Ondine Suavet, l’avenir proche et même déjà accessible est le stockage virtuel. Sur le modèle des offres lancées outre-Rhin depuis quatre à cinq ans déjà, notamment par E.ON, MyLight Systems et Urban Solar Energy proposent en effet des solutions de stockage virtuel.

 

MyLight Systems commercialise depuis quelques mois déjà MySmartBattery, en association avec BCM Energy, producteur d’électricité vert et distributeur sous la marque Planère OUI.

 

MyLight Systems compte l’énergie produite par l’installation photovoltaïque, non-autoconsommée, envoyée sur le réseau et la stocke dans la batterie virtuelle : l’énergie est mise à disposition de BCM Energy. La nuit, lorsque l’installation du client ne fonctionne plus, il puise dans sa batterie virtuelle pour ses besoins. L’énergie lui est restituée à un coût de kWh nul, mais comme elle transite par le réseau public, il acquitte tout de même le coût d’acheminement et les autres taxes, soit environ 0,06819 €/KWh pour un client Tarif Bleu aujourd’hui.

 

Urban Solar Energy pousse la démarche plus loin. L’entreprise est elle-même distributeur d’électricité sur le marché français. Elle s’approvisionne pour cela directement auprès de producteurs d’énergie renouvelable, comme la Compagnie du Rhône, par exemple. Urban Solar Energy est également un spécialiste de l’installation de centrales photovoltaïques en milieu urbain. Yannick Ducerf, l’un de ses fondateurs, souligne qu’ils sont partis d’une idée simple.

 

L’approche de Urban Solar Energy

 

Si on exploite une centrale solaire sans valoriser son surplus de production, celle qui n’est pas autoconsommée par le bâtiment en dessous, on augmente considérable son temps de retour, son ROI ou Return On Investment, comme il dit. Installer un stockage physique en batterie, étant donné le coût actuel et la durée de vie des stockages, double le ROI.

 

La solution évidente, pour des gens qui viennent du monde de l’informatique où le Cloud et la virtualisation sont des notions tout à fait naturelles, consiste à valoriser le surplus au moment où il est disponible, puis à le rendre au client qui l’a produit lorsque son installation ne produit plus et qu’il a besoin d’énergie.

 

Là où MyLight Systems s’est associé avec un fournisseur d’énergie, Urban Solar Energy fait tout tout seul, grâce à son statut de distributeur d’électricité. Le mécanisme est fondamentalement le même. Urban Solar Energy compte le surplus de production d’une autre installation, le considère comme un approvisionnement en électricité entrant dans la quantité d’énergie qu’il vend à ses clients. Lorsque l’installation ne produit plus, il lui rend le surplus en facturant 0 € pour les kWh, mais en faisant payer au client les charges d’acheminement et les diverses taxes.

 

Comme le précise Yannick Ducerf, pour ce service Urban Solar Energy facture au client un abonnement de 1 €/KWc.mois. Un client possédant une installation de 3 kWc sur son toit paye 3 €/mois. Ce mécanisme peut s’appliquer aussi bien à un client unique en autoconsommation individuelle qu’à un groupe de clients en autoconsommation collective. Dans ce dernier cas, Urban Solar Energy assume la position de « personne morale » qui lie entre-eux les personnes participant à cette opération d’autoconsommation collective.

 

Et le BEPOS dans tout ça ?

 

De manière inattendue pour eux, l’offre de « Stockage Virtuel Unifié », destinée aux entreprises qui possèdent plusieurs sites en France, certains adaptés à la production photovoltaïque et d’autres moins, rencontre un succès important auprès de grandes entreprises, notamment des enseignes de la grande distribution. A l’automne, Urban Solar Energy devrait annoncer une première opération conclue avec un fabricant de BPE (Béton Prêt à l’Emploi).

 

Il est également rassurant de constater que Urban Solar Energy a bien en tête l’échéance du 1er janvier 2021, à partir de laquelle tous les bâtiments neufs devront être BEPOS (Bâtiment à Energie Positive). Il faut dire en effet que jusqu’à présent, la quasi-totalité des interlocuteurs auprès desquels nous évoquons cette échéance a la tête dans le guidon et peine à lever le nez.

 

Urban Solar Energy, pour sa part, prépare activement le BEPOS. Il travaille avec plusieurs promoteurs nationaux sur les solutions élégantes d’intégration du photovoltaïque dans des immeubles destinés à être vendus en copropriété. Sous le sceau du secret, l’entreprise indique même qu’il s’agit d’aller au-delà de la future RE2020 et de produire assez d’énergie pour que les bâtiments soient BEPOS, tout en étant activement rafraîchis durant les périodes de fortes chaleurs.

 

Urban Solar Energy réfléchit également avec des Maîtres d’Ouvrages Sociaux pour adapter le photovoltaïque à leurs bâtiments de manière à réduire le montant des charges pour les locataires. L’entreprise participe aussi à la création d’un « conglomérat », faute d’une meilleure désingation pour l’heure, qui rassemblera des fournisseurs de matériels, des entreprises de distribution et de production d’électricité, des installateurs, etc.

 

Il s’agit de fournir en fin d’année un guichet unique pour l’étude, le financement, l’installation, l’exploitation et la maintenance d’installations photovoltaïques sur les bâtiments, dans la perspective de l’explosion du nombre d’installations annuelles à partir de 2021.

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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