Première "pas tour de La Défense"

6 niveaux en bois avec structure porteuse BLC et CLT sur noyau béton

Inspire, par Béchu & Associés pour BNP Paribas Real Estate, le "premier immeuble à ossature bois de La Défense" sera livré en fin d’année avec six étages en bois.




C’est le premier de La Défense, mais qui sait le dernier aussi ? Craché juré, le dernier immeuble de bureaux en blanc. Coup de chance, le promoteur BNP Paribas Real Estate a pu le vendre en phase de construction à Allianz Trade, qui déménagera à un jet de poutre et prend l’intégralité. De fait, ce n’était déjà plus du blanc, et le futur propriétaire a interagi. Pour un peu la conception des escaliers du grand hall d’accueil aurait été éliminée, mais elle a finalement été prolongée vers le rez-de-chaussée. Les autres accommodations semblent plus de l’ordre du space planning.

 

 

 

Rayons de courbure

Le concept développé par Béchu & Associés, et plus précisément par Antony Béchu qui aime les courbes (ici c’est aussi pour ne pas gêner les voisins), est relativement courant. Ce ne sont pas les 175 m de la tour D2 de La Défense, mais 36,60 m sur sept étages. La hauteur est raisonnable, l’accès n’en est volontairement que plus démesuré, avec une ouverture sur cinq étages.

 

Immeuble Inspire en construction le 14 mai 2025 : la façade incomplète laisse voir la structure porteuse en bois. © BNP Paribas Real Estate

 

 

Conformément à la manière française des dix dernières années, le noyau est en béton (même si le noyau ici est vide), le socle aussi, et la structure en BLC et CLT s’y accroche. Selon l’approche du Village des Athlètes lot D inspiré par Mathis, le niveau supérieur est également en béton, ce qui simplifie un peu l’étanchéité de la toiture, surtout si le rooftop devient une sorte de parc. La particularité, c’est de travailler en courbe, un peu comme pour le Curve de Chartier-Dalix livré il y a quelques années à Saint-Denis, et qui a servi de référence technique. Cette fois, le projet évite les rayons de courbure extérieurs trop étroits et d’ailleurs, les vitrages ne seront pas cintrés. Il faudra faire de la marqueterie avec les panneaux CLT de KLH donc Lignatec (Vosges) découpés parfois en losange et qui reposent en façade sur des poutres ancrées sur les poteaux massifs et réguliers sur six étages, avec un assemblage caché parfaitement réalisé sur des angles variables.

 

 

 

Rubner l’Européen

Comme le rayon de courbure des sablières intérieures est plus étroit, Béchu prescrit des poutrelles mais Rubner se débrouille pour les varianter en BLC avec des lamelles verticales en bois. Depuis la Maison de l’Inde il y a dix ans, Rubner a eu un peu de mal à s’installer en France, trop habitué à ne traiter que des grands projets qui lui vont particulièrement bien. C’est que Rubner est le leader européen de la construction bois, avec une capacité de gérer des projets comme Inspire en parallèle, entre autres, à Paris, une opération comme Inspire et rue de Belleville un R+6 bois pour Nexity, après un 30 000 m2 à Ivry. Le constructeur Rubner dispose de capacité de production de BLC hors pair en Autriche (son CLT sous membrane est anecdotique).

 

Plateau en finalisation. © BNP Paribas Real Estate

 

 

Selon Alexis Duhameau, directeur commercial de Rubner France dont la base francilienne est à Rosny-sur-Seine, le défi de l’Inspire résidait surtout dans la logistique. Coordonner en juste à temps les appros autrichiennes de BLC et de CLT. Les CLT sont protégés de la pluie par une couche de protection qui reste en place au moment de la pose des planchers techniques sur pastille élastomère, soit la formule la plus simple et légère, compatible avec les bureaux, et développée précisément sur la place de Paris à l’occasion de la construction des immeubles Opalia, Enjoy et Pulse il y a bientôt dix ans. La difficulté actuelle est de bien protéger les raccords aux poutres et les évacuations.

 

 

 

Démonstrateur pragmatique

Comparé au Curve avec sa trame trop large de 1,5 m et une façade cintrée turque ne tolérant pas de flexion, la situation de l’Inspire est apaisée, trame de 1,35 m, façade italienne en phase. De fait, Inspire est une inspiration pour le futur des plateaux de bureaux BLC+CLT. Le jeu nécessaire entre les planchers et la structure BLC est masqué derrière les poteaux, les ancrages métalliques de la façade sur le CLT sont floqués puis capotés.

 

Merci à Rubner de partager ce document essentiel à la compréhension de la construction bois de l'immeuble. © Rubner

 

 

Comme pour le Curve, et comme partout quand on utilise les panneaux CLT onéreux, les épaisseurs sont calibrées en fonction des besoins. Par contre, sur l’Inspire, les poteaux ne s’affinent pas en montant, d’autant qu’il faut supporter le couvercle de béton qui porte la végétation. Les poteaux en épicéa de Rubner sont purs comme de la décoration et participent à l’effet bois des plateaux sans créer de la lourdeur. La sous face des planchers CLT apparaît derrière des caissons rayonnants/rafraîchissants associés à un sprinklage généralisé imposé depuis la doctrine des pompiers.

 

 

 

La Défense verte ?

Il y a quinze ans, on dessinait de petites éoliennes sur les tours pleines de plantes vertes. On s’est ensuite rendu compte que les tours vertes sont un oxymore. Depuis, le déluge de carbone de la destruction-reconstruction des tours en béton de La Défense n’a pas cessé. En face de l’Inspire, PCA-Stream, c'est-à-dire l’agence fondée par Philippe Chiambaretta, qui a transformé les Champs-Elysées en jardin en 2010, et qui a ensuite construit le Stream Porte de Clichy, finit The Link à 154 m, juste en face. Un R+7 avec 6 étages en bois, c’est pas pour Cœur Défense. On en restera là et pourtant, l’Inspire porte bien son nom, c’est un démonstrateur bien foutu. Si on laisse de côté ce quartier un peu obsolète de La Défense, la démonstration de l’Inspire, c’est qu’il est facile et naturel de bâtir des bureaux de 30 m avec beaucoup de bois aujourd’hui. C’est quand même important quand on sait que le palier 2028 de la RE2020 sera rude pour le tertiaire.

 

Rives en cours de finalisation avant capotage. © Jonas Tophoven

 

 

 

Le rôle leader de BNP Paribas Real Estate

 

La qualité face vue de l'épicéa Rubner en poteau de BLC, très autrichienne, mais tout de même avec quelques noeuds. © Jonas Tophoven

 

 

Après le Curve, et l’Arboretum de Nanterre avec WO2, Inspire est une nouvelle tentative de BNP Paribas Real Estate pour maîtriser le concept de bureaux bas carbone bois, associé à une conception architecturale relevée. D’ici la livraison, on saura sans doute si la RE2020 est retoquée et si le palier de 2028 existera, ou si, comme ce fut déjà le cas pour la rénovation des bureaux, ce secteur bénéficiera de protection tout en se bardant de labels de qualité. On saura aussi si le marché frémit.

Au 14e Forum International Bois Construction, Grand Palais, fin février 2025, c'est l'un des architectes de l'opération, Toma Jornéa, qui a présenté le projet dans le cadre de l'atelier A3 du 27 février sur "La folle époque des bureaux en bois". Sa prestation a fait l'objet d'un reel instagram relié à la publication de la conférence sur la chaîne YouTube du Forum International. L'architecte, qui se sait dans un cadre stimulant, estime que cet immeuble n'est pas un point final, mais que "la vague est là".

Pour l’heure, la dernière ligne droite de ce projet tombe dans un contexte certes terrible en termes de climat, mais indécis quant à la politique constructive de la promotion de bureaux neufs. Le plus grand promoteur français peut capitaliser sur ses riches acquis, alors que ses trois tentatives, Curve, Arboretum, Inspire, le mette en situation de pouvoir massifier une approche tertiaire bois maîtrisée, et de pousser progressivement vers des fournitures plus proches, l’intégration de bois de moindre qualité, du réemploi, et d’un affichage précis du bilan carbone (qui attend la fin des travaux).

 

Lien vers la conférence de Toma Jornéa (Béchu&Associés) sur la chaîne YouTube du Forum International Bois Construction

https://www.youtube.com/watch?v=4DhAh9qeh5s&list=PLCd23vvjzRfOYH21jwwWC9eG6TjNkNzAp&index=2

  



Source : batirama.com/Jonas Tophoven / © Jonas Tophoven

L'auteur de cet article

photo auteur Jonas TOPHOVEN
Jonas Tophoven est journaliste de la presse professionnelle de la construction et du bois en France et en Allemagne depuis 30 ans. Le thème qui lui tient particulièrement à cœur est la réduction drastique des émissions de GES dans la construction, première émettrice humaine du monde devant l'agriculture, avec un impact renforcé en France. Il a d'abord travaillé pendant 12 ans sur la construction sèche, puis depuis 15 ans sur la construction bois préfabriquée et il collabore depuis 10 ans à la programmation des quelque 150 conférences annuelles du Forum Bois Construction, congrès des acteurs de la construction biosourcée.
Laissez votre commentaire

Saisissez votre Pseudo (votre commentaire sera publié sous ce nom)

Saisissez votre email (une alerte sera envoyée à cette adresse pour vous avertir de la publication de votre commentaire)

Votre commentaire sera publié dans les plus brefs délais après validation par nos modérateurs.

Tout sur le Forum Bois Construction : les autres articles du dossier...

Articles qui devraient vous intéresser

Pour aller plus loin ...

Newsletter
Dernière revue
Webmagazine Matériaux biosourcés - Forum Bois Construction 2025

  magazine  

Produits


Votre avis compte
Accidents du travail : faut-il boycotter le Mondial 2034 en Arabie saoudite ? (8 votants)