L’usine La Malle de Lafarge se lance dans la production de ciment à base d’argile

L’usine La Malle de Lafarge se lance dans la production de ciment à base d’argile

Déjà productrice des ciments les plus bas carbone de Lafarge, l’usine La Malle, située à Bouc-bel-Air près d’Aix-en-Provence, se lance dans un nouveau ciment à base d’argile activée.




Il s’agit d’un tout nouveau ciment bas carbone, encore en phase de lancement commercial à l’heure actuelle, après plusieurs années de recherche et développement. Le ciment à base d’argile activée de Lafarge produit à La Malle affiche 34% de C02 en moins qu’un ciment classique CEM 1, sachant que le poids carbone de l’argile activée est quatre fois inférieur à celui du clinker.

 

L’argile utilisée agit aussi comme un liant qui remplace donc en partie le clinker. Et tandis qu’il faut 780-800 kg de CO2 par tonne de clinker, il en faut moins de 200 kg par tonne pour produire ce liant à base d’argile. "Aujourd’hui, on ne sait pas encore remplacer tout le clinker avec ce produit, mais on travaille pour y arriver", précise Pascal Baudouin, directeur de l’usine La Malle. "De plus, l’ajout d’argile apporte une résistance supplémentaire au ciment. Celui sur lequel nous travaillons en ce moment est labellisé PM (prise mer en eaux sulfatées) et peut donc être utilisé pour des fondations où les eaux sont salines." Une innovation qui est donc en soit une petite révolution dans le monde de la cimenterie.

 

 

Devant la carrière, Pascal Baudoin, directeur de l'usine, au centre de l'image, entouré de Kamel Dian et Alain Bernard, responsable carrière. Photo © Emilie Wood

 

 

Le groupe Holcim et l'Ademe investissent

 

 

Lafarge vient d’obtenir de la part du groupe Holcim un investissement de 7 millions d’euros dont le but est de transformer l’usine La Malle pour adapter ses capacités de production à grande échelle de ce nouveau liant argile activée avec sa technologie propriétaire ProximA Tech. Cette opération permettra d'en augmenter l’utilisation dans plus de produits de la gamme et ainsi répondre à la demande croissante du marché. L’argile remplace partiellement le clinker, la partie du ciment dont la production génère le plus de C02.

 

Plusieurs ciments contenant des volumes différents d’argile activée viendront donc s’ajouter à la gamme actuelle des ciments bas carbone de Lafarge d’ici 2024. "Aujourd’hui la demande pour ce type de produit est déjà là", indique le directeur de l’usine. "C’est notre outil de production qui n’est pas encore prêt pour le produire à grande échelle. C’est ce qui sera rendu possible par cet investissement de la part du groupe Holcim, additionné à celui de l’Ademe, qui a reconnu également l’intérêt de ce projet, et qui le co-financera à hauteur de 2 millions d’euros."

 

60% de l’argile provient de la carrière Lafarge, attenante à la cimenterie. On repère la partie argileuse de la roche à sa couleur rouge et ocre. Dans la carrière, on extrait également de la silice, du fer, de l'alumine... Tout est utilisé par l'usine La Malle. Rien n'est vendu à l'extérieur. Photo © Emilie Wood

 

La roche, une fois extraite, est acheminée par le biais de cette bande transporteuse couverte jusqu'à l'usine. Photo © EW

 

C'est sous ce dôme que les roches sont stockées. Cette structure a pour but d'éviter la poussière et d'homogénéiser le cru. Photo © EW

 

 

Pour le produire, l’usine, qui a déjà fait l’objet de plusieurs investissements cette année, va devoir modifier son process. Equipée de deux fours, l’un des fours continuera à fabriquer du clinker classique tandis que le deuxième sera pleinement consacré à la cuisson de l’argile.

 

Après avoir été broyés, les matériaux seront chauffés dans l'un des deux fours de l'usine, de grands tubes métalliques légèrement inclinés. Ces derniers fonctionnent 24h/24, 7 jours sur 7, sauf en cas de maintenance ponctuelle. En effet, avec une température supérieure à 1400°C, il serait plus énergivore de les éteindre régulièrement pour ensuite les faire remonter à ces températures, que de les maintenir à une température constante. Dans le cas d'une cimenterie comme celle-ci, des coupures imposées par les pénuries d'énergie nécessiteraient d'être anticipées pour éviter d'être problématiques. Photo © EW

 

C'est dans cette impressionnante salle de contrôle que, nuit et jour, les employés de l'usine veillent. Températures, dosages, performance des machines... D'ici tout peut être contrôlé. Photo © EW

 

Au cœur même de l'usine, le laboratoire permet de contrôler la qualité des produits, toutes les deux heures environ. Photo © EW

 

D'autre part, il est important de noter que le produit fini est vendu dans un périmètre relativement restreint autour de l'usine : la majorité des ciments restent dans la région sud-est, au sud d'Avignon, bien que certains ciments vont jusqu'à Nice ou encore la Corse par bateau. Photo © EW

 

 

 

Vers plus de transparence

 

 

"L’industrie en France continuera à se développer si elle est propre", affirme le directeur de l’usine. Propre, elle cherche à l’être, non seulement via la production de ciments plus écologiques (le virage entre les ciments classiques et les ciments bas carbone a été fait en 2019, avec de plus en plus de réduction de CO2), mais aussi en cherchant à verdir son process : un nouvel équipement de filtration dernière génération installé en avril 2022 permet de réduire considérablement les émissions de poussières de l’usine et les rejets de dioxyde de soufre, au-delà des prescriptions européennes. L’utilisation de la biomasse depuis le mois de juin permet d’augmenter la part d’énergie renouvelable (et locale) utilisée par l’entreprise.

 

 

Céline Duval, responsable santé, sécurité et environnement sur l'usine. Photo © EW

 

 

Céline Duval, anciennement responsable santé sécurité sur l’usine, est devenue en 2021 responsable santé, sécurité et environnement. Le changement de nom de poste n’est pas anecdotique et aujourd’hui, une attention encore plus grande qu’autrefois est portée à tout ce qui a trait à l’environnement sur le site. Le fonctionnement de La Malle sur le plan environnemental est d’ailleurs souvent utilisé en exemple sur les autres usines Lafarge françaises, notamment sur les équipements de filtration de dernière génération.  

 

De nombreuses zones autour de l’usine et de la carrière attenante sont d’ailleurs aujourd’hui considérées comme des zones de protection de la biodiversité. Des associations de protection de l’environnement viennent régulièrement pour faire un état des lieux de la biodiversité et installer des nichoirs ou autres installations de protection de la faune et de la flore. Un atout, mais aussi parfois une contrainte pour le développement de l’entreprise.

 

"Nous avons des bois qui ont été classés par le PLU à l’intérieur même de l’usine. Cela nous pose des problèmes pour notre développement, car nous avons besoin de place, et celle dont nous disposons n’est plus exploitable", regrette Pascal Baudouin. "Car le développement des énergies renouvelables nécessite de l’espace, comme pour nos projets photovoltaïques ou de biomasse qui sont des atouts pour l’impact environnemental de notre usine. Et dans cette région, la question du foncier est un vrai problème."

 

 

Portes ouvertes de l’usine : une première en 20 ans

 

 

Quelques semaines après les journées du Patrimoine, les portes de l’usine La Malle se sont ouvertes cette année et ont accueillis plus de 300 personnes. C’est une usine en marche que les visiteurs ont découvert un samedi matin – étant donné que l’usine fonctionne 7 jours sur 7, 24h sur 24. 

 

 

 

"Tout le personnel était là, tout le monde était fier de montrer son lieu de travail et d’expliquer son métier à tous. Il y avait de nombreux enfants et de jeunes. On espère que peut-être, des vocations auront été éveillées à cette occasion", relate Pascal Baudoin, enthousiasmé par la réussite de l’évènement. "Travailler sur la transparence, montrer ce qu’on fait, comment on le fait, c’est très important. Les gens réalisent que l’usine, ce n’est plus comme avant. Qu’on pense à l’environnement. Qu’on le protège. Qu’on avance. Je regrette qu’il n’y ait pas eu d’écoles, de collèges ou lycées qui se soient déplacé. J’espère que l’année prochaine – car on compte bien renouveler l’opération – certains viendront, car les jeunes ont besoin de voir qu’il y a des vrais métiers dans l’industrie et des vraies carrières à y construire."

 



Source : batirama.com / Emilie Wood

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
1 Commentaire
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  • par 3doors
  • 05/12/2022 16:27:30

Enfin de vraies avancées, quand est-ce qu'on en aura dans l'ouest?

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