Le calcul environnemental dans la RE2020

Le calcul environnemental dans la RE2020

Le calcul environnemental requiert de nombreuses données précises et une grande attention. Mais ne remet pas en cause la conception classique des maison individuelles et des logements collectifs, pour l'instant.




Nous poursuivons notre exploration de la RE2020 avec l’aide du BE fluides, thermique et environnemental NRGYS, en nous penchant aujourd’hui sur les subtilités du calcul environnemental : les fameux indicateurs Icconstruction et Icénergie.

 

Frédéric Le Divenah d’NRGYS a présenté un webinaire sur ce thème, toujours librement accessible.

 

 

Les premiers calculs de performance environnementale commencent maintenant

 

 

Le calcul de performance environnementale est naturellement la grande nouveauté de la RE2020. Comme le souligne Frédéric Le Divenah, le calcul environnemental n’est pas obligatoire au moment du permis de construire. Mais il le devient au début des travaux pour confirmer que la maison est bien réglementaire.

 

Nous écrivons maison et non-bâtiment, parce que la RE2020 s’applique aux maisons individuelles et aux immeubles collectifs d’habitation depuis le 1er janvier 2022 seulement. Nous avons observé une forte accélération des demandes de permis de construire dans les dernières semaines de l’année 2021, histoire de rester sous l’empire de la RT2012 encore un moment.

 

 

Les dépôts de permis de construire pour des maisons individuelles n’ont repris que depuis mars 2022 et les premiers chantiers commencent maintenant. Les premiers vrais calculs détaillés sur la performance environnementale des maisons individuelles neuves commencent juste. ©PP

 

 

En ce qui concerne les bâtiments collectifs, le délai est notoirement plus important entre le dépôt de permis de construire et le début des travaux. Nous ne verrons les premiers calculs détaillés qu’à l’automne.

 

 

L’ACV dynamique

 

 

Le calcul de la performance environnementale d’un bâtiment en RE2020 consiste en un ACV (Analyse du Cycle de Vie) dynamique sur 50 ans. Durant l’expérimentation E+C-, le calcul ACV était classique. La RE2020 a modifié la méthode et opté pour l’ACV dynamique : les dépenses de carbone pèsent d’autant plus lourd qu’elles ont lieu tôt dans la vie du bâtiment.

 

L’empreinte environnementale de la construction du bâtiment sera plus importante que les conséquences environnementales de son exploitation. Le calcul d’ACV dynamique englobe à la fois la construction du bâtiment, c’est l’indicateur ICconstruction, et l’exploitation du bâtiment durant 50 ans, représentée par l’indicateur ICénergie.

 

 

ICénergie, exprimé en énergie primaire, et ICconstruction sont chacun soumis à un plafond à ne pas dépasser, modulé en fonction de la surface des logements et de la zone géographique. ©PP

 

 

L’indicateur ICénergie

 

 

L’indicateur ICénergie, pour sa part, traduit l’impact environnemental des consommations d’énergie primaire du bâtiment durant sa vie en œuvre. Il est exprimé en kg équivalent CO2/m², noté kgeqCO2/m². ICénergie est soumis aux plafonds ci-dessous :

 

Usage de la partie de Bâtiment et énergie utilisée

De 2022 à 2024

De 2025 à 2027

À partir de 2028

Maisons individuelles ou accolées

160 kgeqCO2/m²

160 kgeqCO2/m²

160 kgeqCO2/m²

Logements collectifs raccordés à un réseau de chaleur urbain

560 kgeqCO2/m²

320 kgeqCO2/m²

260 kgeqCO2/m²

Logements collectifs – autre cas

560 kgeqCO2/m²

260 kgeqCO2/m²

260 kgeqCO2/m²

 

 

Ces valeurs de ICénergie écartent le gaz de la construction de maisons individuelles neuves dès le 1er janvier 2022 et des logements collectifs à partir de 2025, sauf à opter pour des solutions hybrides associant chaudière gaz à condensation et pompes à chaleurs.

 

Le gouvernement a accepté une courte dérogation pour les maisons individuelles jusqu’à fin 2023 : la valeur de ICénergie_maxmoyen est fixée à 280 kgCO2/m², lorsque, simultanément, la parcelle est concernée par un permis d’aménager accordé avant le 01/01/2022 et prévoyant un raccordement au réseau de gaz, et la demande de permis de construire de la maison est déposée avant le 31/12/2023.

 

 

L’indicateur ICconstruction

 

 

La performance environnementale du bâtiment est rendue par le nouvel indicateur ICconstruction exprimé en kg eq CO2/m². Tous les composant du bâtiment, les matériaux de construction, les ouvrants, les équipements techniques, ... sont pris en compte dans le calcul de cet indicateur.

 

Icconstruction est soumis à un plafond Icconstruction_max, dont la formule de calcul est :

Icconstruction _max = Icconstruction _maxmoyen × (1 + Micombles + Misurf) + Migéo + Miinfra + Mivrd + Mided.

 

Le coefficient de modulation Mided est particulièrement intéressant. Il actionne une modulation de ICconstruction en fonction de l’impact des données environnementales par défaut et des valeurs forfaitaires employées dans le calcul de la performance environnementale du bâtiment.

 

La base de données Inies rassemble les données qui servent à calculer l’empreinte environnementale du bâtiment. Les données qu’elle contient sont de trois types :

- les FDES (Fiches de Déclaration Environnementale et Sanitaire) pour les produits de construction, de la brique aux fenêtres,

- les PEP (Profil Environnemental Produit) pour les équipements techniques, par exemple les moteurs de volets roulants, les pompes à chaleur ou les caissons de ventilation.

- Pour les cas, encore très fréquents, où il n’existe ni FDES, ni PEP, la base Inies contient aussi des DED (données environnementales par défaut).

 

Les FDES et PEP sont, soit collectives, établies par un syndicat pour les produits de ses membres, par exemple, soit pour un produit précis d’un fabricant donné. Les fiches individuelles sur un produit précis, rappelle NRGYS, sont moins pénalisantes que les fiches collectives. Les DED, quant à elles, sont très pénalisantes par rapport au PEP et FDES.

 

Les Pouvoirs Publics tentent ainsi d’inciter les industriels ou leurs syndicats professionnels à produire au plus vite de « vrais » FDES et PEP. Produire des FDES et des PEP contient une vérification par tierce partie. C’est un processus long et coûteux qui prendra certainement plusieurs années.

 

La modulation introduite dans le calcul de ICconstruction par le coefficient Mided se calcule de la manière suivante, où l’indicateur UDD (en %) traduit la part de données environnementales par défaut utilisées dans l’évaluation du bâtiment, par opposition aux données issues de FDES ou de PEP portant sur des produits précis.  

 

En maison individuelle, 

- Si l’indicateur UDD est ≤ 370 kg eq CO2/m², Mided vaut zéro.

- Si UDD > 370 kg eq CO2/m², Mided vaut :

    • 0,3 x (DUD – 370) de 2022 à 2024,
    • 0 de 2025 à 2027,
    • puis -0,3 x (DUD – 370) à partir de 2028.
    •  

Pour le logement collectif, il faut faire le même calcul mais avec 250 kg eq. CO2/m² à la place du 370 kg eq. CO2/m². Tout cela mène aux plafonds de Icconstruction_maxmoyen indiqués dans le décret du 29 juillet 2021 :

 

Usage de la partie de Bâtiment

de 2022 à 2024

de 2025 à 2027

de 2028 à 2030

à partir de 2031

Maisons individuelles ou accolées

640 kg eq. CO2/m²

530 kg eq. CO2/m²

475 kg eq. CO2/m²

415 kg eq. CO2/m²

Logements collectifs

740 kg eq. CO2/m²

650 kg eq. CO2/m²

580 kg eq. CO2/m²

490 kg eq. CO2/m²

 

 

Frédéric Le Divenah de NRGYS souligne que ce calcul environnemental requiert des quantitatifs très précis et exhaustifs. C’est une nouveauté par rapport à la RT2012.

 

 

Le calcul de l’empreinte environnementale s’effectue par lot

 

 

En maison individuelle, selon NRGYS, les solutions constructives traditionnelles passent, juste mais passent tout de même, le plafond 2022 à 2024 de l’exigence ICconstruction. Pour les étapes ultérieures, estime Frédéric Le Divenah, la généralisation des FDES et PEP individuels devrait conduire à une réduction importante des impacts carbone et permettre de passer l’étape 2025-27 sans modifier vraiment les habitudes de construction.

 

Dans le détail, le calcul de la performance environnementale s’effectue par lots. Il y a 14 lots au total, dont 2 font l’objet d’un calcul forfaitaire :

  • le lot 9 installations sanitaires,
  • et le lot 10 réseau d’énergie courants forts.

 

Dans l’exemple de maison individuelle retenu par NRGYS, ces deux lots pèsent 17% de l’indice ICconstruction calculé et le BE ne dispose d’aucun moyen d’action particulier pour tenter de les optimiser.

 

Les autres lots sont :

  • 1-VRD,
  • 2-fondations et infrastructures,
  • 3-superstructure et maçonnerie,
  • 4-Couverture, étanchéité, charpente et zinguerie,
  • 5-Cloisonnement, doublages, plafonds suspendus, menuiseries,
  • 6-Façades et menuiseries extérieures,
  • 8-CVC (chauffage ventilation refroidissement, ECS),
  • 11-Réseaux de communication (Courants faibles),
  • 12-appareils élévateurs et autres équipements de transport,
  • 13-équipements de production locale d’électricité,
  • 14-Fluides frigorigènes.

 

Dans l’exemple de NRGYS en maison individuelle (maçonnerie isolante et ITI, sur terre-plein, pac double service et VMC simple flux Hygro B), les lots qui pèsent le plus sont le lot 3-superstructure et maçonnerie qui représente 18% de l’indicateur ICconstruction calculé et le lot 8-CVC (23%). Ces deux lots, plus les lots forfaitaires 9 et 10 constituent à eaux quatre 58% de l’indicateur ICconstruction.

 

Dans le lot 8, la pac double service pèse 84% en prenant un PEP collectivf. NRGYS attend avec impatience l’apparition de PEP individuels pour baisser ce poids. Les PEP individuels réduiront l’impact environnemental des pacs de 30 à 50%, selon leurs premières informations de NRGYS sur les fiches en développement.

 

Le lot superstructure-maçonnerie fait déjà appel à des FDES collectives ou individuelles. Selon NRGYS, les réductions de l’impact carbone viendront surtout d’un basculement vers des produits décarbonés à l’avenir : isolation bio-sourcée, béton bas carbone, structure bois, …

 

 

Quelles solutions de chauffage et de production d’ECS en logement ?

 

 

Selon NRGYS, les dossiers de bâtiments réels étudiés montrent que, pour la production d’ECS et le chauffage, les systèmes suivants permettent de respecter le plafond de l’indicateur ICénergie :

- la pompe à chaleur air/eau double service,

- le poêle à granulés associé à un chauffe-eau thermodynamique,

- la pompe à chaleur air/air gainable ou multisplit, plus un chauffe-eau thermodynamique,

- si le gain sur le Bbio est important par rapport, les radiateurs électrique directs ou des bouches de soufflage équipées de résistances électriques, toujours avec un chauffe-eau thermodynamique, fonctionnent aussi,

- et enfin, la chaudière hybride – une chaudière gaz + une pompe à chaleur air/eau – avec préchauffage de l’ECS par la Pac dans le cas de la dérogation évoquée ci-dessus.

 

En logement collectif, il faut tenir compte du seuil de 2022 et de celui de 2025. Les systèmes suivants permettent de satisfaire l’exigence ICenergie en 2022 et en 2025 :

- par air/eau ou eau/eau collective,

- chaufferie bois collective,

- pac air/air individuelle par logement + un chauffe-eau thermodynamique individuel ou collectif,

- radiateurs électriques directs, plus un chauffe-eau thermodynamique individuel ou collectif, plus production photovoltaïque autoconsommée.

 

La chaudière gaz individuelle et la chaufferie gaz collective avec ECS thermodynamique ou solaire thermique passent le seuil 2022, mais pas l’étape 2025. La chaufferie gaz avec solaire thermique ou ECS thermodynamique pourrait demeurer compatible avec le stade 2025 en faisant un gros effort sur le bâti (Bbio).

 

 

Chauffage électrique direct en logement collectif

 

 

NRGYS propose également in exemple de bâtiment collectif qui parvient à respecter les seuils ICénergie et ICconstruction en restant, pour l’instant, sur des systèmes constructifs traditionnels briques, isolation thermique en PSE pour les parties verticales, en isolant souflé pour les combles, isolant sous dalle pour le plancher bas sur sous-sol, … Surtout, ce bâtiment est chauffé par des panneaux rayonnants électriques directs, associés à des chauffe-eaux thermodynamiques individuels pour l’ECS.

 

Le Bbio présente un gain de 34% par rapport au plafond, de 18% pour le Cep et de 0% pour le Cep,nr. L’indicateur ICénergie montre un gain de 85% qui passe largement le seuil 2025. ICconstruction montre un gain de 7,3% qui passe le seuil 2022. Il faudra, souligne NRGYS, évoluer sur les modes constructifs pour passer le seuil 2025.

 

 

Les lots forfaitaires 9 et 10 pèsent 12% de l’indicateur ICconstruction. ©PP

 

Le lot 2-Fondations, infrastructure pèse 12% de l’indice, alors que le bâtiment possède un parking en sous-sol. Ce qui tend à montrer que les parkings enterrés sur un ou deux niveaux devront peut-être être abandonnés, au profit de parkings en silos, partout où c’est possible. 

 

Le lot 3-superstructure atteint 19% de l’indicateur. Tandis que le poids important du lot 8-CVC – 20% de l’indicateur ICconstruction – vient surtout de l’absence de PEP individuels, notamment pour les chauffe-eaux thermodynamiques individuels.

 

Les lots 8, 3 (isolations des planchers), 7 (revêtements de sol, carrelage, parquet) et 6 (portes d’entrées) peuvent voir leur impact environnemental fortement réduit au fur et à mesure que des PEP et FDES individuels apparaîtront, sans modifier fondamentalement les méthodes constructives.

 

Pour passer le seuil 2025 de ICconstruction en collectif et en maison individuelle, NRGYS recommande donc :

- d’utiliser des PEP et FDES autant que possible,

- de s’intéresser dès maintenant au béton bas carbone,

- de penser aux matériaux biosourcés, notamment les isolants thermiques,

- et d’envisager la mixité des solutions en structure : bois/béton par exemple.

 

Enfion, NRGYS rappelle qu’en fin de chantier,  les contrôles de VMC (35 points de contrôle tout de même), le contrôle aléatoire de 10 données d’entrées du bilan carbone, le test de perméabilité à l’air et le DPE sont obligatoires pour obtenir l’attestation de conformité.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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