Rapide évolution en Europe sur l’efficacité énergétique, la décarbonation et les ENR

Rapide évolution en Europe sur l’efficacité énergétique, la décarbonation et les ENR

European Green Deal, agenda Fit for 55, programme REPowerEU : les politiques européennes accélèrent l’efficacité énergétique et renforcent la part des ENR de manière très exigeante




L’Union Européenne, de longue date, se fixe des buts ambitieux d’efficacité énergétique et de neutralité carbone.

 

Lorsque la Commission Européenne a été renouvelée pour la période 2019-2024, sa nouvelle présidente Ursula von der Leyen a fait de la décarbonation de l’économie européenne, l’une de ses principales priorités.

 

 

Du Green Deal Européen à l’Agenda "Fit for 55"

 

 

Baptisée Pacte Vert pour l’Europe (European Green Deal), ces nouvelles priorités visaient à supprimer les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050.

 

Les institutions européennes – Commission, Conseil et Parlement – ont alors entamé un processus politique et législatif compliqué qui porte notamment sur la révision de plusieurs directives Européennes : la directive sur l’efficacité énergétique, la directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments, la directive sur les énergies renouvelables, la directive ecoDesign (également connue sous le nom d’ErP), la réglementation sur l’étiquetage énergétique, …

 

Plusieurs des éléments du Pacte Vert pour l’Europe sont arrivés un peu plus tard. Le plan de relance Européen, par exemple, définitivement adopté en 2020 et d’un montant total de 806,9 milliards d’euros, court de 2021 à 2027. Il s’additionne aux traditionnels budgets de l’Union Européenne, prévus pour atteindre 1 211 milliards d’euros au total de 2021 à 2027.

 

En mars 2020, la Commission Européenne a proposé la loi climat Européenne. Puis elle a introduit l’agenda "Fit for 55" le 14 juillet 2020.

 

La Commission Européenne a donc modifié sa loi sur le climat en septembre 2020 pour y incorporer le nouvel agenda "Fit for 55", fixant comme objectif de réduire d’au moins 55% les émissions de gaz à effet de serre de l’Union Européenne, par rapport à 1990 qui est toujours l’année de référence.

 

Ainsi modifiée, la loi climat Européenne a été adoptée par le Conseil Européen le 24 juin 2021, puis par le Parlement Européen le 28 juin 2021.

 

 

La rupture du programme REPowerEU

 

 

Toutes ces évolutions suivaient un processus relativement rapide à tout prendre, quand, le 24 février 2022, la Russie a envahi l’Ukraine.

 

Après bien des discussions, l’Union Européenne a formidablement accéléré sa marche en avant en proposant, le 18 mai 2022, le plan REPowerEU, qui constitue sa réponse aux difficultés et aux perturbations du marché mondial de l'énergie provoquées par l'invasion russe de l'Ukraine.

 

Il y a une double urgence à transformer le système énergétique européen : mettre fin à la dépendance de l'UE à l'égard des combustibles fossiles russes, qui sont utilisés comme une arme économique et politique et coûtent aux contribuables européens près de 100 milliards d'euros par an, et lutter contre la crise climatique.

 

Le 18 mai, la Commission indiquait : "En agissant en tant qu'Union, l'Europe sera en mesure de réduire plus rapidement sa dépendance à l'égard des combustibles fossiles russes."

 

Les mesures prévues dans le plan REPowerEU peuvent répondre à cette ambition, en réalisant des économies d'énergie, en diversifiant les approvisionnements énergétiques de l’Europe et en accélérant le déploiement des énergies renouvelables pour remplacer les combustibles fossiles dans les logements, l'industrie et la production d'électricité.

 

Nous en sommes là, le European Green Deal, l’agenda Fit for 55, la loi climat Européenne, puis le plan REPowerEU ont été discutés, amendés.

 

Tous ces bouleversements ont conduit le 18 mai 2022 à une proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil qui modifie simultanément la directive (UE) 2018/2001 sur les énergies renouvelables, la directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des Bâtiments et la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique.

 

Des négociations s’engagent maintenant et pourraient durer deux ans environ, pour préciser le contenu de cette directive. Dans ces propositions, quelles mesures pourraient être applicables au bâtiment ?

 

 

Des économies d’énergie

 

 

Les économies d'énergie sont la manière la plus rapide et la moins coûteuse de faire face à la crise énergétique actuelle et de réduire la facture d'énergie. La Commission propose de renforcer les mesures à long terme visant l'efficacité énergétique, notamment en relevant de 9 % à 13 % l'objectif contraignant en matière d'efficacité énergétique dans le cadre de l’agenda Fit for 55, lui-même inclus dans le European Green Deal et dans la nouvelle Directive proposée en mai.

 

Un nouvel objectif d’efficacité énergétique réduira l’énergie primaire de 39% consommée par le bâtiment et l’énergie finale de 36% d’ici à 2030, contre un objectif de réduction de 32,5% auparavant. Ceci doit s’accompagner d’une augmentation des taxes sur les combustibles de chauffage à forte intensité carbone.

 

De même, Fit for 55 prévoit de porter à 4,2% la réduction linéaire des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) de la production d’électricité, au lieu de 2,2%.

 

La révision proposée pour la directive efficacité énergétique stipule une augmentation de l’efficacité énergétique dans tous les secteurs en Europe et de rendre ces augmentations obligatoires. La Commission Européenne en attend une réduction de la consommation d’énergie primaire en Europe de 9% en 2030 par rapport à 2020.

 

Le programme REPowerEU a poussé cet objectif à 13% de réduction de consommation d’ici 2030 et met sur la table un investissement de 300 milliards d’euros pour y parvenir.

 

 

Un recours massif aux ENR

 

 

Selon la proposition de révision de la directive sur les énergies renouvelables, celles-ci devraient atteindre une part de 40 % dans le mix européen en 2030, au lieu de 32,5%. REPowerEU a poussé cet objectif à 45% en 2030. Ce qui est reflété par l’article 1er, paragraphe 2 de la nouvelle directive proposée en mai.

 

A propos du gaz de réseau, la Commission Européenne a précisé que d’ici 2050, 2/3 du gaz de réseau devrait être décarboné, c’est-à-dire constitué de biogaz, méthane de synthèse, biogaz, hydrogène vert ou bas carbone. Dans le cadre de REPowerEU, la Commission a proposé un plan pour porter à 35 millions de m³ par an la production de biométhane en Europe.

 

Le tiers restant dans la composition du gaz de réseau sera toujours constitué de gaz naturel d’origine fossile, mais devra obligatoirement faire l’objet de compensation par des mécanismes de capture, utilisation et stockage du carbone, dits mécanismes CCUS dans l’acronyme anglais : Carbon Capture Usage and Storage.

 

REPowerEU, à travers une modification de la directive sur énergies renouvelables, recommande de modifier les législations et réglementations nationales de manière à accélérer l’octroi de permis pour les projets liés aux énergies renouvelables, en particulier en identifiant des "zones propices au déploiement des énergies renouvelables" spécifiques présentant des risques faibles pour l’environnement. Elles sont décrites dans l’article 1er, paragraphes 1, 4 et 5 de la nouvelle directive proposée en mai.

 

REPowerEU contient également une initiative "Accélérateur Hydrogène" pour porter la capacité de fabrication d’électrolyseurs à 17,5 GW d’ici 2025 afin d’alimenter l’industrie de l’UE avec une production domestique de 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable par an. REPowerEU entend également faciliter l’importation de 10 millions de tonnes d’hydrogène vert par an.

 

Enfin, REPowerEU fixe un objectif consistant à mettre en service, d'ici à 2025, plus de 320 GW d'énergie solaire photovoltaïque nouvellement installée, soit plus de deux fois la capacité actuelle, et fait passer cet objectif à près de 600 GW pour 2030.

 

 

Une forte accélération du solaire thermique et photovoltaïque

 

 

Pour y parvenir, la stratégie présente trois initiatives concrètes:

  • une initiative européenne sur l'installation de panneaux solaires, ancrée autour de l'obligation juridiquement contraignante en droit de l'Union, de mettre en place, à un rythme renforcé, des panneaux solaires sur les toits de certains bâtiments;
  • un partenariat européen à grande échelle en matière de compétences visant à développer la main-d'œuvre qualifiée nécessaire à la production, à l'installation et à la maintenance de ces panneaux solaires,
  • et une alliance européenne pour l'industrie solaire visant à aider l'industrie de l'Union à développer la production intérieure de panneaux photovoltaïques.

 

De plus, l’article 2 de la nouvelle directive proposée en mai insère un nouvel article 9 bis à la directive 2010/31/UE portant sur l’obligation pour les États membres de veiller à ce que les nouveaux bâtiments soient prêts pour l’énergie solaire et d’installer des installations d’énergie solaire sur les bâtiments.

 

En outre, les États membres devraient assurer le déploiement d’installations solaires adaptées sur les nouveaux bâtiments, tant résidentiels que non résidentiels, et sur les bâtiments non résidentiels existants. Le déploiement à grande échelle de l’énergie solaire sur les bâtiments contribuerait grandement à protéger plus efficacement les consommateurs contre l’augmentation et la volatilité des prix des combustibles fossiles, à réduire l’exposition des citoyens vulnérables aux coûts élevés de l’énergie et à générer des avantages environnementaux, économiques et sociaux plus importants.

 

Concrètement, le nouvel article 9bis de la directive 2010/31/UE précise : les États membres veillent au déploiement d’installations d’énergie solaire adéquates :

(a) au plus tard le 31 décembre 2026, sur tous les bâtiments publics et commerciaux neufs dont la surface au sol utile est supérieure à 250 mètres carrés ;

(b) au plus tard le 31 décembre 2027, sur tous les bâtiments publics et commerciaux existants dont la surface au sol utile est supérieure à 250 mètres carrés;

et (c) au plus tard le 31 décembre 2029, sur tous les bâtiments résidentiels neufs.

 

Ces initiatives encouragent les citoyens à s'engager dans la transition énergétique, soit en tant que "prosommateurs" individuels, soit par l'intermédiaire de communautés énergétiques, afin d'autoproduire, de consommer et de vendre ou de partager de l'énergie d'origine renouvelable.

 

En ce qui concerne les pompes à chaleur, l'Union entend doubler le taux de déploiement actuel, dans le but d'atteindre un total de 10 millions d'unités nouvelles au cours des cinq prochaines années.

 

Les États membres peuvent accélérer le déploiement et l'intégration rentables des pompes à chaleur à grande échelle, de l'énergie géothermique et de l'énergie thermosolaire en développant et en modernisant des systèmes de chauffage urbain susceptibles de remplacer les combustibles fossiles pour le chauffage individuel, en recourant à des équipements de chauffage collectif propres, en particulier dans les zones et les villes à forte densité de population, et en exploitant la chaleur industrielle chaque fois qu'elle est disponible.

 

Ce déploiement accéléré devrait aller de pair avec une rapide dynamisation de la production de pompes à chaleur, y compris grâce à la facilitation de l'accès au financement.

 

En outre, la Commission propose de mettre à disposition des fonds supplémentaires pour permettre aux États membres d'inclure dans leurs plans pour la reprise et la résilience (PRR), au sein d'un chapitre dédié à REPowerEU, des réformes et investissements supplémentaires visant à soutenir le déploiement des énergies renouvelables.

 

Enfin, la Commission, dans Fit for 55, vise une très importante accélération de la rénovation des bâtiments existants. Elle rappelle que les bâtiments publics neufs doivent être à consommation d’énergie quasi-nulle et, surtout, que cette obligation doit s’étendre aux bâtiments publics faisant l’objet d’une rénovation lourde. Elle souhaite également que les Etats Membres convertissent tous leurs bâtiments en "consommation énergétique quasi-nulle". 

 

 

Un marché du carbone pour le bâtiment

 

 

Dans le cadre de Fit for 55, la Commission européenne propose de lancer un marché du carbone européen distinct pour les secteurs du transport et du bâtiment à partir de 2026. L’Allemagne fixe déjà un prix des émissions de GES du bâtiment depuis janvier 2021.

 

Le bâtiment sera soumis à un taux de réduction linéaire annuel des émissions de GES d’environ 5 %. Un Fonds social pour le climat sera créé et doté de 72,2 milliards d’euros pour soutenir les ménages vulnérables pénalisés par ces nouvelles mesures. Cette somme proviendra du nouveau mécanisme du marché du carbone.

 

Elle devrait être abondée par les Etats membres, pour parvenir à un total de 140 Md €. Qui sera lui-même renforcé par des investissements issus du plan de Relance Européen.

 

REPowerEU ajoute 3 Md € d’investissements – plus exactement, de "financements anticipés" - pour décarboner l’industrie.

 

 

Et la France dans tout ça ?

 

 

Les dernières dispositions françaises, la RE2020, par exemple, paraissent bien timorées face à ces nouvelles exigences. La RE2020, qui n’est pas encore connue en totalité, ne favorise pas particulièrement l’énergie solaire thermique ou photovoltaïque.

 

 

La RE2020 a également abandonné toute référence à l’obligation pour les bâtiments publics neufs d’être à énergie positive ou quasi-nulle, pourtant inscrite dans la loi sur la Transition Energétique et la Croissance Verte de Mme Royal. Cette notion n’est pas évoquée non-plus pour les autres bâtiments neufs. ©PP

 

 

En ce qui concerne la rénovation, aucune réglementation, ni incitation française ne pousse vers un parc bâti à consommation quasi-nulle.

 

 

La RTx globale, qui régit la performance à atteindre en rénovation lourde, et la RTx par éléments qui traite de la rénovation dans les petits bâtiments, n’ont pas été révisées depuis 2008 pour la première, 2007 pour la seconde. Leurs exigences sont notoirement insuffisantes. ©PP

 

 

 

 

Objectivement, en l’état actuel des techniques disponibles, il n’est pas possible de transformer des tours de bureaux existantes en bâtiments à consommation d’énergie quasi-nulle. Même en couvrant leurs façades de photovoltaïques. ©PP

 

 

L’une des grandes difficultés dans l’évolution vers un parc existant à consommation d’énergie quasi-nulle vient de l’ensemble des règles d’urbanisme en France qui rendent très difficile l’installation de solaire photovoltaïque et thermiques dans les périmètres protégés et ne favorisent pas non-plus l’isolation par l’extérieurs des façades des bâtiments donnant directement sur rue. ©PP

 

 

La rénovation des bâtiments de bureaux des années 70 et 80 fournit, en revanche, l’occasion d’améliorer considérablement leurs performances énergétiques, jusqu’à les amener au net-zéro. Mais voilà, pour l’instant, ce n’est jamais l’objectif retenu. ©PP

 

 

Enfin, en France, tous les développeurs d’installations solaires au sol, sur toiture, etc. se plaignent des obstacles réglementaires et des longueurs d’instruction des demandes de permis.

 

Bref, ayant voté tous nouveaux ces textes et programmes au Conseil Européen, la France doit maintenant les mettre en œuvre sans traîner les pieds. Il faudra, naturellement, expliquer à Amélie de Montchalin, si elle est toujours ministre après les élections législatives, que l’octroi de 700 000 MaPrimeRénov’ en 2021 ne signifie pas du tout que 700 000 logements ont fait l’objet d’une rénovation lourde les amenant au Net-zéro européen.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
1 Commentaire
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  • par Syndicat Eclairage
  • 22/06/2022 11:32:15

Oui, la RT globale (qui date d’avant l’éclairage LED !) est obsolète. C’est une aubaine pour ceux qui "rénovent" a minima. Mais cette RT globale ne s’applique que si 3 conditions sont réunies : bâtiment construit après 1948 + coût total des travaux envisagés supérieur à 25 % du coût estimé du bâtiment+ surface supérieure à 1000 mètres carrés. Si les 3 conditions ne sont pas réunies, c’est le cas de la plupart des rénovations en France, c’est la RT existant par éléments qui s’applique. Et contrairement à ce que dit l’article, elle a été révisée en 2017 ! Et pour la rénovation des installations d’éclairage (environ 20% de la facture électrique) les exigences de performance sont plus claires, plus réalistes et plus efficaces que la RT 2012, la RT globale, et même hélas la RE2020 ! Les automatismes de prise en compte de la présence et de la lumière naturelle sont obligatoires. Avec les luminaires LED associés, rénover, c’est diviser par deux les consommations d’éclairage, soit en moyenne réduire immédiatement de 10 % la facture EDF ! L’ADEME et la filière ont publié le guide gratuit « Rénover l’éclairage des bâtiments tertiaires » qui explique tout ça. Dominique Ouvrard Syndicat de l’éclairage douvrard@syndeclairage.com

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