La RE2020 révèle peu à peu ses travers en logements collectifs neufs

La RE2020 révèle peu à peu ses travers en logements collectifs neufs

En collectif neuf, la RE2020 n’aime pas les balcons, ne fait pas attention à la qualité de l’air intérieur et défavorise les logements traversants. On se demande bien pourquoi.




Les bureaux d’études thermiques multiplient les calculs RE2020 et en tirent des enseignements qu’ils commencent à partager. Rappelons, c’est écrit partout, que la RE2020 n’est pas un outil de conception. Elle ne dispense absolument pas de réaliser des simulations thermiques dynamiques pour optimiser le comportement des logements neufs face au froid, aux surchaleurs, au bruit, au vent, etc.

 

Mais en fait, ce n’est pas vrai. Les maîtres d’ouvrage et les BE environnementaux, même les mieux intentionnés, utilisent la RE2020 pour la conception des logements neufs, partant de l’idée, pourtant souvent fausse, que si l’on fait mieux que la RE2020, c’est plus cher en coût de construction et pas valorisable en prix de vente ou en montant de loyer.

 

Donc, ils conçoivent les bâtiments neufs pour satisfaire ric-rac les exigences de la RE2020. Il faut de bons architectes ou des concepteurs qui ont l’habitude de construire au standard Passivhaus pour sortir de ce travers, mais c’est une autre histoire.

 

 

Optimiser le besoin bioclimatique (Bbio)

 

 

Le BE NRGYS, l’un des grands spécialistes de la thermique, des fluides et du calcul environnemental, organise chaque mois un webinaire sur la RE2020. Le 8ème webinaire, celui du 28 avril, "RE2020 en logement collectif, Conception optimisée = Bbio facilité !" a apporté de remarquables enseignements sur la RE2020.

 

Animé par Brice Bardery, associé-gérant sur NRGYS, le webinaire portait sur la conception des immeubles collectifs neufs pour atteindre le meilleur Bbio possible. Le Bbio, qui exprime le besoin bioclimatique du bâtiment, varie avec la zone climatique entre 81,5 en zone climatique H1b et 62 en zones H2a, H2c et H3.

 

Le Bbio, exprimé en points sans unité, est égal à (2 x besoin en chauffage) + (2 x besoin refroidissement) + (5 x besoin en éclairage). Grâce à l’expérience accumulée lors de ses nombreuses simulations avec le moteur de calcul RE2020, NRGYS a identifié quatre critères fondamentaux pour optimiser le Bbio : l’orientation du bâtiment, sa compacité, son inertie thermique et le débit de renouvellement d’air.

 

Le diable, comme d’habitude, se cache dans les détails.

 

 

L’orientation des surfaces vitrées

 

 

Selon NRGYS, l’orientation du bâtiment, c’est largement celle de ses surfaces vitrées. Le BE recommande, dans les zones climatiques H1a à H2c, 60% de surface vitrée au sud, 15% à l’est et à l’ouest, 10% au nord. Dans les zones H2d et H3, il recommande plutôt 50% de surface vitrée au sud, 20% à l’est et à l’ouest et toujours 10% au nord.

 

Tout en rappelant que la règle d’une surface minimale de baies égale à 1/6ème de la surface habitable (17%) existe toujours et en faisant remarquer qu’il n’est pas raisonnable de dépasser une surface de baies égale 22% de la surface habitable. Dépasser ce seuil de 22%, selon le moteur de calcul de la RE2020, entraîne à la fois des déperditions de chaleur trop élevées en hiver et un apport de chaleur inconfortable en été.

 

Brice Bardery explique que lors de la conception, si la surface vitrée dépasse les 20-22%, il faut, pour atteindre un bon Bbio, commencer par la réduire côté nord. Ce qui apporte les quelques points de Bbio nécessaires. Le premier enseignement consiste donc, pour atteindre facilement un bon Bbio, à ne pas exagérer la surface vitrée.

 

 

La compacité et les logements traversants

 

 

La compacité commence avec la notion de logement traversant. Un logement non-traversant, au sens de la RE2020 est un logement dont au moins 75% de la surface vitrée se trouve sur une seule façade.

 

 

A nouveau, l’expérience de NRGYS montre que les bâtiments composés seulement de logements T1 et T1bis, comme les résidences étudiantes ou les foyers de jeunes travailleurs, offrent les meilleurs Bbio, grâce à leur compacité. ©PP

 

 

Ce qui permet ensuite de choisir des solutions de chauffage et de ventilation relativement moins performantes pour atteindre de bons Cep et Cep,nr. Le second enseignement pour atteindre un bon Bbio consiste donc à maximiser le nombre de logements non-traversants au sens de la RE2020.

 

Le fait que les logements traversants favorisent la ventilation naturelle et contribuent donc au confort d’été ne semble pas être une préoccupation majeure des concepteurs de la RE2020. Bon, la définition de non-traversant selon la RE2020 – au moins 75% de la surface vitrée sur une seule façade – permet tout de même une certaine mesure de ventilation traversante grâce au 25% de surface de baie possible sur une autre façade.

 

Mais de nombreux PLU (Plan Local d’Urbanisme), comme celui de l’agglomération de Nantes, par exemple, prévoient des pourcentages minimaux de logements neufs traversants, assortis de définitions plus généreuses que celle de la RE2020. Ils ne deviennent pas impossibles ou illégaux, simplement leur Bbio sera impacté et des mesures correctives devront être prises ailleurs : plus d’isolation thermique, etc.

 

 

La compacité et le coefficient de forme

 

 

Dans le calcul du Bbio en RE2020, le coefficient de forme, défini comme les surfaces déperditives/SHAB, prend une grande importance. Plus il est faible, meilleur est le Bbio. Selon NRGYS, toujours par expérience, il faut s’efforcer de viser un coefficient de forme entre 1 et 1,5 pour éviter de plomber le Bbio et devoir compenser par ailleurs.

 

Mais les surfaces déperditives sont les surfaces extérieures des logements, les surfaces intérieures donnant sur des locaux non-chauffés, … : toitures et terrasses, murs et menuiseries, planchers. Pour réduire ce coefficient de forme, NRGYS préconise d’abord de créer un sas thermique à l’entrée du bâtiment. Du coup, toutes les circulations horizontales restent dans le volume chauffé, ce qui réduit le numérateur du coefficient de forme.

 

Seconde astuce, si la parcelle offre des murs mitoyens, il faut mettre en œuvre un joint de dilatation étanche à l’air entre le nouveau bâtiment et le bâtiment mitoyen et appuyer le nouveau bâtiment contre l'ancien. Ce qui crée une paroi non-déperditive entre les deux bâtiments et réduit aussi le numérateur du coefficient de forme.

 

Troisième moyen de réduction du coefficient de forme, introduit par les nouvelles règles TH-BAT dans l’arrêté du 4 août 2021 (paragraphe 1.3.3.1), il devient intéressant d’isoler les trois faces de la cage d’ascenseur, la fosse et l’édicule. Ce qui permet de sortir complètement le volume de la cage d’ascenseur du volume chauffé, sans pour autant créer de pont thermique vers l’intérieur du bâtiment. Il faut un isolant dont la résistance thermique R ≥ 2 m².K/W.

 

De manière analogue, il faut sortir les locaux techniques et communs – local poubelles, vélos, poste de transformation électrique, … - non-chauffés du volume chauffé, toujours pour réduire le numérateur du coefficient de forme.

 

 

Réduire les balcons

 

 

Enfin, et c’est là que le bât blesse, il faut, pour favoriser le Bbio, réduire les terrasses, les balcons, les attiques, les saillies, les retraits, les décrochés et les ruptures de façade. La méthode de calcul considère en effet que balcons, terrasses, attiques, etc. diminuent la compacité du bâtiment et leur affecte donc un effet négatif sur le Bbio.

 

Pourtant, surtout après les récentes périodes de confinement, la revendication d’un accès à l’extérieur grandit, surtout en logement collectif. Les balcons, terrasses et attiques ne sont pas interdits, mais pénalisés par la RE2020. Un promoteur peut toujours prévoir de larges balcons, mais si le Bbio est un peu juste, la première mesure que recommandera le BE thermique, c’est de les diminuer ou d’en supprimer une partie. Sinon, il faut compenser leur influence négative sur le Bbio en isolant davantage, en choisissant des ouvrants plus performants, …

 

 

Pourtant, il ne semble pas que les balcons, s’ils sont thermiquement isolés du gros-œuvre par des rupteurs de ponts thermiques convenables, contribuent significativement à la détérioration des performances du bâti. Simplement, la RE2020 montre un biais anti-balcons en collectif. ©PP

 

 

Maîtriser l’inertie thermique

 

 

Plus l’inertie thermique d'un bâtiment est forte, plus il se réchauffe et se refroidit lentement. Dans la RE2020, l’inertie thermique est rangée en cinq classes – très légère, légère, moyenne, lourde, très lourde – et peut être calculée de manière forfaitaire pour les planchers bas, planchers hauts et parois verticales.

 

La composition de ces parois détermine leur inertie. Par exemple, un plancher bas en bois solivé a une inertie légère, tandis qu’une paroi verticale en voile béton avec ITE est affectée d’une inertie lourde. Plus l’inertie thermique d’un bâtiment est lourde, meilleure est son influence sur les besoins de rafraîchissement en été.

 

L’expérience de NRGYS, toutefois, enseigne qu’il vaut mieux viser une inertie thermique moyenne pour optimiser le Bbio en RE2020. Il est également possible de calculer l’inertie de manière détaillée, plutôt qu’au forfait. Ce qui peut conduire à un meilleur Bbio.

 

 

La RE2020 contre l’augmentation des débits de ventilation

 

 

La RE2020, comme toutes les RT qui l’ont précédée, considère les débits de renouvellement d’air comme des déperditions thermiques. Les débits d’air minimaux sont toujours définis par l’arrêté du 24 mars 1982, il y a 40 ans, à un moment où la notion de qualité de l’air n’était pas une préoccupation. Les débits minimaux, souvent considérés aussi comme des débits maximaux à ner pas dépasser par les concepteurs, sont nettement plus bas en France que dans le reste de l’Europe, qui pense plutôt en termes de QAI que de déperditions thermiques.

 

En RE2020, le renouvellement d’air peut représenter 40 à 50%. Comme chaque pièce humide se voit affecter un débit de ventilation, la recommandation de NRGYS consiste à réduire autant que possible le nombre de pièces humides dans un logement collectif.

 

NRGYS préconise notamment d’installer les WC dans les salles de bains pour éviter la pièce humide WC, de ne pas créer de point d’eau dans une pièce séparée pour l’installation d’une machine à laver, … Bref, conseille NRGYS, pas plus d’une pièce humide dans un T1, 2 dans un T3 et pas plus de 3 dans un T5. Il est toujours possible d'en installer davantage, mais la RE2020 considèrera les débits d'air supplémentaires comme des déperditions thermiques, qu'il faudra compenser par ailleurs.

 

 

La QAI n’est pas présente dans la RE2020, qui n'apprécie pas non-plus le double-flux parce qu'il y a deux ventilateurs dans le groupe de ventilation. Pourtant, la loi Elan, promulguée en novembre 2018, presque trois ans avant la parution des premiers textes sur la RE2020, a modifié l’article L. 111-9 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) : "Les performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et parties de bâtiments neufs s’inscrivent dans une exigence de lutte contre le changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de préservation de la qualité de l’air intérieur (…)." ©PP

 

 

 

 

Probablement les concepteurs de la RE2020 n’ont pas lu la loi Elan ou bien ne se sont pas sentis concernés. Il est vrai que le décret, qui devait préciser ces objectifs de QAI, en construction neuve n’est jamais paru. Le Parlement et le Gouvernement Français ont, de toutes façons, l'habitude depuis des années, particulièrement en matière de réduction des consommations d’énergie, de protection de l’environnement ou de protection de la santé, de voter des lois, de les promulguer, puis de faire comme si elles n’existaient pas, notamment en ne prenant jamais les décrets d'application.

 

 

Enfin, NRGYS montre qu’il existe une sorte d’asymptote de l’effet de l’isolation thermique sur le Bbio : augmenter l’isolation thermique, à partir d’un certain niveau, ne se traduit plus par des gains sur le Bbio. Il vaut mieux veiller à isoler correctement toutes les parois. ©PP

 

 

Bref, la RE2020 montre quelques effets pervers en collectif neuf qui sont susceptibles de modifier la conception des bâtiments, pas dans le sens d’une meilleure habitabilité, dans les années à venir.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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