La révision prévue du règlement F-Gaz sur les fluides frigorigènes suscite des réactions contrastées

La révision prévue du règlement F-Gaz sur les fluides frigorigènes suscite des réactions contrastées

Entré en vigueur en 2006, puis sévérisé en 2015, le règlement Européen F-Gaz organise une forte réduction des fluides HFC. Le 5 avril 2022, la Commission Européenne a proposé une nette accélération.




Depuis 2015, la seconde mouture du règlement F-Gaz (pour gaz fluorés) met en œuvre un mécanisme de quotas de HFC (Hydrofluorocarbones) utilisables, décroissant entre le 1er janvier 2015 et 2030, exprimé en tonnes équivalent CO2 (tCO2eq). La valeur initiale du quota en 2015 – 182,5 Millions tCO2eq – a été répartie entre les 411 producteurs et importateurs de HFC en vrac, alors actifs en Europe.

 

En 2017, la Commission Européenne a décidé que le "préchargé", c’est-à-dire le fluide contenu dans les équipements de climatisation et de froid importés déjà chargés en fluide, serait inclus dans le quota, sans pour autant augmenter la valeur initiale de référence de 182,5 millions tCO2eq. Ce qui, mécaniquement, a réduit les quotas alloués à chacun des 411 originaux de 11% environ.

 

Ces quotas sont soumis à des étapes de réduction successives. Selon la Commission Européenne, en 2015, le GWP (Global Warming Power ou PRP pour Potentiel de Réchauffement Planétaire) moyen du stock de réfrigérant installé dans les machines thermodynamiques en Europe était de 2000 tCO2eq.

 

Le règlement F-Gaz, version 2015, a pour but de ramener cette valeur à 400 tCO2eq en 2030.

 

 

Si les solutions thermodynamiques sont, selon le plan REPowerEU, appelées à accélérer le remplacement du gaz russe, il faudra installer 50 millions de pac d’ici 2030, soit 30 millions de plus que prévu initialement. La proposition de révision du règlement F-Gaz arrive dans ce contexte. ©PP

 

 

L’exposé des motifs

 

 

La proposition de révision, publiée le 5 avril 2022 par la Commission Européenne, en anglais seulement, comporte tout de même 102 pages. Elle a été présentée en même temps qu’une proposition visant à réduire l’emploi des gaz destructeurs de la couche d’ozone. Ces deux textes sont pris en application du European Green Deal qui vise à faire de l’Union Européenne un espace neutre en carbone dès 2050.

 

Dans son exposition des motifs, la Commission souligne que si aujourd’hui, les émissions de gaz fluorés ne représentent que 2,5% des émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) en Europe, leurs émissions ont doublé entre 1990 et 2014, alors que les émissions de tous les autres GES baissaient.

 

Les émissions de HFC ont commencé à baisser seulement à partir de 2015, avec l’entrée en vigueur de la seconde mouture du règlement européen F-Gaz, atteignant une réduction d’émissions de 9% entre 2014 et 2019.

 

Les HFC sont les gaz les plus émetteurs de GES. Selon le rapport du GIEC publié en août 2021, si l’on veut maintenir le réchauffement planétaire à +1,5°C, il faut réduire les émissions de HFC de 90% en 2050, par rapport à 2015. Bref, il faut agir.

 

La Commission indique en plus que l’obligation de se passer du gaz russe implique l’installation de 30 millions de nouvelles pompes à chaleur en Europe, dans le cadre du plan REPowerEU. Il n’est pas question que cela se fasse au détriment de la protection de l’environnement.

 

 

Le R32 avec son GWP de 675, nettement trop élevé selon les termes de la proposition de révision du Règlement F-Gaz, est massivement le fluide choisi en détente directe pour remplacer le R4104. ©PP

 

 

Que contient la proposition de révision ?

 

 

Voici les principales propositions de révision de la Commission :

 

  • accélérer la réduction des HFC mis sur le marché à partir de 2024, de manière à ce qu’en 2050, la quantité de HFC utilisée soir réduite à seulement 2,4% du volume utilisé en 2015, toujours mesuré en tCO2eq. Ce qui équivaut à une réduction de 98% entre 2015 et 2050.

 

  • Les équipements de climatisation et les pompes à chaleur mobiles fonctionnant avec des HFC dont le GWP est ≥ 150 ne pourront plus être mis sur le marché à compter du 1er janvier 2025.

 

  • Les systèmes monosplit contenant moins de 3 kg de HFC dont le GWP est ≥ 750 ne pourront plus être mis sur le marché à compter du 1er janvier 2025.

 

  • les systèmes split et multisplit d’une puissance inférieure ou égale à 12 kW, n’auront plus le droit d’utiliser des fluides dont le GWP serait supérieur ou égal à 150 à compter du 1er janvier 2027. Ce qui élimine expressément les solutions au R32 qui forme le gros des systèmes splits proposés aujourd’hui.

 

  • les systèmes split et multisplit d’une puissance supérieure à 12 kW, n’auront plus le droit d’utiliser des fluides dont le GWP serait supérieur ou égal à 750 à compter du 1er janvier 2027. Ce qui sonne le glas des DRV au R410A.

 

  • La Commission réaffirme l’interdiction de rejeter des HFC dans l’atmosphère, de manière intentionnelle ou accidentelle. Toutes les mesures doivent être prises pour assurer l’étanchéité des machines thermodynamiques et des conteneurs de transport et de stockage des HFC.

 

  • Si une fuite est détectée, elle doit être réparée au plus vite. Si la fuite de produit sur un équipement soumis à détection de fuite (article 5.1 du règlement F-Gaz), la réparation de la fuite doit être vérifiée au plus tard un mois après l’intervention, par une personne qualifiée. En France, cela veut dire une personne détentrice d’une attestation d’aptitude à la manipulation de fluides frigorigènes.

 

  • La proposition renforce les recherches de fuites, la fréquence de la vérification de l’absence de fuites et l’obligation d’installer des systèmes automatiques de détection de fuites.

 

  • Les metteurs sur le marché (fabricants ou importateurs) de HFC devront acheter le quota qui leur est alloué au prix de 3 € par tCO2eq.

 

  • On ne pourra pas vendre d’équipements préchargés si les volumes de HFC qu’ils contiennent ne correspondent pas à un quota alloué à leur importateur et dûment payé.

 

  • Les contrôles sur les importations de HFC seront renforcés, la contrebande plus durement réprimée.

 

 

Seuls des industriels européens ont choisi le R290 (GWP = 3) pour remplacer le R4104 dans leurs pompes à chaleur air/eau, eau/eau ou géothermiques. ©PP

 

 

Les réactions des associations européennes

 

 

Un certain nombre d’associations de défense de l’environnement ont fait remarquer que la Commission Européenne n’applique pas ses propres usages. En effet, lorsqu’elle révise une règle européenne, elle se fonde normalement sur les meilleures pratiques disponibles sur le marché européen.

 

Le EEB ou European Environmental Bureau qui rassemble 170 associations de défense de l’environnement souligne que les meilleures pompes à chaleur disponibles en Europe fonctionnent avec des fluides frigorigènes dont le GWP est inférieur à 5. Il s’agit de fluides naturels, comme le R290, le propane, dont le GWP est égal à 3 ou comme le CO2, utilisé dans les pac haute température pour la production d’eau chaude sanitaire, notamment, ainsi que pour les équipements de réfrigération commerciale, dont le GWP est égal à 1.

 

Donc, souligne le EEB, la Commission aurait dû proposer une sévère limite supérieure au GWP des fluides utilisables dans les pac, ≤ 5 par exemple. La révision, conclut l’EEB, aurait dû interdire tous les HFC. Il regrette également que la Commission ne prévoit pas de moyens de formation pour tous les BE et les installateurs qui seront nécessaires pour installer plus de 30 millions de nouvelles pac d’ici 2030. Ce qui risque de créer un goulot d’étranglement qui réduira la portée du plan européen Fit for 55.

 

L’EEB appelle également le Parlement Européen à interdire les fluides frigorigènes qui peuvent se dégrader en PFCAs ou PTFAs en anglais. Il vise par là les HFO, pour Hydrofluoro-oléfines, à très faible GWP, comme le HFO1234ze (GWP = 7) utilisé en remplacement du R134a avec des compresseurs à vis, le HFO1233zd (GWP = 4,5) employé dans des chillers de forte puissance et le HFO1234yf (GWP = 4) qui connaît un fort développement en climatisation automobile.

 

Une fois relâchés dans l’atmosphère, certains HFO se brisent en composants - les acides perfluorocarboxyliques ou PFCAs - qui ne se dégradent pas dans l’environnement et qui ont donc reçu le nom de "Forever Chemicals".


Les chimistes qui fabriquent les HFO contestent cette interprétation soulignant, d’une part, qu’il existe une importante production naturelle de PFCAs sur la planète et, d’autre part, tous les HFO ne se dégradent pas en PFCAs.

 

 

Et celles des industriels et des installateurs

 

 

De l’autre côté, EPEE (European Partnership for Energy and the Environment), EHPA (European Feat Pump Association qui rassemble les fabricants de pac) et AREA (European association of refrigeration, air conditioning and heat pump contractors qui fédère les installateurs de réfrigération, de clim et de pac) ont publié un communiqué commun le 5 avril dans lequel ces trois associations soulignent :

 

  • le manque de solutions de remplacement disponibles pour remplacer les HFC qui risque de retarder le plan européen d’installation massive de pompes à chaleur et, en réalité, ralentir le déploiement des pacs en Europe,
  • le manque d’installateurs qualifiés pour installer des machines thermodynamiques en masse.

 

Les fabricants rassemblés dans l’EHPA et dans EPEE, pour la majorité d’entre eux, utilisent le R32 (GWP = 675) dans leurs pac air/eau et dans leurs solutions à détente directe (monosplits, multisplits). En tertiaire, les fabricants annoncent aussi l’arrivée du R32 dans les systèmes centralisés DRV (Débit de réfrigérant variable) pour remplacer le R410A (GWP = 2100).

 

De nombreux fabricants de pac air/eau et eau/eau allemands et d’Europe du Nord sont cependant passés directement au R290, sautant l’étape, inutile à leurs yeux du R32. En France, c’est le cas de Saunier Duval et de plusieurs petits fabricants.

 

Même ces industriels, cependant, lorsqu’ils commercialisent des systèmes à détente directe n’ont pas d’autre choix que le R32 ou, encore pire, le R410A, pour leurs monosplits, multisplits et DRV.

 

Cela ne signifie pas que l’on ne pourrait plus climatiser les bureaux, les hôtels, les commerces, etc. Il est possible de tourner le dos à la détente directe et de revenir aux solutions à eau glacée, avec des groupes froid ou réversibles fonctionnant à l’aide de fluides naturels comme le R290, le CO2 (GWP = 1) ou l’Ammoniac (R717, GWP = 0) pour les grandes puissances.

 

La proposition de la Commission sur la révision du règlement F-Gaz va maintenant être soumise au Conseil Européen et au Parlement, dans le but d’une adoption en 2023 pour une entrée en vigueur en 2024.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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