Et si le solaire thermique remplaçait le gaz et le fioul dans l’industrie et le chauffage urbain ?

Et si le solaire thermique remplaçait le gaz et le fioul dans l’industrie et le chauffage urbain ?

La technologie solaire thermique est connue, maîtrisée et plusieurs entreprises proposent des solutions pour développer des installations solaires thermiques de grande puissance, fiables et pérennes




L’Union Européenne, souvenons-nous, a décidé de devenir neutre en carbone en 2050. Dans ce cadre, toutes les solutions efficaces pour décarboner l’économie sont les bienvenues. Lorsqu’on considère la situation actuelle de l’économie européenne, les priorités s’imposent assez clairement. Par exemple, en Europe, la production et la consommation d’énergie représentent plus de 75% des émissions de gaz à effet de serre et offre un créneau particulièrement bien adapté au développement de la chaleur solaire.

 

L’Europe a déjà mis en place des outils pour atteindre la neutralité carbone. La Directive sur les énergies renouvelables, modifiée en décembre 2018, (UE 2018/2001) hausse leur contribution à 32% de l’énergie consommée en Europe d’ici 2030. La France est en retard, raison de plus pour rattraper de manière intelligente en exploitant les possibilités du solaire thermique dans de grandes installations.

 

Le moment est favorable. Dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, la Commission s’apprête à lancer, fin mars ou début avril, des appels à projets sur l’emploi des énergie renouvelables, avec financements publics et privés à la clef. Et, en France, nous avons toujours le Fonds Chaleur géré par l’Ademe.

 

newHeat, le petit français

 

Plusieurs entreprises se sont spécialisées sur ce créneau très particulier des installations solaires thermiques de grande puissance.

 

Comme l’indique Hugues Defréville, co-fondateur et président de newHeat, leur devise est simple : newHeat fournit de la chaleur solaire et de récupération pour les grands consommateurs de chaleur. Plus précisément, newHeat travaille dans trois secteurs : l’industrie, les réseaux de chauffage urbain et les grandes serres maraîchères.

 

newHeat développe de grands projets solaires thermiques, mais aussi des projets de récupération de chaleur et de stockage de chaleur à court et à long terme.

 

L’entreprise se charge du développement commercial, du financement de l’installation, des études, des achats de matériel et de la construction du système. Puis newHeat exploite l’installation durant 20 à 25 ans, tout en vendant la chaleur au client industriel, maraîcher ou réseau de chaleur.

 

 

Le Français newHeat, créé il y a 5 ans, figure au premier plan. Fondée par Hugues Defréville (Président, ci-dessus) et Pierre Delmas (Directeur Technique, ci-dessous), l’entreprise est membre de l’organisation européenne ESTIF. ©newHeat

 

 

Une technologie éprouvée

 

En assumant toutes ces missions, newHeat évite les deux écueils bien connus à propos des installations solaires thermiques : une conception déficiente et une exploitation approximative. Ces deux écueils ont malheureusement conduit bien des Maîtres d’ouvrage à renoncer au solaire thermique, de grande comme de petite puissance.

 

Comme le souligne Hugues Defréville, pour l’essentiel, les technologies déployées par newHeat sont matures, bien connues et maîtrisées. L’entreprise utilise des capteurs plans, de grandes dimensions, mais très classiques, pas de capteurs sous vide, ni de capteurs à concentration.

 

La France est exportatrice nette de capteurs solaires thermiques, grâce à la production de l’usine Viessmann de Faulquemont.

 

 

Le principal fournisseur de newHeat est cependant l’Autrichien GreenoneTEC, principal fabricant mondial de capteurs solaires thermiques plans. GreenoneTec propose notamment des capteurs de 13 m² de surface. ©GreenoneTec Solar GmbH

 

 

newHeat utilise également les capteurs plans du finlandais Savo Solar, dont les modèles Savo 12 SG atteignent une surface active de 12,07 m², tandis que ses deux gammes Savo 15 DG et Savo 15 SG offrent jusqu’à 14,83 m² de surface active. ©newHeat

 

Des capteurs autrichiens et finlandais

 

Début 2020, GreenoneTec a acquis la plus grande partie des actifs du danois Arcon-Sunmark, leader du développement de solutions solaires thermiques pour réseaux de chaleur. En 2017, le chinois Haier Group avait pris une participation de 51% dans GreenoneTec. Cette participation a été rachetée par Robert Kanduth, fondateur de GreenoneTec, fin janvier 2021.

 

La technologie de Savo Solar est assez particulière. L’absorbeur de chaleur n’est pas un tube cuivre avec un diffuseur aluminium, mais une plaque aluminium perforée de micro-canaux.

 

C’est la même technologie, dérivée des radiateurs automobiles, que l’on trouve dans les échangeurs à micro-canaux des groupes froids les plus efficaces. Cette architecture donne aux collecteurs solaires thermiques de Savo Solar un rendement 10 à 20% supérieur à ceux de ses concurrents. Elle leur permet aussi de conserver 98% de leur rendement lorsque l’irradiation du soleil dévie de ± 50° autour de la perpendiculaire par rapport à la surface du capteur.

 

Plusieurs projets réalisés et en cours en France

 

newHeat travaille dans le monde entier, mais l’entreprise a déjà plusieurs réalisations à son actif en France et s’apprête à construire d’autres.

 

Cette chaleur couvrira environ 32% des besoins de chaleur pour le préchauffage de l'eau de complément utilisée pour la production de vapeur d’une papeterie. Le site consomme 500 GWh par an. La contribution solaire représente donc moins de 1% de la consommation totale.

 

Selon Hugues Defréville, dans l’industrie, la fiabilité du procédé compte avant tout. newHeat, jusqu’à présent, n’a jamais eu pour ambition de remplacer la totalité des combustibles. Dans une installation dont le process industriel est continu, le solaire thermique peut couvrir 30 à 40% des besoins énergétiques annuels. Si l’application porte sur le chauffage de l’eau, à l’exclusion d’une production de vapeur, le solaire thermique couvre la totalité des besoins en été.

 

 

A Condat-sur-Vézère, en Dordogne, newHeat a installé, avec l’aide de Savo Solar et de sous-traitants locaux, 3915 m² de surface de surface active de capteurs Savo 15 SG, soit une puissance nominale de 3,3 MW qui devrait produire 4 000 MWh an, avec un rendement de plus de 1000 kWh/m².an. ©newHeat

 

Dépôt d’un brevet sur la gestion de la surchauffe

 

Le site de Condat-sur-Vézère est également équipé d’un stockage de chaleur sous forme d’une cuve de 500 m3. Ce qui représente 3 jours de production par l’installation solaire thermique et permet d’alimenter le site la nuit et durant les jours de temps couvert. La cuve est équipée d’un système de stratification de chaleur – des déflecteurs qui cassent le débit à l’entrée et à la sortie de la cuve - pour maximiser son rendement de stockage.

 

L’installation de Condat-sur-Vézère, en revanche, a donné lieu au dépôt d’un brevet par newHeat sur la gestion des surchauffes dans les capteurs. Ils sont montés sur des capteurs un axe qui augmentent de 25% leur production annuelle. Hugues Defréville estime que des trackeurs à deux axes représentent un surcoût trop important pour des gains de productivité faibles, ce qui les rend inamortissables.

 

Durant la pandémie de la Covid-19, la papèterie s’est arrêtée quelques jours en juin-juillet. Ce qui ne permettait plus d’évacuer la chaleur des capteurs. newHeat a utilisé les trackeurs un axe pour défocaliser les capteurs en les tournant à l’opposé du soleil, réduisant ainsi très significativement la production de chaleur. Ce qui a protégé l’installation et donné lieu au dépôt d’un brevet. Cette centrale solaire thermique est instrumentée avec l’aide de l’INES.

 

15 000 m² de capteurs dans une usine Lactalis

 

Le 5e projet en France de l’entreprise bordelaise sera la plus grande centrale solaire thermique d’Europe alimentant en chaleur un site industriel.

 

Cette nouvelle centrale, située près de Verdun à Fromeréville-les-Vallons (55), fournira de la chaleur solaire à la nouvelle tour de séchage de lactosérum du site Lacto Serum France. Elle réduira la consommation de gaz du site et évitera ainsi l’émissions de 2 000 tonnes de CO2 par an.

 

Ce projet a été sélectionné et soutenu financièrement par l’Ademe dans le cadre de l’Appel à Projets « Grandes installations solaires thermiques » du Fonds Chaleur. Il recevra aussi le soutien financier du Groupement d’Intérêt Public Objectif Meuse, ainsi qu’une une aide de la part de la Région Grand Est via son programme Climaxion, piloté en partenariat avec l’Ademe.

 

Il s’inscrit dans l’opération de financement, portant sur 5 projets de centrales solaires thermiques, annoncée par Newheat en septembre 2020, comprenant la mise en place d’un financement bancaire global d’un montant de 13 M€ auprès de Triodos Bank et du Crédit Coopératif. Le projet bénéficie enfin de l’accompagnement et du soutien de la Communauté d’Agglomération du Grand Verdun.

 

 

Début février 2021, newHeat et le groupe Lactalis, leader mondial des produits laitiers, ont annoncé la signature d’un contrat pour la fourniture de l’énergie qui sera produite par une centrale solaire thermique de 15 000 m², soit 13 MW de puissance. ©newHeat

 

Les financements publics demeurent nécessaires pour le solaire Thermique

 

L’aide financière de l’Etat est encore indispensable, estime Hugues Defréville. Les industriels bénéficient en effet d’un prix du gaz naturel particulièrement bas. A titre de comparaison, l’aide de l’Etat atteint environ 8 milliards d’euros par an pour l’électricité photovoltaïque, contre 700 à 800 millions d’euros pour la chaleur solaire apportés à la fois par le Fonds chaleur et sous forme d’aide fiscales.

 

newHeat développe trois nouvelles opérations et travaille à la réduction des coûts, notamment pour des projets de séchage en utilisant des batteries eau/air alimentées à 80 – 90°C. Sur les bâtiments, newHeat répond sur des projets de 3 MW, soit 3000 à 4000 m², au minimum, lorsque les besoins de chaleur d’été sont importants.

 

Réseaux de chaleur : deux projets pour newheat

 

Sur des réseaux de chaleur, newHeat a répondu à deux projets : Pons et Narbonne. A Pons, les travaux ont commencé en Juin 2020 et portent sur l’installation de 1 800 m² de capteur et d’un stockage d’eau chaude de 500 m3 pour une production de chaleur attendue de 1000 MWh.

 

Le réseau, concédé à Dalkia, utilisait jusqu’à présent une chaudière biomasse et une chaudière gaz naturel. La chaudière biomasse s’arrêtait en mi-saison, lorsque sa limite de modulation de puissance était atteinte. La chaudière gaz prenant alors entièrement le relais.

 

Avec la nouvelle centrale solaire thermique, le gaz sera déplacé entièrement et le réseau fonctionnera à près de 100% à base d’énergies renouvelables. Il alimente le lycée, le foyer d’étudiants, la piscine et un gymnase, pour une consommation d’énergie annuelle d’environ 7 GWh.

 

A Narbonne, le réseau géré par la société narbonnaise de chauffage, une filiale de Dalkia, verra lui-aussi le déplacement d’une partie de la consommation de gaz naturel grâce à 2 900 m² de capteurs solaires thermiques et à l’installation d’une cuve de stockage de 1000 m3.

 

A l’issue des travaux, ce réseau fonctionnera à environ 80% à partir d’ENR. Le stockage de 1000 m3 d’eau sera utilisé par la centrale solaire et, en hiver et en mi-saison, par la chaudière biomasse pour optimiser son fonctionnement.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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